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DCCLXII

Rémission accordée à Jean Béliart, de Chanteloup, pour le meurtre d'André Sénéchal, dit Bois-Rome, qu'il avait frappé à mort en se défendant contre quatre agresseurs l'accusant faussement de vol et le menaçant de couteaux et de bâtons.

  • B AN JJ. 142, 57, fol. 34 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 63-66
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous [p. 64] avoir oye l'umble supplication de Jehan Beliart1, filz de Guillaume Beliart, povre laboureur de la parroisse de Chantelou, en la chastelenie de Bersuyre en Poitou, contenant que comme icellui suppliant demourast avec son pere en un village appelle la Touschatiere en la dicte parroisse, c'est assavoir en l'ostel de Andry Besry2, ou quel hostel André Parrot, Perrot Guillot et André Seneschal, dit Boys Rome, avoient mis les blez du dit André Besry qu'ils avoient cueilliz et amassé, ou nom du dit Besry, ès moissons derrenierement passées, et iceulz Guillot et Boys Rome, un certain jour, environ la feste de saint Luc derrenierement passée, feussent venuz au dit lieu de la Touschatiere, et illec eussent trouvé le dit suppliant faisant sa besongne, et assés tost après les diz Guillot et Bois Rome, et par especial Perrot, filz du dit André Guillot, eust très piteusement dit au dit suppliant, en la presence du dit André Besry, qu'il avoit prins et eu par larrecin du blé du dit André Besry, que ledit Guillot et ses diz compaignons avoient mis ou dit hostel, dont le dit suppliant se excusa grandement et encores en est en bonne defense, non obstant la quelle le dit Perrot, persévérant en son oultraige, dist derechief et par pluseurs fois à icellui suppliant, en la presence dudit Besry, qu'il avoit emblé le dit blé du dit Besry. Lequel suppliant, doubtant que le dit André Besry, son maistre, creust ce que le dit Perrot Guillot disoit, dist au dit Perrot Guillot qu'il mentoit. Surquoy ilz eurent pluseurs grosses paroles ensamble, et ce pendant le dit Perrot, filz du dit André Guillot, eust saichié un grant coustel qu'il [p. 65] portoit, et en le tenant tout nu en sa main, eust dit au dit suppliant qu'il le mettroit à mort du dit coustel, et lors les autres Guillot eussent prins chascun un baston et tous ensemble eussent assailli icellui suppliant et feru des diz bastons moult fierement, maiz pour ce que en soi defendant il se reculoit ou retraioit, en leur disant qu'ilz le laissassent en paix, le dit Boys Rome, parent des diz Guillotz, voians que le dit suppliant se defendoit des diz Guillotz, print un instrument appelle rabale3 dont il frappa le dit suppliant sur sa teste telement que a po qu'il ne cheut à terre. Et avec tout ce, iceulz Boys Rome, André Parrot et Perrot Guillot, eulz efforçans de batre et vilener le dit suppliant de leurs diz bastons, coustel et rabale, poursuirent icellui suppliant qui tenoit, comme dit est, un baston en sa main pour soy defendre d'eulz, et en soy retrayant faisoit semblant du dit baston aux diz Guilloz et Bois Rome, qu'il en frappoit à destre et à senestre. Et ce non obstant ne se vouldrent cesser les diz Guilloz et Bois Rome, maiz tousjours le poursuirent en eulz efforçant de le grever et batre de leurs diz bastons, coustel et rabale, et se avança le dit Boys Rome si avant contre le dit suppliant pour le refferir de la dicte rabale que icellui suppliant, en soy defendant, le frappa du dit baston un cop sur la teste tellement qu'il cheut à terre et assez tost après ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait, ledit suppliant s'est absentez du païs et pour doubte de rigueur de justice n'y oseroit jamais converser ne retourner, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme il dit, suppliant humblement que, comme en tous autres cas il ait esté homme de bonne vie et renommée, senz avoir esté reprins d'aucun autre vilain fait, nous lui veuillons [p. 66] sur ce impartir nostre dicte grace et misericorde. Pourquoy nous, etc., à icellui suppliant avons quietié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli des Exempcions de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de fevrier l'an de grace M CCC IIIIXX et XI, et de nostre regne le XIIe.

Par le roy, à la relacion du conseil. J. Bertaut.


1 Le sire de Parthenay comptait parmi ses vassaux un Jean Béliart, possesseur du « fief de Routebout,... à foy et hommage plain, et à trente solz de devoir à muance de homme,... tenant au fié de Charles Legier et au fié de Pierre Davy, d'une part et d'autre », et se composant d'un hôtel, de vergers et appartenances. Aveu rendu sous le sceau au contrat de la ville de Parthenay, le 25 avril 1428. (Arch. nat., R1* 190, fol. 220 v°).
2 Alias Béry. Cf. sur ce personnage la note ci-dessus, p. 1.
3 F. Godefroy dit qu'en Poitou et dans l'Aunis le mot raballe désigne un morceau de planche muni d'un manche et dont on se sert pour ramener en un monceau le blé éparpillé dans l'aire. (Dict. de l'anc. langue française.)