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DCCLXVII

Rémission accordée à Jean Viset, détenu depuis trois ans d'abord dans les prisons du sire de Parthenay, puis dans celles de Jean Girard, chevalier, pour le meurtre de Michel Bastier, son beau-frère.

  • B AN JJ. 142, n° 216, fol. 125
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 76-79
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté humblement [p. 77] exposé de la partie des amis charnelz de Jehan Viset, povre homme, laboureur de l'aage de XXI ans ou environ, que, comme Guillaume Viset et Katin, sa femme, pere et mere du dit Jehan, soient et aient esté conjoins par mariage ensamble et durant leur mariage eussent mariée Perrote Visete, fille du dit Guillaume Viset d'un autre mariage, avecques un appellé Michiel Baster, et depuis les noces faictes le dit Baster eust demandé aux diz Guillaume et Katin la part et porcion appartenant à sa dicte femme, à cause de certains biens meubles, entre lesquelz avoit bestes à laine à partir et diviser, et en faisant le dit partage le dit Baster, par son grant oultrage, s'efforça de prendre et enmener par force et contre la voulenté de la dicte Katin, avec laquelle il faisoit le partage des dictes bestes, l'une des plus belles bestes qui feust ou monceau et farat des dictes brebiz. Et pour ce que la dicte Katin le contredist, ycellui Baster lui dist pluseurs grans injures et vilenies, et de fait pour ce que la dicte Katin s'efforça d'empeschier qu'il ne enmenast la dicte brebiz, le dit Baster qui estoit grant jeunes homs et fort bati et feri moult durement et inhumainement la dicte Katin et la gecta à terre, et telement qu'elle ne se povoit lever ne aidier; sur lequel fait le dit Jehan Viset arriva d'aventure et lui, meu d'amour maternelle, voyant sa dicte mere estre ainsi durement vilenée et batue, et que le dit Baster ne s'en cessoit autrement, mais procedoit tousjours par grant felonnie à batre la dicte Katin qui est vielle et ancienne, sacha un coustel qu'il portoit, et de fait par chaude cole feri le dit Baster d'un coustel telement que mort s'en ensuy en la personne du dit Baster. Pour le quel fait, ycellui Jehan Viset a esté prins et est detenu prisonnier ès prisons de nostre amé et feal le seigneur de Partenay, et depuis a esté rendu en la prison de nostre amé et feal Jehan Girart1 chevalier, comme son subgiet et justiciable [p. 78] , et est en voye d'estre puniz corporelment le dit Jehan, se nostre graece et misericorde ne li est sur ce eslargie; [p. 79] en nous humblement suppliant que, comme en tous autres cas le dit Jehan Viset ait esté et soit de bonne vie, fame, renommée et honneste conversacion, sanz onques avoir esté attaint ne convaincu d'aucun autre villain blasme, et que pour occasion du dit fait le dit Jehan Yiset a esté et demouré prisonnier par l'espace de trois ans ou environ, à grant misere et povreté, pour le débat des diz sire de Partenay et du dit Jehan Girart, nous sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., le fait dessus dit, etc., avons remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au gouverneur de la Rochelle et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys d'avril l'an de grace mil CCC IIIIXX et XII, et de nostre regne le XIIe.

Par le roy, à la relacion du conseil. Freron.


1 Jean Girard, chevalier, seigneur de Bazoges, est mentionné dans un autre acte du 1er juillet 1402, imprimé dans le présent volume. Malgré le silence complet des recueils généalogiques et biographiques, on peut affirmer qu'il appartenait à une famille considérable, à laquelle il donna un nouvel éclat par ses alliances. On en peut juger par le grand nombre de ses affaires litigieuses, et surtout par l'importance des intérêts en jeu. Il était vraisemblablement le fils de Jean Girard, seigneur de la Roussière, dont la veuve, Pernelle du Puy-du-Fou, plaidait le 16 juin 1376 contre Jeanne du Puy-du-Fou, veuve, et contre les enfants de Jean d'Appelvoisin, chevalier. (Arch. nat., X1A 25, fol. 221 v°.) Il avait épousé une riche héritière, Marie, fille de Jean Luneau, chevalier, qui lui apporta entre autres fiefs la seigneurie de Bazoges, dont il prit ordinairement le titre. Le sire de Parthenay avait autorisé Jean Luneau à fortifier le chef-lieu de ce fief, et après la mort de celui-ci, le 29 septembre 1380, une transaction intervint entre son gendre et sa fille, d'une part, et Guillaume Larchevêque, d'autre; moyennant la confirmation de ce privilège, Jean Girard s'engagea à prendre l'agrément du sire de Parthenay pour le choix et l'institution du capitaine de Bazoges et à lui rendre la foi et hommage, avec certains devoirs, pour ledit fort, qui était dans la mouvance de Vouvant. (Original, carton R1 203.) Quelques années après, Jean Girard et sa femme s'enrichirent notablement par l'héritage de Jean Luneau, chevalier, frère de celle-ci, et de Marguerite de Brillouet, son épouse, décédés sans enfants, et qui laissaient entre autres biens les terres de Saint-Martin-Lars et du Châtenay. Cette succession donna lieu à un procès. Léonnet de Pennevaire, le mari de Jeanne Brillouet, belle-sœur de Jean Luneau, se plaignait d'avoir été lésé dans le contrat passé devant Jean Bouet, notaire de la cour de Vouvant, entre Jean Girard et Jeanne de Brillouet, pour liquider l'héritage en question et les biens provenant de deux autres successions, celle des Gillon et des Béranger. Un accord intervint entre eux à ce sujet, le 4 mars 1385 n. s. (X1C 50). Un Simon Oujart avait émis de son côté quelques prétentions sur certains immeubles provenant de Jean Luneau. Cette nouvelle affaire fut réglée à son tour le 4 juillet 1390. (X1C 61.)
On pourrait rédiger une longue notice sur Jean Girard, ou du moins sur ses possessions en Poitou, à l'aide de nombreux extraits des registres du Parlement que nous avons recueillis. Pour ne pas développer outre mesure cette simple note, nous nous contenterons d'énumérer ses principaux procès: 1° contre Marie de Pouillé, Pierre du Plessis et Henri Aubin, auxquels il réclamait, à cause de Marie Luneau, sa femme, une part de la succession de Jean Gillon (transaction du 26 mai 1377, X1C 34) ; — 2° contre Guillaume Sorin (accord d'avril 1379, X1C 38) ; — 3° contre Nicolas Gaillard, de la Rochelle, touchant une saisie-exécution (18 janvier 1383 n. s., X1C 46) ; — 4° contre les ayants cause de Jean Bouchet (15 mai 1383, id.) ; — 5°contre le tuteur de Nicolas Boschet, touchant la terre de la Viandière (accord du 18 mars 1387, X1C 54) ; — 6° contre Guillaume Sudre, dont il attaquait certaines conventions matrimoniales(l5 juillet 1389, X1C 59) ; — 7° contre Messire Geoffroy d'Argenton, au sujet de la possession des terres de Mairé, Voultegon, la Tour-d'Anguitart, Chasseneuil et la Bournée (accord du 30 juin 1390, X1C 60) ; — 8° contre Hugues de la Roussière (13 août 1390, X1C 61) ; — 9° contre Guillaume Ortie (mandement d'enquête du 30 avril 1392, X1A 39, fol. 57 v°) ; — 10° contre Naudin Julien, touchant des droits et coutumes à Marans (arrêt du 19 février 1396 n. s., X1A 43, fol. 271) ; — 11° contre l'abbaye de Sainte-Croix de Talmont, au sujet de certains droits de la seigneurie de Moric que réclamait ladite abbaye à Jean Girard et à Jean de Vaux, chevaliers, qualifiés co-seigneurs de Moric (arrêt curieux du 23 décembre 1395, X1A 43, fol. 87 v°, et jugé du 15 décembre 1403, X1A 51, fol. 248) ; — 12° contre Nicolas Meschin, chevalier, appelant d'une sentence du gouverneur de la Rochelle (arrêt du 1er septembre 1404, X1A 51, fol. 225 v°).
Jean Girard, seigneur de Bazoges, était mort avant le 1er avril 1410. A cette date, Marie Luneau, sa veuve, rendit aveu pour la Tour-d'Anguitart et autres fiefs tenus du comte de Poitou. (Copie du Grand-Gauthier, Arch. nat., R* 2171, p. 174 et s.) Elle vivait encore en 1418 et renouvela son hommage pour les mêmes seigneuries au nouveau comte de Poitou, le dauphin Charles, qui fit son entrée à Poitiers le 10 août de cette année(P. 1144, fol. 4 v°). Quelques années plus tard, en 1430, on trouve un Renaud Girard, qualifié seigneur de Bazoges (X1A 8604, fol. 145, et Archives de la Vienne, G. 1129). C'était très probablement le fils de Jean Girard et de Marie Luneau.