DCCCXLIX
Rémission accordée à Jean Savary,prisonnier Frontenay-l'Abattu, pour le meurtre de Jean Bernart, qui, après avoir frappé la femme dudit Savary, s'était attaqué à lui-même, bien qu'ils fussent en assurément l'un envers l'autre.
- B AN JJ. 153, n° 461, fol. 307 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 318-320
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie des amiz
charnelz de Jehan Savary, demourant en la chastellerie de Fontenay l'Abattu, nous
avoir esté humblement exposé que comme, le XVIe jour du mois de juillet l'an mil CCC
IIIIXX et XVII ou environ, le dit Savary et sa femme estans au lieu des Touches, un nommé
Colin Cartau du dit lieu se courrouca à sa femme et la bati, et pour ce que ycelui
Cartau blamoit sa dicte femme, elle sailli hors de la maison toute deschevelée et
egraffiné son visage ; lequel Savary dist au dit Cartau que ce n'estoit pas bien fait
de batre sa femme, pour ce qu'elle estoit vielle et ancienne et que en elle ne se
povoit mettre nul chati1.
Et là survint un nommé Jehan Bernart, du dit lieu des Touches, qui venoit en une
charette. Lesquelz Jehan Bernart et Jehan Savary estoient en asseurement l'un de
l'autre et des leurs, et en passant ycelui Bernart dist au dit [p. 319] Colin
Cartau ces parolles ou telles en substance : Cuidiez vous que se la Savarie (sic)
Coupelle et Laurence Maraudelle estoient au lieu, qu'elles ne feussent pas bien
dignes de boire un verre de vin ou deux. » Laquelle Savarie, femme du dit Jehan
Savary, respondi au dit Bernart : « Ajà mal la feroit l'on abestir, car elle est assez
abestie d'elle mesmes », et qu'elle n'avoit entré chiez la dicte Coupelle pieça. Et
derechief le dit Bernart dist au dit Colin que les dictes Savarie et Laurence
Maraudelle, au plus tost qu'elles estoient levées, aloient boire à la femme du dit
Colin et l'abestissoient de vin, et estoit en voye d'en avoir aucune male aventure, et
que les voisins estoient en grant peril de y avoir dommage, en disant qu'il le diroit
à maistre Hugues Buort2. Et ainsi que le dit Bernart s'en aloit en sa charette, il
dist pluseurs injures et villenies à la femme du dit Savary qui s'en aloit en son
hostel ; lequel Savary demoura avec le dit Colin, afin qu'il ne batist plus sa dicte
femme ; et ainsi comme le dit Bernart et la dicte Savarie qui s'en aloient riotans,
furent à un retour de chemin, appellé le quarrefour Audouin, assez près du lieu où
estoient les diz Savary et Cartau, ycelui Savary oy crier sa femme : « Au murtre » !
et lors il se trait celle part et trouva ledit Bernart qui batoit sa femme d'un
aguillon de quoy il touchoit les buefs qui menoient la dicte charrette. Et lors le dit
Savary se approucha du dit Bernart et lui dist qu'il faisoit mal et pechié de batre sa
dicte femme et qu'ilz avoient asseurté l'un de l'autre, la quelle asseurté il avoit
enfrainte; et lors ycelui Bernart, indigné et courroucé de ce, laissa la dicte femme
du dit Savary et se adreça à ycelui Savary, en lui disant : « Garçon, t'en est il [p. 320]
à parler ? » et de fait fery ycelui Savary du dit aguillon pluseurs coups,
telement et si fort que il cuidoit avoir rompu un bras, et non contens de ce, ycelui
Bernart prist le dit Savary par le chapperon et s'efforça de le faire cheoir et mettre
à terre, et trait un coustel qu'il portoit et s'efforça d'en ferir ycelui Savary parmi
le corps. Lequel Savary mist le bras au devant et se rescouy et garda au mieulx qu'il
pot, et en soy sauvant et rescouant, il, tempté de l'ennemi, d'un petit coustel à
coupper pain, fery ycelui Bernart parmi le corps, dont mort s'en est ensuie en la
personne du dit Bernart. Pour lequel cas ycelui Savary a esté et est emprisonné ès
prisons du dit lieu de Fontenay l'Abbatu, et se doubtent ses diz amiz que il ne fenisse
briefment ses jours à honte, se par nous ne lui est sur ce impartie nostre grace et
misericorde, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant que, attendu que le dit
Savary en tous ses autres faiz a esté homme de bonne vie, renommée et conversacion
honneste, sans oncques avoir esté repriz, convaincu ne actaint d'aucun autre villain
cas et que ou dit fait il ne fu pas agresseur, mais fu en soy revanchant et rescouant
du dit Bernart, que sur ce lui vueillions impartir nostre grace. Pour quoy nous, ces
choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit Jehan
Savary ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement
au seneschal de Xanctonge, ou à son lieutenant, et à tous noz autres justiciers, etc.
Donné à Paris, ou mois de septembre l'an de grace mil CCC IIIIXX et XVIII, et de nostre
regne le XIXe
Par le roy, à la relacion du conseil. Chaligaut.