[p. 284]

DCCCXXXIV

Colin de La Forêt et Jean de La Forêt, son fils, ayant frappé mortellement, à Dompierre près de la Roche-sur-Yon, Philippon Alayre, sous prétexte que celui-ci avait proféré des menaces contre eux, obtiennent des lettres de rémission à la condition qu'ils iront en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, et feront célébrer un service annuel pour le repos de l'âme du défunt.

  • B AN JJ. 152, n° 104, fol. 60
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 284-287
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, de la partie des amis charnelz de Collin de la Forest, chargié de femme et de six enfans, et de Jehan de la Forest1, son filz, escollier estudiant en l'Université d'Angiers, nous avoir esté humblement exposé comme les diz Collin et son filz feussent naguaires alez ou bourc de Damperre près de la Roche sur Yon en Poitou, pour oir vespres en leur esglise parrochial, le jour de la Saint Jehan Baptiste derraine passé, comme bons catholiques doivent faire, et eulx estans devant la dite eglise ou pluseurs gens s'i assamblerent avant heure de vespres, feurent dictes et rapportéez [p. 285] pluseurs parolles aux dis Collin et son filz, entre [lesquelles] feust dist par aucuns que Phelippon Alayre, dit Jouenere, qui estoit homme moult noiseux et rioteux et qui faisoit et avoit acoustumé de faire pluseurs griefz aus hommes et subgiez du dit Collin, s'estoit ventez par pluseurs foiz qu'il decopperoit et batroit le dit Jehan de la Forest et son filz, dont ilz furent moult doulans et esmervelliez, mesmement qu'il n'avoient fait aucun desplaisir au dit Phelippon; et aussi feust dit et rapporté au dit Collin que le dit Phelippon avoit esté naguaires par derriere sa maison, lui troiziesme, et avoit dist que, se il eust trouvé le dit Jehan, que il lui eust coppé et fait copper les jambes, et puet estre que le dit Collin dist alors à son dit filz qu'il decopast les jambes au dit Phelippon. Et après ces parolles ainsi dictes, les diz Collin et son filz entrerent en la dicte eglise et oyrent les vespres ; après les quelles par eulx oyes, il s'en yssirent hors de la dicte eglise. Devant laquelle ilz trouvèrent icelluy Phelippon, au quel le dit Collin, soy recordant des choses devant dictes, et tenant en sa main un petit baston, dist en demenant le dit baston vers le dit Phelippon ces parolles ou semblables en subtance : « Ribaut, tu es cellui qui menaces de copper les jambes à mon filz. » Tantost après lesquelles parolles, le dit Jehan son filz estant en jeune aage, meu de challeur naturelle et par temptacion de l'ennemy et de chaude colle, sacha un badelaire ou coustel qu'il portoit, duquel il feri ledit Phelippon sur l'espaule. Lequel Phelippon après ce s'en fuy en disant qu'il cousteroit ses deniers, et aussi fuy après luy le dit Jehan et en fuyant le dit Phelippon cheust à terre, et puet estre que le dit Collin dist au dit Jehan, son filz, ces parolles ou semblables : « Fiers sur les jambes! » Lequel Jehan, meu de chaude colle et en fuyant, comme dit est, seurvint sur le dit Phelippon, au quel il bati les jambes de son dit baselaire ou coustel, et sy l'en feri un cop sur la teste, dont mort s'en ensuy en [p. 286] la personne du dit Phelippon, dedens sept jours après ou environ. Pour occasion duquel fait les dis Collin et son filz, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du païs. A l'encontre des quelz la justice ou justices du dit lieu ou lieux a procédé ou procedent par trois bannissemens ou autrement, et par ainsi n'oseroient les diz Collin et son filz jamais retourner ou dit païs, se par nous ne leur est sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme il dient, requerans humblement icelle. Pour ce est il que nous, eue consideracion aus choses dessus dictes et que les diz Collin et Jehan ont tousjours esté gens de bonne vie, renommée et honneste conversacion, etc., et aussi pour consideracion des bons et agreables services que le dit Collin a fait à nous et à noz predecesseurs en nos guerres, tant ou païs de Poitou comme ailleurs, aux diz Collin et son filz, etc., avons remis, quictié et pardonné, etc., satisfaction faicte à partie civilement, premièrement et avant tout euvre, se faicte n'est, et aussi toutesvoies que les diz Collin et son filz seront tenuz de faire un pèlerinage à Saint Jaques en Galice, et aussi seront tenuz faire chanter un anuel pour l'ame du dit feu Phelippon en l'esglise où il est enterré. Si donnons en mandement à nostre gouverneur de la Rochelle et à tous nos autres justiciers et officiers, etc. Donné à Paris, ou mois d'aoust l'an de grace mil CCC IIIIXX et dix sept, et de nostre regne le XVIIe.
Autres fois ainsi signée: Par le roy, presens messire Pierre de Navarre2, messire Jaques de Bourbon3, messire [p. 287] Guillaume Martel4 et autres, et rescripte selon vostre correpcion. J. de Scepeaux.


1 La famille ou les familles de La Forêt de Poitou avaient de très nombreux représentants à la fin du XIVe siècle et dans les premières années du XVe. Il n'en existe pas de généalogie. Aussi est-il difficile d'identifier ces personnages. Peut-être se rattachent-ils à une branche de la maison de La Forêt-sur-Sèvre, la plus connue. Dans un acte de juillet 1398 ci-dessous imprimé, est mentionné un autre Colin de La Forêt, dont la veuve Catherine Royrand, âgée de quarante ans, fut enlevée par Jean Buor. Nous citerons quelques mentions relatives à un ou à deux Jean de La Forêt, sans doute différents de celui dont il est question dans ces lettres. Le Grand-Gauthier contient un aveu rendu au duc de Berry par Jean de La Forêt, seigneur de Mons, pour ladite seigneurie, sise dans la châtellenie de Lusignan, le 24 février 1406 n. s. (Arch. nat., R1* 2171, fol. 342.) Le même fit hommage pour ce fief à Charles dauphin, comte de Poitou, l'an 1418. (P. 1144, fol. 25 ) En 1420 et 1425, vivait un Jean de La Forêt, qualifié écuyer, seigneur de la Forêt de Montpensier et de Puymary, à cause de Catherine de La Forêt, sa femme ; en 1434, Marguerite Jolivon est dite veuve de Jean de La Forêt, seigneur de Noirevau ; enfin un autre qualifié écuyer, seigneur de Beaurepaire, est mentionné comme vivant en 1439. (Voy. B. Ledain, Hist. de la ville de Bressuire, p. 413, 414, 415, 416.)
2 Troisième fils de Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre, et de Jeanne de France, fille aînée du roi Jean, Pierre prit le titre de comte de Mortain à partir du 21 mai 1401, date de l'érection de ce comté en sa faveur. Né à Evreux en 1366, il mourut le 29 juillet 1412 à Bourges, où il avait accompagné Charles VI ; il était marié depuis un an seulement à Catherine d'Alençon, fille de Pierre II, comte d'Alençon, dont il n'eut point d'enfant. (Hist. généal. de la maison de France, in-fol., t. I, p. 286.)
3 Le comte de la Marche était alors Jacques II de Bourbon (11 juin 1393 — 24 septembre 1438). S'il s'agissait de lui, il semble qu'on le désignerait plutôt par le titre de son comté. Ce doit être plutôt Jacques de Bourbon, sr de Préaux, troisième fils de Jacques Ier comte de la Marche et de Jeanne de Saint-Pol, qui avait été pourvu le 26 juillet 1397 de la charge de grand bouteiller de France. (Id. ibid., p. 364.)
4 Guillaume Martel, chevalier, seigneur de Bacqueville, conseiller et chambellan du roi, établi garde de l'oriflamme de France, le 28 mars 1414, tué à la bataille d'Azincourt, le 25 octobre 1415. (Op. cit., t. VIII, p. 208.)