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DCCCLXXIII

Rémission accordée à Charles de Saint-Gelais, écuyer, qui avait frappé d'un coup de couteau Louis Hervé, dit Foubert, de Chauray, parce qu'il lui avait donné un démenti. Ledit Hervé succomba aux suites de cette blessure.

  • B AN JJ. 156, n° 95, fol. 53 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 390-392
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie de Chariot de Saint Gelais1, escuier, nous avoir humblement esté exposé que, comme le lundi avant Pasques fleuries derrenierement passées ot un an, le dit exposant feust ou village de Saint Gelais près de Saint Maixent, ou pays de Poitou, ou quel lieu il eust oye la messe, et après ce se feust departi de l'eglise pour aler à une chappelle de Nostre Dame estant ou dit village, et en alant le droit chemin à la dicte chapelle, eust passé par devant l'ostel d'un [p. 391] mareschal assiz en ycellui village, ou quel lieu il eust rencontré d'aventure un appellé Loys Hervé, dit Foubert, du village de Chaurray, lequel avoit donné menaces au munier dudit suppliant de le faire adjourner, si comme on avoit rapporté à ycellui exposant. Et pour ce le dit exposant dist audit Loys qu'il avoit meneacié de faire adjourner son dit munier, sanz cause raisonnable, et lui requist qu'il s'en voulsist deporter, et le dit Loys respondi que point ne s'en deporteroit pour le dit exposant. Sur quoy se meurent paroles contencieuses entre icellui exposant, d'une part, et le dit Loys, d'autre, et tant que icellui Loys le desmenti, dont le dit exposant qui est nobles homs et de grant et de bonne lignée et ancienne, soy sentant injurié et comme esmeu et couroucié de ce que le dit Loys l'avoit desmenti, tira un coustel qu!il avoit à sa sainture, de deux piez de long ou environ en toutes choses, et par chaude cole fery du tranchant du dit costel un cop sur la teste du dit Loys, tant qu'il lui fist une plaie ; et atant se departi le dit exposant. Et le dit Loys en fut mené et lui fut sa dicte plaie appareilliée, et le jour des grans Pasques prouchains après ensuivans, ala à son eglise parrochial et chanta au lettrin en la dicte eglise, en aidant à dire illec la grant messe. Et le mercredi prouchain ensuivant, ala en certain lieu assez près de son hostel, où il avoit laboureurs qui lui aidoient à faire du chanvre, et se endormi ou dit lieu, sanz estre autrement couvert que de ce qu'il avoit vestu ; et quant il fut resveillié, se senti malade, telement qu'il ne se pot soustenir, et convint qu'il feust levé et mené en son hostel, où il demoura malade au lit par l'espace de douze jours ou environ ; à la fin du quel temps, il ala de vie à trespassement, pour cause de la plaie et bleceure à lui faicte par le dit exposant. Pour laquelle chose le dit exposant, doubtant rigueur de justice, s'est absenté du pays et n'y ose retourner, ainçois seroit en adventure d'en estre exillié à touzjours, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre [p. 392] grace, si comme il dit, en nous humblement suppliant que, comme ycellui exposant soit chargié de femme et de pluseurs enffans, et ait satisfait à partie, et que en tous autres cas il soit de bonne fame et renommée, nous sur ce lui vueillons pourveoir de nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, à ycellui suppliant avons ou dit cas remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, de Poictou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de may l'an de grace mil quatre cens et un, et de nostre regne le XXie.
Par le roy, monseigneur le conte de Nevers2, messire Regnaut d'Angennes3, et pluseurs autres presens. Gauchier.


1 Cet acte paraît concerner Charles IV de Saint-Gelais, seigneur de Saint-Gelais, Séligné, Marnay, etc., le chef de la branche aînée, à qui les généalogistes attribuent pour épouse Yolande Bouchard, fille de Guy, seigneur d'Aubeterre. Il en eut sept enfants. Son père, nommé aussi Charles, qui rendit aveu de sa terre de Saint-Gelais, le 26 juillet 1364, au prince de Galles, devait avoir en 1401, s'il vivait encore, environ soixante ans, et ce ne saurait être lui dont il est question dans cet acte. Jeanne de Viron, dame de Séligné, sa femme, lui aurait donné deux fils, Charles IV et Tranchant, qui n'eut pas d'enfants de sa femme Antonine de Prahecq, et une fille, Jeanne, qui épousa d'abord Constantin Asse, sr d'Augé, et était remariée, depuis le 17 juin 1395, à Gauvain Chenin. (La Thaumassière, et d'après lui MM. Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 1re édit., t. II, p. 329.) Le Grand-Gauthier contient un aveu de la seigneurie de Saint-Gelais et autres fiefs rendu au duc de Berry, comte de Poitou, le 22 mai 1381, par Chariot de Saint- Gelais, écuyer, fils d'autre Chariot, écuyer. (Arch. nat., R1* 2172, p. 965.) Une déclaration d'août 1418 porte aussi que Chariot de Saint-Gelais, écuyer, devait l'hommage lige à Charles, dauphin, comte de Poitou, pour son hébergement de Saint-Gelais, au devoir d'un homme servant à ses dépens quarante jours et quarante nuits, entre la Loire et la Dordogne. (P. 1144, fol. 38.) Charles IV mourut peu: de temps avant le 10 juillet 1420, date de l'aveu rendu au comte de Poitou pour la seigneurie de Saint-Gelais par Jean de Saint-Gelais, son fils atné. (P. 1145, fol. 88.)
2 Jean, fils de Philippe duc de Bourgogne. (Voy. ci-dessus, p. 378, note 1.)
3 Troisième fils de Robert d'Antennes, seigneur de Rambouillet, il jouit de la faveur du duc de Berry qui le fit nommer maître des ports de la sénéchaussée de Carcassonne, en 1382, et lui obtint de la libéralité royale des sommes considérables. Il remplaça Morelet de Montmor en qualité de capitaine du château du Louvre, l'an 1392, fut chambellan du roi, et en 1404 premier chambellan et capitaine des gardes du duc de Guyenne, dauphin de Viennois, dont il avait été gouverneur, etc. (Voy. le P. Anselme, Hist. généal., t. II, p. 423.)