DCCCLV
Rémission accordée à Jean Blanc, notaire royal et apostolique à Saint-Jean-d'Angély, qui, après avoir reçu et rédigé un contrat de donation faite par Marguerite de Bauçay, veuve de Simon Burleigh, en faveur de Lestrange de Saint-Gelais, avait refait et falsifié cet acte à la requête de Jacques de Saint-Gelais, fils dudit Lestrange, après la mort de ce dernier.
- B AN JJ. 154, n° 326, fol. 199 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 334-341
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble
supplicacion des amis charnelz de Jehan Blanc, clerc, notaire royal et appostolique,
demourant en la ville de Saint Jehan d'Angely, chargié de femme et de trois petis
enfans, contenant que comme, le XXVe jour du mois d'octobre l'an mil CCC IIIIXX et IX,
ou environ, ycellui Jehan Blanc, comme notaire de la court de nostre seel establi aux
contraux en la dicte ville de Saint Jehan d'Angely, et comme notaire public de
l'auctorité appostolique, eust receu la note ou prothocole d'une certainne donacion
perpetuele, qui fist lors deffuncte Marguerite de Baussay1,
vefve de feu Simes de Burlé, jadis [p. 335] chevalier, à feu Lestrange de Saint
Gelais2, polir lors chevalier, de puis mari d'icelle
defuncte, c'est assavoir la mote, terre, chastel et chastellenie de Vilers lez Nyort,
avec toutes ses appartenances, prerogatives, drois, juridicion, justice Haulte,
moyenne et basse, prouffis, revenues [p. 336] et emolumens quelconques, pour cause
des bons et agreables services que icellui de Saint Gelais li avoit fait, dont elle
se tenoit pour contente, si comme elle disoit, et aussi en faveur de mariage qui
devoit estre et depuis est ensui entre le dit de Saint Gelais et elle, en voulant
expressement et ordenant par la dicte lors vefve, ou cas que ses heritiers vouldroient
venir contre la dicte donacion, que ilz encourussent ès paines de douze cens mars
d'argent, et que de ce fussent faictes lettres, une ou plusieurs, par bon conseil,
tout au mieulx que faire se pourroit, au proufit du dit Saint Gelais, si comme ces
choses et autres pevent plus à plain apparoir par la dicte note ou prothocole d'icellui
notaire. Le quel depuis, à la requeste du dit donataire, fist et extraist d'icellui
prothocole unes lettres selléees du dit seel, et deux autres instrumentées et soubz
forme publique, ainsi que il est accoustumé de faire audit lieu, contenant en effect
la verité des choses dessus dictes, et icelle lettre et un des diz instrumens bailla
au dit de Saint Gelais, douze jours ou environ après la dicte donacion ainsi faicte et
receue. Et depuis soit advenu que, après la mort du dit donataire, c'est assavoir
depuis cinq ou six ans ença ou environ, un appellé Jehan Vilanea, portant lors unes
lettres closes de par Jaques de Saint Gelais3 filz du [p. 337] dit donataire, si
comme il disoit, contenans en effect que icellui notaire baillast les lettres de la
dicte donacion à icelui Vilanea, son procureur, aians procuracion et povoir d'icelles
recevoir et en bailler quictance, se feust transporté par devers le dit notaire, et
dist icellui Villanea au dit notaire que le dit Jaques avoit trouvé en son conseil à
Paris que les lettres que icellui notaire avoit autresfois fait, lesquelles icellui
Vilanea tenoit en sa main, ne estoient pas vallables en la forme que elles estoient,
et pour ce failloit que elles fussent refaictes par autre maniere, c'est assavoir que
en icelles fussent mises et ostées les clauses dont cy après sera faicte mencion ;
c'est assavoir que d'icelles feust ostée une clause contenant en effect : « et aussi
en faveur de mariage a estre du dit monseigneur Lestrange et de la dicte dame qui s'en
devoit ensuir, au plaisir Dieu, en face de sainte eglise », et aussi en fussent
ostées cez motz « sans charge d'autre preuve », et que il meist et adjoustast une
autre clause, contenant en effect : « neantmoins la dicte donacion demourant en sa
force et vertu, et sans ce que les paines fussent prejudiciables à la dicte donacion
ne icelle donacion aux dictes paines » ; et aussi en fussent ostez ces mots, « juques
à plaine satisfacion des diz douze cens [p. 338] mars d'argent », en lui requerant
moult instanment de par le dit Jaques que il les voulsist refaire. Le quel notaire,
voiant et considerant icelle donatoresse avoir voulu et ordené que d'icelle donacion
lettres fussent faictes, aux los et deliberacion du conseil, les meilleures que faire
se pourroient, au prouffit du dit donataire, unes ou plusieurs, consenti et accorda
que icelles il feroit voulentiers rescripre. Et de fait les fist rescripre par son
clerc et les resigna en la maniere que ilz les requeroient, sans aucune donacion ou
corrupcion qu'il en eust oncques, se non son pur salaire seulement; et icelles bailla
et delivra au dit Villanea.
Et il soit ainsi que depuis sur et à cause d'icelle donacion se soit meu et pend
procès en nostre court de Parlement entre le dit Jacques, d'une part, et nostre amé
Jehan d'Argenton, seigneur de Herisson4,
chevalier, sa femme, [p. 339] et Marguerite de Melle, d'autre part, pour savoir la
vérité desquelles choses, entre les autres, noz amez et feaulx conseillers maistre
Robert d'Acquigni, doyen de Saint Aumer, et maistre Guillaume Lirois5, commissaires en ceste partie, se soient
transportez en la ville de Parthenay, et illeuc ayent interrogué sur ce le dit
notaire. Le quel notaire interrogué par serement, doubtant que il ne eust offendu ne
mesprins, a congneu et confessé avoir receu et fait les dictes premieres lettres, mais
non pas les derrenieres, en disant oultre et depposant que bien estoit vray que le dit
Jaques le avoit requis ou fait requerir que il les refeist, dont il avoit esté
refusant, et ne en avoit riens fait. Et depuis ait icellui notaire esté adjourné à
comparoir personnelment en la dicte court de Parlement, à certain jour passé, pour
veoir et adviser les dictes derrenieres lettres ainsi refaictes et sur icelles
depposer. Lequel notaire interrogué [p. 340] par serement, pour doubte de
rigueur de justice, et car autresfois il avoit nié que il eust oncques icelles refait,
depposa par serement et nya par pluseurs et diverses fois que en verité il n'avoit
point icelles rescriptes ne resignées. Et aussi depposa icellui notaire, qui lors ne
se recordoit pas de sa premiere depposicion, que en verité icellui Jaques ne l'en
requist oncques de icelles refaire ne resigner. Et car il a esté trouvé en ce variant,
a depuis mis esté prisonnier en la consergerie de nostre palais, ès quelles il est
encores. Et finablement interrogué sur les choses dessus dictes, a congneu et confessé
sans gehine, après pluseurs denyemens, icelles derrenieres lettres avoir refaictes et
resignées en la maniere que dit est, à la requeste du dit Vilaneau, ou nom que
dessus, et par la deliberacion de maistre Pierre Coutelier6, lieutenant de nostre
seneschal de Xainctonge. Lequel maistre Pierre Coutelier, interrogué par nostre
dicte court, a bien congneu et confessé que le dit notaire lui en parla bien et
demanda son oppinion, combien que icellui maistre Pierre, par soy excusant dit que il
lui respondi que il les feist selon son prothocole, sans muer la substance, en quoy il
appert que icellui notaire qui se descouvroit ainsi au juge, par la confession meismement
du dit juge ou lieutenant, ne avoit pas entencion de corrupcion, faulseté, dol, ne
malvaistié. Et sur ce icelui Jehan Blanc est appointié en arrest, et est en peril de
en estre et demourer du tout desert, se nostre benigne grace et misericorde ne lui est
sur ce impartie, requerant humblement icelle. Pour quoy nous, voulans preferer
misericorde [p. 341] à rigueur de justice, ces choses considerées, la simplesse et
ignorance du dit notaire qui avoit consideracion à ce que la dicte donatoresse avoit
voulu que d'icelle donacion fussent faictes les meilleurs lettres que faire se pourroient
au prouffit du dit donataire, par la deliberacion de son bon conseil, attendu
en oultre que icellui notaire ne a refait les dictes lettres par corrupcion, don,
faveur ou malvaistié quelconques, etc., à icellui Jehan Blanc, etc., avons quicté,
remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers tenans
nostre present Parlement et qui tendront ceulx avenir, au seneschal de Xanctonge et
à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de juing l'an de grace mil
CCC IIIIXX et XIX, et le XIXe de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. Dominique.