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DCCLIX

Rémission accordée à Guillaume Turailleau et à son fils, de Mirebeau, pour le meurtre de Guillaume Chabot.

  • B AN JJ. 141, n° 292, fol. 167
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 57-59
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir [p. 58] faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de Guillaume Turailleau, contenant que comme, sept ans a ou environ, le dit suppliant et Guillaume Chabot s'entrencontrerent d'aventure en un certain lieu en la ville de Mirabeau, et sanz ce que icelui suppliant eust aucunement meffait au dit Chabot, ycelui Chabot, meu de sa voulenté indeue, commença à user de paroles contre ycelui suppliant, comme de lui dire qu'il l'avoit par pluseurs foiz batu et feru et qu'il estoit faulx et mauvaiz, et comment qu'il fust, si plus le batoit, il se defendroit, en le oppressant grandement de paroles injurieuses, sentans menaces, en voulant user de voye de fait, si comme il sembloit au dit suppliant. Lequel suppliant, pour ce meu de chaleur et pour l'oppression que lui faisoit le dit Guillaume Chabot, s'adreça à son hostel qui estoit près d'ilec, où il prinst une fourche, de laquele il donna au dit Chabot pluseurs cops, et le dit Chabot lui donna d'un coustel parmi le corps. Toutevoies pluseurs personnes survindrent ylec qui les departirent, et s'en ala le dit suppliant en son hostel ainsi navré, où il trouva Jehan Traulleau (sic) son filz, qui vit et apperçut ainsi son pere avoir esté navré par le dit Chabot, meu d'amour naturele et courroucié de ce que son pere estoit ainsi navré, print incontinent un baston en l'ostel du dit suppliant son pere et s'en parti, et ala en la dicte ville de Mirabeau, en un certain lieu où il trouva le dit Guillaume Chabot, auquel Chabot il donna pluseurs cops du dit baston et tant que l'andemain ycelui Chabot ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait le dit suppliant a esté detenu prisonnier ès prisons de nostre très chere et très amée tante la royne de Jherusalem et de Secile1 ès queles après [p. 59] ce [que] sur le fait et cas dessus dit l'enqueste a esté faicte et parfaicte et les amiz charnelz du dit Guillaume Chabot appeliez en jugement, qui se sont tenuz pour contens et satisfaiz de la mort d'icelui Guillaume, et tout ce veu par les gens et officiers de nostre dicte tante, et de son consentement, a esté au dit suppliant mué le cas criminel en civil et par ce delivré des prisons de nostre dicte tante. Ce non obstant, ycelui suppliant se doubte que pour cause du dit fait n'en soit par noz gens et officiers approchiez et durement traictiez par rigueur de justice, et par ce estre desert, se par nous ne lui estoit eslargi nostre grace et misericorde, si comme il dit; requerant, comme en tous ses autre faiz il a esté toute sa vie homme de bonne fame, renommée et de honneste conversacion, sanz ce qu'il fu oncques maiz actaint ne convaincu d'aucun autre villain cas, crime et malefice, nous lui vueillons sur ce eslargir nostre dicte grace et misericorde. Nous adecertes, les choses dessus dictes considérées, etc., au dit suppliant ou cas dessus dit avons quictié, remis et pardonné, etc. Sy donnons en mandement au bailli des Exempcions de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à touz noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, etc. Donné à Tours, ou mois de novembre l'an de grace mil CCC IIIIXX et onze, et le XIIe de nostre regne.

Par le roy, à la relacion du conseil. J. Remon.


1 Marie de Châtillon, dite de Blois, fille puînée de Charles de Blois, duc de Bretagne, et de Jeanne de Bretagne, mariée le 9 juillet 1360 avec Louis de France, duc d'Anjou et de Touraine, roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem. Veuve depuis le 20 septembre 1384, elle gouvernait les États de son mari, ses deux fils Louis II et Charles d'Anjou étant mineurs. Elle mourut à Angers, le 12 novembre 1404, et fut enterrée en l'église de Saint-Maurice, devant le grand autel. On sait que la baronnie de Mirebeau avait été vendue, le 3 novembre 1379, à Louis 1er, duc d'Anjou, par Isabelle, comtesse de Roucy, femme de Louis de Namur, moyennant la somme de 18.000 francs d'or. (Voy. E. de Fouchier, La baronnie de Mirebeau du XIe au XVIIe siècle, in-8°, 1877, p. 82-83.)