[p. 201]

DCCCIV

Permission à Guillaume de Naillac, chambellan du roi, d'exonérer ses terre et vicomté de Bridiers d'une rente annuelle de cent vingt setiers de blés qu'elles étaient tenues de payer à l'abbaye de Valence, à condition d'en donner aux religieux une légitime compensation par ailleurs, mais toujours dans les états du duc de Berry, et promesse d'amortir cette rente et la terre sur laquelle elle sera à l'avenir assignée.

  • B AN JJ. 153, n° 105, fol, 51
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 201-205
D'après a.

Karolus, etc. Notum facimus universis, presentibus pariterque futuris, pro parte dilecti ac fidelis militis et cambellani nostri, Guillelmi de Naillaco1 senescalli Bellicadri [p. 202] et Nemausi, nec non dilectorum nostrorum abbatis [p. 203] et conventus monasterii Valencie in Pictavia2, nobis nuper expositum extitisse ipsos ad invicem certis et legitimis causis eosdem moventibus, fuisse et esse concordes ut terra et vicecomitatus de Brideriis, ad jamdictum cambellanum nostrum spectantes, de sexies viginti sextariis bladi, ad mensuram de Brideriis, quos velut admortisatos iidem abbas et conventus suique antecessores in et super hujusce modi terra et vicecomitatu de Brideriis a jamdiu sunt habere et percipere annis singulis assueti, quique quadraginta libras turonensium annui redditus vel circa valere communiter extimantur, ipso exonerentur redditu, atque iidem vicecomitatus et terra, in quantum eundem concernit redditum, a cetero prophani et non admortisati sint et penitus reputentur, perinde quod prefatus cambellanus noster prelibatis monasterio et religiosis ipsorumque successoribus tradet et realiter assignabit tantumdem redditus annui et perpetui in valore et equipollentia redditus antedicti, in terra et feodo precarissimi patrui nostri Bicturicensis ducis, et in nostro retrofeodo, prout et sub fide ac homagio ejusdem nostri patrui, inque ac sub retrofeodo nostro sepedicti terra et vicecomitatus de Brideriis tenentur et movent, sintque idem redditus assignandus et terra ac res, in et super quibus tradetur, in quantum redditum ipsum concernet, admortisate sicuti bladum terraque ac vicecomitatus pretacti, ut premittitur, quo ad respectum bladi hujus fuerant usque modo. Hec autem pretendentes miles et religiosi predicti se non valere exequi et complere absque nostris congedio, licencia et assensu, quodque nostre admortisacionis largicio intercedat, nobis bumiliter supplicari fecerunt quatinus [p. 204] ad horum concessum velimus benigniter inclinari. Nos etenim, certis consideracionibus excitati, hujuscemodi supplicationi annuere, prememoratis militi et religiosis, pro se et successoribus eorumdem presentibus et posteris, concessimus harumque serie concedimus, auctoritate nostra regia et de gracia speciali, quatinus in casu premisso, ad supradicta procedere libere valeant, ipsaque complementum habeant et effectum, modo et forma superius expressatis, ita quod dicti vicecomitatus et terra de Brideriis predictis sexies viginti sextariis bladi redditualibus cum admortisacione ipsorum sint et remaneant perpetim exonerati, quicti penitus et immunes, ac illius condicionis existant cujus fuerant et erant ante tempus et in tempore quo iidem vicecomitatus et terra oneri hujusmodi minime subjacebant, redditus vero traddendi et assignandi horum loco atque res in et super quibus eorum fiet assignacio et assituacio, ut prefertur, prout redditus ipsos concernet, prophaneitatem exuendo, admortisati et tanquam res admortisate et sacris deputate usibus ex tunc in antea perpetuis sint temporibus, et ut tales censeantur, reputentur et habeantur ubilibet ac admortisacionis nature subjaceant antedicte, quodque eadem seu partem ipsorum religiosi iidem vendere, distrahere, alienare aut extra manus suas ponere pronunc imposterumve teneantur quomodolibet, sive ad hoc queant aut debeant coherceri. Quocirca dilectis et fidelibus gentibus compotorum nostrorum ac thesaurariis Parisius ceterisque justiciariis et officiariis nostris et eorum locatenentibus, presentibus et futuris, eorumque cuilibet, prout spectaverit ad eundem, presentium tenore, mandamus quatinus hujuscemodi nostra concessione ac gratia sepedictos militem et religiosos eorumque successores, ac utrosque ipsorum, prout eos tanget, uti et gaudere perpetuo faciant et permittant, non faciendo aut sinendo eis aut cuiquam ex ipsis pronunc aut imposterum contra presentem formam [p. 205] inferri darive impedimentum, perturbacionem seu aliquod molestamen. Et ut hec omnia stabilitate fruantur perpetua, has presentes fecimus nostri sigilli appensione muniri. Nostro in ceteris et alieno in omnibus jure salvo. Datum Parisius, mense maii anno Domini millesimo CCC° nonagesimo quinto, et quarto decimoregni nostri.
Per regem, comite Sancti Pauli3, vobis et domino d'Aumont4, presentibus. P. Manhac.


1 Guillaume, seigneur de Naillac, du Blanc et de Châteaubrun, vicomte de Bridiers, chevalier, conseiller et chambellan du roi et du duc de Berry, surnommé le Preux, fils aîné de Perrichon, sire de Naillac, commença de servir sous Charles V, en 1369, lors de la reprise des hostilités contre l'Angleterre. Ayant contribué, vers la fin de cette année, à la réduction du fort de l'abbaye de Saint-Savin, il en fut créé capitaine ; une quittance de gages, scellée de ses armes, datée du 26 juin 1371, entre autres documents, en fait foi. (Bibl. nat., Titres scellés de Clairambault, reg. 80, p. 6245.) Cette collection contient plusieurs autres actes de même nature émanés du sire de Naillac (cf. Demay. Invent. des sceaux de la coll. Clairambault, t. Il, p. 2), dont la biographie intéresse à plusieurs titres, comme on le voit, l'histoire du Poitou. Les seigneurs de Naillac étaient d'ailleurs, en qualité de vicomtes de Bridiers, vassaux du comté de Poitou, ladite vicomté étant du ressort de Montmorillon, quoique du diocèse de Limoges. (Arch. nat., P. 1144, fol. 3.) Guillaume de Naillac fut créé sénéchal de Saintonge et gouverneur de la Rochelle, le 16 avril 1383, et comme tel il avait 1150 livres de gages, en 1387. Puis par lettres de Charles VI, données à Argenton, le 9 février 1393, il fut institué sénéchal de Beaucaire et de Nîmes, en remplacement de Charles de Hangest. (Anc. mém. de la Chambre des comptes, E, fol. 40, 145 et 298 ; Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 16, 29 et 37.) Comme chambellan du duc de Berry, il figure pour ses gages sur les registres des comptes de ce prince, des années 1400 et 1401. (Arch. nat., KK. 254, fol. 93 v°, 120 v°, etc.). Guillaume de Naillac exerça ces diverses fonctions jusqu'à sa mort, survenue à la fin de 1406 ou au commencement de 1407. Il est naturellement question de lui en maints endroits des Chroniques de Froissart. (Voir édit. Kervyn de Lettenhove, table, t. XVIII, p. 596.)
Sur ce personnage, d'ailleurs, les documents abondent. Nous citerons sommairement les principaux de ceux que nous avons notés dans les registres du Trésor des Chartes et du Parlement. 1° Lettres de don à Guillaume de Naillac et à Guillaume sire de Mareuil, chambellans du roi, des biens de Bertrand de Pallerat, confisqués pour cause de trahison et de crime de lèse-majesté, en récompense de leur conduite vaillante à la bataille de Rosebecque. Tournay, 24 décembre 1382. (JJ. 121, n° 309, fol. 172.) — 2° Lettres de rémission par lui données, à Bourges, le 4 janvier 1388, en qualité de capitaine général pour le roi en Guyenne. (JJ. 136, n° 222 bis.) — 3° Dans des lettres d'avril 1391, il est dit que Guillaume de Naillac, chevalier et chambellan du roi, avait été envoyé, trois ans auparavant, à la tête de gens d'armes, la plupart Gallois, en Aunis, pour résister aux Anglais qui descendirent par mer près de la Rochelle (expédition du comte d'Arondell). (JJ. 140, n° 215, fol. 246.) — 4° En 1392, Guillaume était en procès au Parlement contre Jean de Chalus, écuyer, et consorts, qui lui disputaient le lieu fort de la Mothe-Jolivet en Bourbonnais et autres terres et possessions de feu Jean de la Mothe, écuyer. D'après le sire de Naillac, ledit de la Mothe, dès l'an 1371, avait fait donation de ces biens à feu Jean bâtard de Bourbon, chevalier, alors gouverneur du Bourbonnais, par la mort duquel, à défaut d'hoir, tous ses biens, y compris les choses contentieuses, furent dévolus au duc Louis de Bourbon. Celui-ci en avait fait don au sire de Naillac. Les opposants prétendaient que la donation faite au bâtard de Bourbon n'était pas valable, parce qu'elle avait été faite sans motif, « par la seule puissance et impression de l'office du dit Jehan de Bourbon, qui se y faisoit doubter », et que d'ailleurs elle contenait une clause d'après laquelle lesdits biens donnés devaient faire retour au sr de la Mothe, si le bâtard de Bourbon mourait avant lui, sans enfants, ce qui était arrivé. Ces renseignements se trouvent dans des lettres de rémission en faveur de Jean de Chalus, pour production de faux témoins dans cette affaire, datées de Beauté-sur-Marne, avril 1393. (JJ. 144, n° 439, fol. 254 v°.) — 5° Don à Guillaume de Naillac du château et de la châtellenie de Saint-Geniès et d'un grand nombre d'autres terres de la sénéchaussée de Beaucaire, confisqués sur Jean de Béthisac, conseiller et favori de Jean duc de Berry, supplicié au mois de novembre 1389, à cause de ses odieuses exactions dans le Languedoc. Paris, 27 mai 1401. (JJ. 156, n° 134, fol. 79 v°.) — 6° Création de foire et marché en la ville de Bridiers. Dans cet acte, Guillaume est qualifié chevalier, conseiller et chambellan du roi, seigneur de Châteaubrun, vicomte de Bridiers près la Souterraine et sénéchal de Beaucaire et de Nîmes, décembre 1401. (JJ. 161, n° 248, fol. 164.) — 7° Arrêt du 12 juillet 1393, confirmant une sentence des maréchaux de France en faveur du sr de Naillac, à propos d'un prisonnier de guerre anglais, nommé James de Conquestown, qu'on l'accusait d'avoir enlevé de vive force à Jean de la Celle. (X1A 40, fol. 360.) — 8° Jeanne, fille d'Hélion de Naillac, que sa mère remariée à Guy, seigneur d'Argenton, voulait marier malgré sa volonté et contre son intérêt, fut placée sous la garde de son oncle Guillaume de Naillac, sr de Châteaubrun, etc., par arrêt de la cour du 14 mai 1399. (X1A 46, fol. 189.) — 9° Procès soutenu par le sire de Naillac, la veuve de son frère et le second mari de celle-ci, Guy d'Argenton, contre Guillaume comte de Beaufort et de Turenne, touchant la succession de Marie de Malemort (20 août 1401, X1A 48, fol. 355 et 371 v°.) — 10° Arrêt du Parlement touchant la justice d'Eguzon, litigieuse entre Guillaume de Naillac, Pierre de la Brosse, sr de Boussac, Marguerite de Malval et Galienne, veuve de Louis de Malval, le 14 juillet 1403. (X1A 50, fol. 141.)
2 L'abbé de Valence était à cette époque Jean II ou Pierre. Le premier est nommé par la Gallia christ. dans un acte de 1376, et dans un autre du 4 avril 1381 (voy. notre tome V, p. 237), et le second est mentionné en 1399. (Gallia christ., t. II, col. 1359.) Cf. quelques notes sur l'abbaye de Valence à la fin du XIVe siècle, dans notre volume précédent, p. 235.
3 Valeran de Luxembourg, comte de Saint-Pol et de Ligny, gouverneur de Gênes pour le roi de France par lettres du 30 décembre 1396, grand maître et souverain réformateur des eaux et forêts de France en 1402; il s'attacha au parti du duc de Bourgogne, qui le fit pourvoir de la charge de grand bouteiller, le 29 octobre 1410, du gouvernement de Paris en 1411, et enfin de l'office de connétable l'année suivante. Le comte de Saint-Pol mourut le 19 août 1413. (Hist. généal. de la maison de France, t. VI, p. 225.)
4 Pierre II, dit Hutin, sire d'Aumont, de Méru, de Neauphle-le-Châtel, premier chambellan du roi Charles VI, porte-oriflamme de France, dont il eut la garde le 28 juillet 1397, capitaine et garde du château de Neauphle, mortle 13 mars 1414 n. s. (Id., t. IV, p. 872, et t. VIII, p. 207.)