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DCCCLXIII

Rémission accordée à Jehannin Du Breuil, maréchal, d'Airvault, qui avait frappé et maltraité Guillemin Torroil, après lui avoir plusieurs fois et inutilement ordonné de cesser ses poursuites auprès de sa belle-fille, Jeannette, femme de Perrotin Attrape, aussi maréchal, demeurant audit lieu, lesdits Du Breuil et Torroil étant en état d'assurement l'un vis-à-vis de l'autre.

  • B AN JJ. 155, n° 437, fol. 80 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 358-361
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de Jehannin Du Brueil, mareschal, demourant en la ville d'Oyrevau en Poitou, contenant que, comme la femme du dit Jehannin ait une fille appellée Jehannette, la quelle a esté nourrie en sa jeunesce en l'ostel du dit Jehannin, et depuis ait esté mariée à un appellé Perrotin Attrape, mareschal, demourant au dit lieu d'Oyrevau ; la quelle Jehannette un appellé Guillemin Torroil, savatier, né du païs de Bretaigne, a acoincté, telement qu'il est commune renommée au dit lieu d'Oyrevau qu'il la maintenoit. Et pour ce le dit Jehannin et le dit Atrappe, mary de la dicte Jehannette, et aussi Jehannot Du Brueil, filz du dit Jehannin, distrent et defendirent par pluseurs fois au [p. 359] dit Torroil qu'il ne feust si hardis de converser ne repairier avec la dicte Jehannette ; mais le dit Torroil, pour tousjours vouloir perseverer en sa mauvaise voulenté et afin que les dessus diz ne lui peussent empeschier, demanda asseurement d'eulx par devant le chastellain d'Oyrevau1, son lieutenant ou commissaire; le quel asseurement ilz lui donnerent, et aussi le dit Torroil donna asseurement aus dessus diz, selon la coustume du païs. Mais non obstant le dit asseurement, le dit Torroil frequenta et conversa avec la dicte Jehannette comme par avant, et tant que le dimenche avant karesme prenant derrenierement passé, les diz Jehannin et son dit filz, et le dit Atrape, mary de la dicte Jehannette, trouverent le dit Torroil en la maison du dit Atrappe, en la quelle estoit la dicte Jehannette, ou au moins auprès de la dicte maison ; et lors les diz Jehannin, Jehannot et Atrappe, courouciez de ce que le dit Torroil maintenoit ainsi la dicte Jehannette et que pour lui elle estoit diffamée, coururent sus au dit Torroil, et tantost le dit Jehannot, filz du dit Jehannin, qui avoit une espée toute nue, en frappa le dit Torroil un cop par la poitrine tant qu'il en yssy un peu de sanc, duquel coup mesmes le dit Torroil fu un peu bleciez en un des dois de la main, sans mehaing. Et avec ce le frappa le dit Jehannot deux cops du poing sur le visaige tant que le sanc en sailly par le nez; et ce fait, les diz Jehannot et Atrappe pristrent le dit Torroil et le menerent ou chastel d'Oyrevau, dont il fut tantost délivré. Et ce non obstant, ledit Torroil a depuis tousjours conversé et frequenté avecques la dicte Jehannette, telement que la dicte Jehannette en est nottoirement diffamée, et tant a perseveré le dit Torroil que, le jour de la feste de la Pentecouste derrenierement passée, après vespres, les diz Jehannin, Jehannot et Atrape trouverent le dit Torroil auprès [p. 360] de la maison du dit Jehannin, ouquel estoit la dicte Jehannette. Et pour ce les diz Jehannin, Jehannot et Atrape, courouciez et emeuz de ce que le dit Torroil ne se vouloit deporter de solliciter la dicte Jehannette, coururent sus au dit Torroil, et prinst le dit Jehannin une touquesches2 et le dit Atrape un bourdon ferré, et ledit Jehannot avoit un bazelaire tout nu, et incontinent pristrent le dit Torroil et le gecterent à terre et le foulerent aux genoulx et aux poins. Et avecques [ce] ledit Jehannot osta au dit Torroil un bazelaire qu'il avoit à sa sainture et rompy les pendans à quoy il estoit atachié, duquel bazelaire il cuida frapper le dit Torroil, mais le cop passa parmi la robe du dit Torroil, sans lui faire aucun mal. Et adonc survindrent les assistans qui les departirent. Pour les quelles choses le dit Jehannin Du Brueil a esté prins et mis ès prisons du dit lieu d'Oyrevau, où il est encores à grant povreté et misere, en voye de y finer ses jours miserablement, se sur ce ne lui est impartie nostre grace et misericorde, si comme ses dis amis dient. Si nous ont humblement supplié que, attendu que le dit Jehannin en autres cas a tousjours esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans avoir esté reprins ne convaincu d'aucun autre villain blasme ou reprouche, et attendu aussi l'amour naturelle qu'il avoit à la dicte Jehannette qui est fille de sa femme, et la deshonneur que le dit Torroil lui faisoit, et aussi que ou dit cas n'a eu mort, mehaing, ne mutilacion, mais depuis le dit Torroil a fait toute œuvre de homme sain comme par avant, et que du dit cas satisfacion est faite à partie, nous sur ce vueillons au dit Jehan extendre nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., avons remis, quictéet pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions [p. 361] de Poitou, d'Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de juing l'an de grace mil CCCC et de nostre regne le XXme.
Par le roy, à la relacion du conseil. Le Begue.


1 La seigneurie d'Airvault appartenait à Amaury de Liniers par suite de son mariage avec Marie de Chausseraye. (Voy. ci-dessus p. 147, note.)
2 Ce mot paraît être le diminutif de tocq, toucq, qui signifie masse d'armes.