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DCCLXXXV

Rémission accordée à Guillaume Berlay et à Pierre Groya, cousins germains, de la paroisse d'Alonne, employés à la construction de l'hôtel du sr de Laubertière à Fougère, détenus prisonniers pour un homicide par eux commis dans une rixe, étant en état d'ivresse.

  • B AN JJ. 144, n° 392, fol. 229
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 144-148
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, de la partie de Guillaume Berlay et Pierre Groya, paroissiens d'Alonne ou pays de Poitou, povres et miserables personnes [p. 145] , nous avoir esté humblement exposé comme yceulx exposans qui sont cousins germains et ont tousjours dès leur enfance esté norriz près de l'un de l'autre, se feussent pieça allouez avecques Jehan de Laubretiere1 pour aidier à servir certains ouvriers et massons que avoit et a le dit de Laubretiere en un sien hostel appellé Faugere, et faire autres services, pour soustenir la vie d'eulx et de leurs povres peres et meres ; et le dimanche d'après Pasques derrenier passé, feussent venuz les diz exposans en la ville de Partenay, à l'ostel et domicile du dit de Laubretiere, distant du dit lieu de Faugere, son autre hostel, de troys lieues ou environ. Et en quel jour, environ heure de vespres, eust le dit de Laubretiere ordonné et commandé aux diz exposans et à autres ses varlés qu'ilz alassent au dit lieu de Faugere, pour servir les diz massons et faire autres choses illecques neccessaires, par quoy se feussent partiz yceulx exposans et autres en leur compaignie de la dicte ville de Partenay, pour aler au dit lieu de Faugere. Et en alant, sur chemin, près du dit Faugere, trouvèrent une maison où avoit taverne, que tenoit une femme appellée Norete, et lors les diz exposans et autres en leur compaignie, combien que dès lors que ilz estoient partiz de la dicte ville de Partenay, ilz feussent aussi comme touz yvres, [p. 146] neantmoins entrerent en la dicte maison et taverne, et demanderent une pinte de vin pour boire, qui leur fu apportée par la dicte Norete en une chambre de ladicte maison, en laquelle elle les avoit fait seoir, et illecques beurent du dit vin et mengerent des eufs; et en ce faisant, survint sur eulx un homme appellé Jaynin Budet, homme veneur, rioteux, brigueur, malicieux et yvroin et qui avoit tousjours acoustumé à injurier et villener ses voisins et autres et de aler boire ès tavernes, sanz vouloir paier son escot, et auquel ses voisins et autres avoient dit par pluseurs foiz que par ses injures, villanies et tromperies il se feroit batre ou tuer ; lequel Jaynin Budet se mist à l'escot des diz exposans et beut et menga avec eulx. Et quant ilz eurent beu et mengié, et que les diz exposans s'en vouloient aler, eulx ou l'un d'eulx distrent au dit Budet que il paiast son escot, le quel leur respondi que il ne paieroit point, et de rechief lui distrent que si feroit, mais il leur respondi comme devant et que ilz mentiroient ; et ce disant le dit Budet se parti de la dicte chambre et dist à la dicte Norete que elle lui baillast une pinte de vin, la quele il porteroit à sa femme qui avoit mal ès yeulx ; la quele Norete lui respondi que non feroit et que il estoit trop yvres et tumberoit le dit vin; et en disant ces paroles, les diz exposans redisdrent au dit Budet que il paieroit son escot, le quel s'en issy hors du dit hostel, et à l'issue leur dist que ilz mentiroient et n'en paieroit point, en les injuriant moult grandement et les appellant truans, garçons et plusieurs autres paroles injurieuses et minatoires. Et ce fait, s'en alerent les diz exposans semblablement du dit hostel, et quant ilz furent hors, loing d'icellui aussi comme du long ou get d'une bille, le dit Budet recommança à tancier comme devant, et desmenti par plusieurs foiz les diz exposans, en leur disant plusieurs paroles injurieuses, et non content de ce, maiz en perseverant en sa malice, ycellui Budet qui avoit en sa main un grant baston et pesant, [p. 147] voult frapper le dit Groya sur la teste, maiz pour ce que le dit Groya la baissa, le cop descendi sur son espaule, dont il lui endormy tout le bras. Et lors le dit Groya tira un coustel que il avoit et en frappa le dit Budet sur la teste tant que le sanc en sailli. Toutevoies ce non obstant, en eulx en alant plus avant, le dit Budet recommença à injurier les diz exposans et dire plusieurs injures et villenies, par quoy les diz exposans qui estoient embeuz et yvres et ne savoient que ilz faisoient, frapperent le dit Budet, c'est assavoir le dit Groya du coustel dessus dit en l'espaule, et le dit Berlay d'un baston qu'il avoit et tenoit en sa main, et tant que le dit Budet chey à terre, et après se releva et s'en ala sur un fumier, ou quel il perdi grant quantité de sang, et troys ou quatre jours après ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait, les diz exposans qui tout le temps de leur vie ont esté de bonne vie et honneste conversacion, sanz avoir esté actains d'autres cas ou meffait, ont esté prins et sont detenuz ès prisons de nostre amé et féal le sire d'Oyreval2, ès queles ils ont esté long temps et [p. 148] sont à très grant povreté et misere, et en voye d'estre briefment rigoreusement puniz, se par nous ne leur estoit sur ce extendue nostre grace et misericorde, si comme ilz dient. Nous adecertes, ces choses considerées et que les diz exposans ont tousjours esté de bonne vie et honneste conversation, sanz onques maiz avoir esté reprins, actains ne convaincus d'aucun autre villain cas ou reprouche, à yceulx exposans et à chascun d'eulx ou cas dessus dit avons remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de juillet l'an de grace mil CCC IIIIXX et treze, et de nostre regne le XIIIe.

Es requestes par vous tenues, du commandement du roy, presens les evesques de Lengres, de Bayeux et de Laon3, et autres du conseil. N. de Voisines.


1 Bailli de Gâtine en 1417 et pendant les années qui précédèrent, Jean de Laubertière attacha son nom à la rédaction des coutumes du Poitou, qui fut faite cette année-là, à Parthenay, par une commission de légistes, officiers de Jean n Larchevêque, ou attachés à son service. En 1419, quand ce seigneur, par son attitude de plus en plus hostile au dauphin, obligea celui-ci à le faire assiéger dans Parthenay par des troupes sous les ordres du comte de Vertus et de Jean de Torsay, grand maître des arbalétriers et sénéchal de Poitou, Jean de Laubertière sollicita et obtint des chefs de l'armée assiégeante un sauf-conduit pour se retirer à Bressuire avec sa famille, car il voulait, disait-il, demeurer bon sujet du roi et du régent. Il fut alors remplacé comme bailli de Gâtine par Jean de la Chaussée, qui exerçait encore cet office en 1440. (M. B. Ledain, Hist. de la ville de Parthenay, in-8°, 1858, p. 213, 215, 217, 389.)
2 La seigneurie d'Airvault appartenait alors à Amaury de Liniers, par suite de son mariage avec Marie, fille unique et héritière de Payen de Chausseraye, écuyer, seigneur d'Airvault. Amaury était en même temps seigneur d'Amailloux. (Arch. nat., X1A 59, fol. 32 v°.) Depuis la publication d'une notice sur ce personnage et sur ses deux frères (vol. précédent, p. 181-184 note), d'autres documents sont venus confirmer l'assertion qu'Amaury hérita de la terre et seigneurie de la Meilleraye et fut le père de Maubruni II de Liniers. Mais il ne mourut pas un peu avant le 12 février 1399 n. s., comme le disent les généalogistes et comme nous l'avons répété après eux ; car deux actes dont nous avons eu récemment connaissance, l'un du 28 mai 1412, l'autre du 30 août 1415, le mentionnent comme vivant à ces dates. Par le premier on apprend qu'Amaury de Liniers prétendait contraindre les paroissiens de Clessé et de deux villages voisins, dépendant de sa terre d'Amailloux, où il n'y avait point de forteresse, à ressortir d'Airvault et à y faire le guet, la garde et autres devoirs semblables. (X1A 59, fol. 32 v°.) Le second est une adjudication de défaut au profit d'Amaury de Liniers, chevalier, seigneur d'Airvault et de la Meilleraye, de mons. Maubruni de Liniers, chevalier, son fils, de Jean et Charles Ligier, frères, écuyers, dans une affaire criminelle contre le seigneur de Parthenay, Jean Sauvestre, Guillaume Chabot, et autres de son entourage. (Idem, X2A 17, à la date du 30 août 1415.)
3 Bernard de la Tour-d'Auvergne, évêque de Langres, de 1374 au 16 janvier 1395; Nicolas du Bosc, évêque de Bayeux, du 10 août 1375 au 19 septembre 1408, et Jean de Roucy, évêque de Laon, de 1385 à 1419.