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DCCCXXXIII

Rémission accordée à Jean Valée, sergent du duc de Berry, comte de Poitou. Etant allé au village de Pouzioux apposer les panonceaux du comte en signe de sauvegarde sur une maison appartenant à André Douhet et Perrot Nozilleau, et troublé dans l'exercice de ses fonctions, il avait dû mettre en état d'arrestation un nommé Jean Berjonneau. Comme il conduisait son prisonnier à Poitiers, il fut attaqué et injurié par des amis de celui-ci, contre lesquels il fut contraint de se défendre en faisant usage de ses armes. L'un des agresseurs, nommé Jean Joly, avait reçu dans la lutte des blessures dont il mourut cinq jours après.

  • B AN JJ. 151, n° 356, fol. 177 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 280-283
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de Jehan Valée, sergent de nostre très chier et très amé oncle le duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitou, de Bouloigne et d'Auvergne, que comme, le dimanche VIe jour du mois de may derrenierement passé, le dit suppliant, à la requeste de Andrieu Douhet et de Perrot Nozilleau et [p. 281] par vertu de sauvegarde empetrée de la partie des diz Andrieu et Perrot de nostre dit oncle ou son seneschal de Poitou, feust alez ou village de Poiceoux à deux lieues de Mirebeau, pour faire office de sergent, c'est assavoir mettre les penonciaulx et brandons de nostre dit oncle, en signe de sauvegarde, en une maison et hostel qui fu de feu Estienne Sarreau, du quel les diz Andrieu et sa femme à cause d'elle, et le dit Perrot Nozilleau sont héritiers, et après ce que le dit suppliant ot mis et apposez aux portes et huis du dit hostel et maison deux penunceaux ou brandons, en signe de la dicte sauvegarde, à la requeste des dessus diz, et ainsi comme le dit sergent suppliant en vouloit mettre un autre en un autre huis ou porte du dit hostel, à la requeste des dessus diz et par vertu de la dicte sauvegarde, Jehan Joli, Perrot Mary et Jehan Berjoneau se opposerent afin que le dit suppliant ne procedast plus avant à mettre penunceaulx ou dit hostel, pour la quelle opposition le dit suppliant cessa. Et après ce, pour aucunes contradicions et desobeissances que les diz Jehan Joli, Perrot Mary et Jehan Berjonneau firent audit suppliant, ycellui suppliant prist le dit Berjonneau par la robe. Et lors les diz Perrot Mari et Jehan se prindrent au dit Berjoneau et tirerent tant les diz suppliant et Berjonneau que il les mirent hors de la terre et juridicion de nostre dit oncle et les mistrent en la terre de nostre très chere et très amée tante la roy ne de Jherusalem et de Sesile1. Et après ce, le dit suppliant retourna le dit Berjoneau en la juridicion de nostre dit oncle. Et lors le dit suppliant mist en arrest le dit Berjoneau pour la dicte offense et lui bailla pour tenir son arrest le dit hostel. Et après ce les diz suppliant, Andrieu Douhet, [p. 282] Jehan Dalier2 et Jehan Saunier, filz de Perrot Saunier, du vilages d'Estables alerent en l'ostel de feu Jehan Hilaireau ou dit vilage de Pouzeoux et burent là, et au departir du dit hostel, le dit suppliant commanda au dit Jehan Dalier et Jehan Saunier qu'ilz alassent querir le dit Barjoneau ou dit hostel où il l'avoit laissié en arrest, comme dit est, les quielx l'amenerent. Et ce fait, le dit suppliant commanda que ilz menassent le dit Berjoneau en la ville de Poitiers, et leur bailla pour le y mener. Et après ce que les diz suppliant, Berjoneau, Jehan Saunier et Jehan Dalier se furent mis au chemin pour aler en la dicte ville de Poictiers, le dit Jehan Joli, pour eschever l'exploit du dit suppliant, vint après eulx, criant au dit Berjoneau qu'il se laissast cheoir à terre et qu'il ne alast point avecques eulx ; lequel Berjoneau se laissa cheoir à terre, et le dit suppliant dist qu'il ne demourroit pas illec. Et les diz Jehan Joli et Estienne Vaillant distrent au dit suppliant qu'il ne l'en menroit point ; ausquielx il respondi que si feroit. Et incontinant les diz Jehan Joly et Vaillant dirent au dit suppliant qu'il mentiroit faulsemeut et qu'il estoit un mauvais ribault, et tantost crierent au murtre les diz Joli et Vaillant. Lequel Vaillant se print de fait au corps du dit suppliant, le dit Joly present, disant de grosses paroles injurieuses, en le desmentant et disant au dit suppliant qu'il renonçast à sa verge et qu'il le combatroit. Et lors le dit suppliant fery de la main et de la verge, aussi que le dit Vaillant le tenoit, le dit Joly par la teste, et tantost le dit Joly frapa le dit suppliant d'une grosse pierre tellement que il lui fist une grant plaie en la teste et saigna moult fort ; et aussi le dit Vaillant bouta si fort le dit suppliant qu'il chey d'un des [p. 283] genoulx à terre, et le dit suppliant levé se eschappa du dit Vaillant. Et pour les grans injures moult outrageuses que le dit Joli disoit au dit suppliant, ycellui suppliant le fery de sa verge par la teste. Et convint que ycellui suppliant, pour soy defendre, car autrement ne povoit eschaper, qu'il se aidast de son badelaire et en fery du plat le dit Joly par derriere sa teste. Et ce fait se departirent, et s'en alerent ensemble les dessus diz Joly, Vaillant, Berjoneau et Perrot Mary là où il leur pleust, et le dit suppliant ala à Poitiers. Et après ce, le dit Joly ne mist ne exiba aucune garde ou cure à sa blesseure, ne ne voult souffrir qu'elle y feust mise, mais se exposa à faire ses besongnes, beut et menga excessivement et tellement que le mercredi ensuivant, IXe jour du dit mois de may, il chey au lit et trespassa le vendredi ensuivant. Pour les queles choses le dit suppliant, doubtant rigueur de justice, s'est absentez du païs et n'y oseroit retourner, se sur ce ne lui estoit impartie nostre grace et misericorde, si comme ses diz amis dient, en nous humblement suppliant que, attendu que le dit Jehan Valée suppliant en tous autres cas a esté tousjours de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans avoir esté reprins ne convaincu d'aucun autre vilain blasme ou reprouche, nous sur ce lui vueillons nostre dicte grace et misericorde impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans en ceste partie misericorde estre preferée à rigueur de justice, à icellui Jehan Valée, ou cas dessus dit, avons remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions de Poitou, d'Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de juing l'an de grace mil CCC quatre vins et dix sept, et le XVIIe de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. Freron.


1 C'est-à-dire dans les limites de la baronnie de Mirebeau. On sait que cette seigneurie avait été vendue, le 3 novembre 1379, par Isabelle comtesse de Roucy, femme de Louis de Namur, à Louis de France, premier du nom, duc d'Anjou, de Touraine et comte du Maine, pour la somme de 18.000 francs d'or.
2 Jean Dallier ou Daller, fils de Jean l'aîné, et père d'un autre Jean, était à cette époque seigneur de l'hébergement de la Roche de Cuhon mouvant de Mirebeau. De 1373 à 1508, ce fief fut possédé par un Jean Dallier. (E. de Fouchier, La baronnie de Mirebeau, du XIe au XVIIe p. 175.)