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DCCCLXXVII

Rémission accordée à Philippon de la Forêt, écuyer, pour le meurtre de Pierre Cotet. Celui-ci ayant frappé et injurié Jeanne Frétart, femme de Jean d'Armessange, chevalier, Philippon, parent de ladite dame, voulut lui en demander raison et l'étant allé trouver, il fut obligé de se défendre contre ses attaques et le tua.

  • B AN JJ. 156, n° 313, fol. 196
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 401-403
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnex de Phellippon de la Forest1, escuier, aagié de XXII ans ou environ, que comme Jehanne Fretarde, femme de Jehan d'Armesanges2, chevalier, qui est prouchaine parante du dit Phellippon, lui eust dit que Pierre Cotet l'avoit batue et villennée, et l'avoit appellée orde vielle putain, et dit pluseurs autres paroles injurieuses, lequel Phelippon meu et indigné des paroles et injures qui avoient esté dictes de la dicte Jehanne, sa parente, longtemps aprez, lui, acompaignié d'un nommé Jehan Le Pele3, ou mois de [p. 402] juillet derrenier passé ot un an ou environ, alerent de nuit à l'ostel du dit Pierre Cotet pour parler à lui et lui demander pour quoy il avoit batue et injuriée la dicte dame. Et si tost comme ilz hurterent à la porte du dit Cotet, il s'en sailly du dit hostel par un petit huys de derriere, une lance en sa main, et vint courre sus au dit Jehan Pele et lui donna de la dicte lance parmy la poitrine, tellement qu'il chey à terre et s'escria moult hault, en disant : « Halas, Phelippon, je suy mort. » Et tantost le dit Phelippon ala au cry, et si tost que le dit Pierre Cotet apperceut ycellui Phelippon, il lui couru sus de sa dicte lance et lui perça la main tout oultre. Et lors le dit Phelippon, qui se senti ainsi blecié et navré, meu et eschauffé de ce que dit est, tira son coustel et lui en donna pluseurs coups, des quelx dedans certain temps après mort s'en ensuy en la personne dudit Pierre Cotet. Pour occasion du quel fait, le dit Phelippon, doubtant rigueur de justice, s'est absenté du pays, et ny oseroit jamaiz converser ne demourer, et est en aventure d'estre à tousjours povre, desert et fuitif, se par nous ne lui est sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme dient yceulx ses amis charnelx, en nous humblement requerant que, comme en tous autres caz il a tousjours esté homme de bonne vie et honneste conversacion, sanz oncques maiz avoir esté reprins, actaint ne convaincu d'aucun autre villain cas ou malefice, et que le dit Cotet [p. 403] estoit homme rioteux, noiseux et de mauvaise et deshonneste vie, nous ycelle nostre grace lui vueillions benignement eslargir et extendre. Pour quoy nous, ces choses considerées et les bons et agreables services que le pere du dit Phelippon et autres ses parens et amis nous ont fait, ou temps passé, ou fait de noz guerres, et esperons que encores face ou temps avenir ycellui Phelippon, à ycellui ou cas dessus dit avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par la teneur de ces presentes aux seneschal de Lymosin et bailly de Touraine et des Exempcions et ressors de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poitou, ou à leurs lieuxtenans, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d'octobre l'an de grace mil CCCC et ung, et de nostre regne le XXIIe.
Par le roy. Vitry.


1 Il est nommé Philippe de Chastillon dans les lettres de rémission octroyées, en janvier 1410 n. s., à son complice Jean Pele, Le Pele ou du Paile, qui seront publiées à leur date.
2 Jean d'Armessange, chevalier, seigneur de Felins (fief relevant de Chauvigny et depuis réuni à Touffou), fit aveu à l'évêque de Poitiers, seigneur de Chauvigny, le 5 juillet 1374, à cause de sa femme Jeanne Frétart. Celle-ci était morte avant le mois de janvier 1410 ; elle est dite décédée dans l'acte de cette date, cité dans la note précédente. Ils eurent pour fils Jean qui fit aveu dudit fief en 1410, et vivait encore en 1443. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., 1891, t. Ier, p. 106, d'après la Bibl. nat., ms. lat. 17041, fol. 7.)
3 On trouve ce nom écrit Pele, Paele, Le Paile, Le Pele, du Peile, etc. Nous pensons que Jean était de la même famille que Philippe du Paile, de Latillé, qui fut anobli par lettres de Philippe de Valois, du mois de septembre 1328 (publiées dans notre tome Ier, p. 323), et dont il a été question à plusieurs reprises dans nos deuxième et quatrième volumes. Catherine de Riberolle, la veuve d'un Philippe du Paile, chevalier, vivait le 11 novembre 1403. (Arch. nat., R1* 2172 p. 752.) Jean du Paile, le nôtre sans doute, est nommé dans le registre des hommages dus en 1418 à Charles, dauphin, comte de Poitou : « Jean du Paile, à cause de sa femme, fille et héritière de feu Jean Adeuil (sur ce nom, voy. notre t. IV, p. 28 note), homme lige dudit seigneur, à dix sous de devoir de chambellage, à muance de teneur, et à la garde du château de Lusignan pendant quarante jours par un homme d'armes, une fois en sa vie pour les choses qu'il tient en la châtellenie de Lusignan ». (P. 1144, fol. 27.)