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DCCCXXIII

Rémission accordée à Guillaume.Chuffoulon, accusé de complicité dans un meurtre commis par Jean Charrier, clerc non marié, à Saint-Christophe-du-Ligneron, le 15 août précédent, à l'issue du dîner de la confrérie Notre-Dame.

  • B AN JJ. 150, n° 213, fol. 103 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 252-254
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir; à nous avoir esté humblement exposé de la partie de Guillaume Chuffoulon, demourant en Poictou que, ou mois d'aoust derrenier passé, après le disner d'une confrarie de Nostre Dame mi aoust, qui siet chascun an en la parroisse de Saint Christofle du Ligneron, à la quelle le dit exposant et un appellé Jehan Charrier1, clerc non marié, et pluseurs autres parroissiens d'icelle parroisse avoient disné, [p. 253] icellui exposant non aiant aucune mauvaise entencion contre un appellé Christofle Pennart, à la requeste d'icellui Charrier, ala avecques lui après le dit Christofle Penart et sa femme, à laquelle icellui Charrier qui autrefoiz l'avoit maintenue et congneue charnelement, vouloit parler, et les suyvirent jusques à la maison d'un appellé Chauvet Daubignon, assise en icelle parroisse près de la maison du dit Christofle Pennart, et passerent parmi la maison du dit Chauvet en son curtil, et là icellui Charrier et la dicte femme parlerent ensemble. Et tantost qu'ilz orent ainsi parlé, la dicte femme se departi ne scet où le dit exposant. Et en icellui moment le dit exposant apperceut le dit mari qui venoit droit à eulx, et lors il dist au dit Charrier : « Alons nous en d'icy, fuyons d'icy ». Et peut estre que icellui Charrier respondi qu'il ne s'en fuyeroit point et qu'il l'atendroit ; et lors icellui exposant se departi et s'en ala. Et après pou d'intervales de temps le dit Charrier suyvi le dit exposant, le quel lui dist en ceste maniere: « Par le sanc Dieu, je doubte que tu l'aies navré ». Et le dit Charrier lui respondi qu'il ne lui avoit fait oncques mal, en disant qu'ilz y alassent veoir ensemble. Si advint que icellui exposant y ala, et en alant apparceut de loing que le dit Christofle estoit cheu à terre et que icellui Charrier, qui plustost s'estoit advanciez d'y aler que le dit exposant, frapoit d'un badelaire, et criant et disant à haulte voix : « Larron, tu disoies que tu ne lui avoies fait nul mal et tu l'as tué ». Pour laquelle bateure ainsi faicte par le dit Charrier, dedens huit jours après ensuyans, le dit Christofle ala de vie à trespassement. Pour lequel fait le dit exposant qui est homme lay, s'est diffuy et absentez pour doubte de riguoreuse justice, et n'oseroit bonnement aler ne converser en son païs, se nostre présente grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie et eslargie, en nous requerant humblement que, comme il n'eust aucune rancune[p. 254] ne hayne contre le dit Christofle, ne aucune entencion de lui mal faire, et aussi ne cuidoit pas que le dit Charrier eust en propos de faire ledit fait, et ait esté tout son temps de bonne vie, fame, renommée et honneste conversacion, sanz oncques avoir esté suspeçonné, convaincu ne actaint d'aucun autre vilain blasme ou reprouche, nous lui vuillons impartir et eslargir sur ce nostre dicte grace et misericorde. Pourquoy nous, considerans ces choses, voulans rigueur de justice estre temperée par misericorde, le fait et cas dessus dit, etc., avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, de Poictou et du Maine, et à touz noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Paris, ou mois d'octobre l'an de grace mil CCC IIIIXX et XVI, et de nostre regne le dix septiesme.
Par le roy, à la relacion du conseil. J. de Crespy.


1 Jean Charrier obtint à son tour, pour ce meurtre, mais en juillet 1403 seulement, des lettres de rémission qui seront imprimées à leur date, les deux relations contenant des variantes notables.