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DCCLXXXIII

Rémission en faveur de Jean Belleren, sergent et messier de l'abbaye du Bois-Grollant, qui, ayant pris un petit berger de douze ans, dont les bêtes paissaient dans un champ de blé sur la terre de la Cigogne appartenant à ladite abbaye, l'avait corrigé [p. 139] si rudement que l'entant était mort dix jours après de ses coups.

  • B AN JJ. 144, n° 286, fol. 168 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 138-140
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplication de Jehan Belleren, povres homs, chargié de femme et deux petis enfans, contenant comme il soit sergent et messier des religieux, abbé et convent de Nostre Dame de Bruilgollant en Poitou1, et à cause de son dit office lui appartiengne la garde des terres, vignes et blez estans ès terres et fiefs de leur terre de la Sigoigne, appartenans aux diz religieux; et à un certain jour qui fust en karesme derrenierement passé, ycellui suppliant, en faisant et excercent son dit office, feust alez en la dicte terre de la Sigoigne, pour soy prandre garde, ainsi comme il avoit acoustumé à faire et que à son dit office appartenoit, afin que il n'eust aucunes bestes ou autres malfaiteurs ès dictes terres des diz religieux. Et lors le dit suppliant apparceust que ès dictes terres dont il avoit la garde, comme dit est, avoit bestes à laine et chievres pessens en un blé, et pour ce s'en ala droit à ycelles bestes pour les oster hors d'icellui blé, et bien près d'ilecques trouva un jeune filz de l'aage de douze ans ou environ, appellé Jehan Gauteret, qui ycelles bestes avoit en garde, le quel s'estoit bouté en un buisson, et pour et afin de le [p. 140] chastier, ycellui suppliant prinst une verge de deux petis sarmens, lui reverssa sa robe et le gecta à terre, et le bati de deux petites verges de sarment sur les fesses et jambes; et en ce moment qu'il le batoit des dictes deux verges de sarment, le dit suppliant, ainsi comme le dit enfant se demenoit, puet estre, si comme on dit, que ycellui suppliant l'assena du pié ne scet quel part; et combien que ycellui suppliant feist ce qu'il feit en bonne entencion et ne pensast que au chastiement du dit enfant, toutevoies dedens X jours ou environ, le dit enfant fina ses jours. Pour le quel fait le dit suppliant, doubtant rigueur de justice, s'est absentez du païs et par ainsi n'oseroit jamais retourner au païs devers sa femme et ses enfans, qui de son labour doivent estre alimentez, en nous requerant très humblement que, comme le dit suppliant en tous ses autres fais ait et se soit loyalment porté, sans avoir esté ataint ou convaincu d'aucun autre mauvais cas et tout son temps [ait esté] homme de bonne vie et renommée, nous lui voulsissons sur ce extendre et impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., à ycellui suppliant ou dit cas avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des Exempcions d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, l'an de grace mil CCC IIIIXX XIII, et le XIIIe de nostre regne, ou moys de may.

Par le conseil. P. de Disy.


1 Le Breuil-Grollant ou mieux le Bois-Grollant, abbaye cistercienne située en la paroisse de Saint-Eutrope du Poiroux. La liste des abbés, donnée par la Gallia christiana, est très incomplète. De Louis, abbé en 1385, on passe sans transition à Maurice Bricet qui l'était en 1461 (t. II, col. 1437-1439). Un cartulaire petit in-folio parchemin, du XIIIe siècle, conservé aux Archives de la Vendée, contient la transcription des chartes de donations faites à l'abbaye du Bois-Grollant par les seigneurs de Poiroux, de Rié, de Talmont, d'Apremont, etc., et de transactions avec diverses personnes et avec les abbayes de Talmont et d'Orbestier, de 1160 à 1245. Dom Fonteneau a recueilli aussi un certain nombre de copies d'actes provenant du chartrier de cette abbaye, entre autres un don fait, le 6 mai 1396, par Pernelle, vicomtesse de Thouars, dame de Talmont, du droit de guet et autres droits qu'elle possédait au village de la Brethommelière. (Tome I, p. 547.)