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DCCCLXXIX

Rémission accordée à Perrot Philippe, qui avait frappé mortellement, en se défendant, Jeannin Jumeaux, sergent de la terre de l'Hôpital du Puy-de-Noiron.

  • B AN JJ. 157, n° 1 bis, fol. 9
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 406-408
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de Perrot Phelipe, laboureur, chargié de jeune femme et de cinq petiz enfans, que, environ la Saint Michiel derrenierement passée ot deux ans, un appellé Jehannin Jumeaux qui se disoit sergent de la terre de l'Ospital du Puy de Neyron, estoit un soir bien tart, c'est assavoir une lieue de nuit ou environ, emprès une croix de pierre qui est en la dicte ville, et en tenant en sa main une espée toute nue, disoit ces paroles ou semblables en substance : « Par le sanc Dieu, si je trouve ce ribaut Perrot Phelipe, larron de femmes, saisi cheux lui de Perrelte, femme Aymeri Seneschal, qu'il a emblée, je le mettray en prison. » Et en disant ces paroles, survint le dit Perrot Phelipe, qui venoit devers les terres de la dicte ville, et avoit un baston à son col. Et tantost que le dit Jehannin Jumeaux le vit, dist ces paroles ou semblables en effect : « Veez vous venir le larron de femmes », et en ce disant, s'aproucha dudit Perrot, en tenant tousjours l'espée toute nue, pour en vouloir frapper le dit Perrot; mais le dit Perrot se osta du chemin et s'en ala en sa maison. Et le dit Jehannin, non contens de ce qu'il avoit dit et fait, en tenant l'espée toute nue, poursui le dit Perrot [p. 407] jusques à sa maison ; et quant ilz furent à la dicte maison, ledit Jehannin dist qu'il yroit cercher en ycelle maison se la dicte femme y estoit point. A quoi le dit Perrot respondi que qui lui vouldroit courir sus en sa maison, il se defendroit. Et adonc ledit Jehannin prist une grosse pierre et la gecta contre le dit Perrot, et de fait l'eust frappé, se le dit Perrot n'eust baissié la teste ; et lors le dit Perrot, veant la fureur du dit Jehannin, qui l'avoit poursuy l'espée nue ou poing et s'estoit efforcié de le frapper de la dicte pierre, et vouloit entrer par force en sa maison, frappa en repellant force par force le dit Jehannin un cop du dit baston sur la teste ; du quel cop le dit Jehannin cheut à terre. Et après en fut mené en son hostel où il vesqui la dicte nuit, et le jour et nuit ensuivans, et après ala de vie à trespassement. Pour occasion de la quelle chose le dit Perrot, doubtant rigueur de justice, s'est absentez du païs, et n'y oseroit jamais retourner, par quoy il, sa femme et enfans seroient desers à tousjours, se sur ce ne lui estoit impartie nostre grace et misericorde, si comme ses diz amis dient, en nous humblement suppliant que, comme en autres cas le dit Jehannin1 ait toujours esté homme de bonne vie, renommée et honeste conversacion, sanz avoir esté repris ne convaincuz d'aucun autre villain blasme ou reprouche, et que le dit fait advint d'aventure et non pas de fait precogité, et que le dit Jehan fu en ce fait agresseur de fait et de paroles, et attendu le long temps que le dit Perrot a esté absent pour le dit fait, pour compassion de sa dicte femme et enfans, nous sur ce lui vueillons nostre dicte grace impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., au dit Perrot Phelipe ou dit cas avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions de Poitou,[p. 408] d'Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d'avril l'an de grace mil CCCC deux, et de nostre regne le XXIIe.
Par le roy, à la relacion du conseil. Chaligaut.


1 Sic, Il faut lire « Perrot ».