[p. 32]

DCCXLIX

Commission au bailli des Exemptions et à Jean Guérin de rechercher les fiefs acquis par gens d'église et non nobles dans le ressort dudit bailliage, c'est-à-dire en Poitou, Touraine, Anjou [p. 33] et Maine, et de faire payer les droits dus au roi de ce chef, avec révocation des commissions données antérieurement pour ce fait, par les trésoriers du roi, à Jean de Soissy et à tous autres.

  • B AN JJ. 145, nos 396 et 442, fol. 172 v° et 200
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 32-35
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France, au bailli des Exempcions d'Anjou, de Touraine, du Maine et de Poitou, et à maistre Jehan Guerin1, licencié en lois, [p. 34] salut. Comme noz amez et feaulx trésoriers à Paris, lesquelz entendu avoient que ou bailliage des dictes Exemptions n'avoit aucuns commissaires ordenez de par nous sur le fait des nouveaulz acquests faiz par gens d'eglise et personnes non nobles, et s'aucuns en y avoit, avoient ilz fait et faisoient très petite diligence ou dit fait, ou grant prejudice et dommage de nous, eussent pour ce par leurs lettres, toy bailli, commis et ordonné de par nous sur le dit fait des nouveaulx acquests ès païs de ton bailliage, et rappellés toutes commissions que sur ce données avoient à autres personnes, et à toy bailli mandé que, appellé et adjoint avec toy nostre procureur ou dit bailliage ou un autre souffisant preudomme, tu procedasses et entendisses ou dit fait diligemment. Neantmoins, depuis ces choses, maistre Jehan de Soissy2, lequel par avant avoit esté commissaire de par nous avecques autres ou dit bailliage sur le dit fait, par importunité ou autrement a obtenu de noz diz trésoriers une nouvelle commission, par laquelle est mandé à toy bailli que, appellé avec toy sur ledit fait des nouveaulx acquès le dit maistre Jehan de Soissy et non autre, tu procedes en icellui fait. Nous, advisiez d'aucunes choses touchans grandement nostre prouflit, et confians et accertenez de voz sens, loyautez et bonnes diligences, vous avons ordenez et commiz, et par ces présentés ordonnons et commettons seulz et pour le tout sur le dit fait des nouveaulx acquès ès païs et mettes du dit bailliage et des regales d'icellui, en rappellant toutes et quelconques commissions sur ce données par nous ou noz diz trésoriers au dit maistre Jehan de Soissy et autres quelconques. Si vous mandons et enjoingnons estroitement que vous faites commandement exprès de par nous au dit maistre Jehan de Soissy et [p. 35] à tous autres, qui par avant la date de ces présentes ont et auront esté commis et ordenez sur le dit fait et qui aucunement s'en seront entremiz, que sanz delay ilz vous rendent et baillent les instructions et ordenances à eulz bailliées ou envoyées sur le dit fait, avec tous leurs livres et escriptures, qu'il ont devers eulz, de ce que fait en ont, ou copie d'iceulx, en les y contraignant, se mestier est et ilz en sont refusans, par toutes voies deues et raisonnables, en leur faisant commandement et defense de par nous que plus ne s'en entremettent dores en avant, et les dictes instructions et escritures par vous receues, procedez et entendez diligenment ou dit fait, selon la fourme et teneur des dictes instructions. Et se l'un de vous estoit aucune foiz embesoingné de choses qui nous touchassent, par quoy il ne peust vaquer audit fait, que l'autre y procédé et entende, appellé et adjoint avec lui nostre dit procureur ou dit bailliage, ou un autre souffisant preudomme. Et ce faites en telle maniere que vous en doiez estre recommandez de bonne diligence, et les finances et composicions que l'en fera avec vous pour les diz nouveaulx acquests bailliez et faites recevoir à notre receveur ordinaire, qui est ou sera ordonné ou bailliage des dictes Exempcions, lequel nous commettons à ce, et sera tenu d'en rendre compte en nostre Chambre des comptes à Paris. De ce faire vous donnons povoir et à chascun de vous, par la maniere que dit est. Mandons et commandons à touz noz justiciers, officiers et subgiez que à vous et à voz commiz et deputez, en ce faisant, obeissent et entendent diligenment. Donné à Paris, le XXVIIIe jour de novembre l'an de grace mil CCC IIIIXX et dix, et de nostre regne l'onziesme3.

Ainsi signées: Par les trésoriers. Guingant.


1 Le 1er avril 1394 et le 9 juillet 1398 (voy. ci-dessous à ces dates), Jean Guérin fut commis de nouveau pour procéder à la levée, en Poitou et en Berry, des droits d'amortissements, de francs-fiefs et de nouveaux acquêts que Charles VI accorda temporairement, à plusieurs reprises, au duc de Berry, dont les besoins d'argent, les dépenses et les exigences augmentaient chaque année. L'importance de ces actes à ce point de vue particulier n'est pas contestable et il n'est pas nécessaire d'y insister. Un autre genre d'intérêt s'attache à l'exécution de ces commissions. Les droits qu'il s'agissait de percevoir n'étant pas dus par les nobles, certains intéressés, pour se dispenser de payer, n'hésitaient pas à usurper cette qualité. Les commissaires étaient ainsi amenés souvent, pour accomplir leur mandat, à faire des recherches sur l'état des familles, à examiner leurs titres ou à interroger les témoins produits. Quand l'enquête était favorable, ils en consignaient le résultat dans une déclaration ayant la valeur d'un jugement de maintenue de noblesse. Celui au profit de qui elle était donnée, obtenait ordinairement qu'elle fût confirmée par lettres patentes, enregistrées à la grande chancellerie. Plusieurs qui intéressent le Poitou ont été conservées de cette façon et seront publiées dans ce volume ou le suivant. Nous citerons, entre autres, les lettres en faveur de Jean Dobe, juillet 1394, de Robin Marieau, décembre 1398, et de Renaud Rousseau, août 1408.
En ce qui concerne la personne de Jean Guérin, le nom et le prénom étant déjà très communs à cette époque, en Poitou et dans les provinces voisines, il n'est pas facile de l'identifier. Les faits que nous allons citer brièvement se rapportent peut-être à ce personnage, mais ils peuvent aussi bien viser un homonyme. Jean Guérin était poursuivi au Parlement, avec Hardi de la Porte de Vezins, Olivier d'Andigné, écuyer, et Nicolas Damet, par Jean de Vivonne, chevalier, et le procureur du roi, super certis rebellionibus et criminibus seu maleficiis non spécifiés. La cour prescrivit une enquête et ordonna que recréance serait faite, sous caution, aux inculpés de leurs biens qui avaient été saisis. (Arrêt du 23 juillet 1409, X2A 15, fol. 274.) Quelques années plus tard, Jean Guérin et Pernelle Gadeau, sa femme, s'opposaient à l'entérinement de lettres de rémission obtenues subrepticement, disaient-ils, par Jean Gabin, prisonnier à la conciergerie du palais, à Poitiers, pour l'assassinat de Jean Guérin, leur fils, au village du Breuil près Saint-Eanne. Après avoir commis son crime, le meurtrier était venu dire au père de la victime qu'il allât chercher la robe de son fils, qui avait été tué et dévoré par les loups. Dans les plaidoiries de cette affaire, on trouve les noms de plusieurs autres proches parents de Jean Guérin (13 mai 1426, X2A 18, fol. 93).
2 Dans d'autres actes, ce commissaire du roi est nommé Jean de Foissy.
3 Cette commission est transcrite trois fois au moins dans les registres du Trésor des Chartes. On la trouve notamment reproduite dans les transactions passées par les commissaires du roi : 1° avec Colas Hubert, de Bauné (Maine-et-Loire), qui prouva par témoins qu'il était noble et de noble lignée, ce que les commissaires reconnurent vrai et démontré, par leur jugement rendu à Beaufort-en- Vallée, le 10 décembre 1392, déchargeant en conséquence ledit Hubert de tous droits à payer pour les fiefs nobles qu'il pouvait avoir acquis. (Confirmation par lettres du roi, Paris, mars 1394 n. s., JJ. 145, n° 396, fol. 172 v°) ; — 2° avec Jean Morice, de la paroisse de Savigné en Touraine (canton de Château-la-Vallière). Celui-ci avait déjà produit des attestations de sa qualité de noble devant les commissaires précédents, Jean de Foissyet autres, dont il avait obtenu une déclaration, datée de Tours le 3 janvier 1390 n. s., portant qu'étant reconnu comme tel, il est déchargé de tous droits de francs-fiefs et nouveaux acquêts. Cet acte ayant été déclaré insuffisant, il dut faire de nouvelles preuves et obtint une seconde reconnaissance de son immunité comme noble, à Rillé, le 6 décembre 1392, confirmée par Charles VI, à Paris, avril 1394 n.s.(JJ. 145, n° 442, fol. 200) ; — 3° avec Jean Hubert, demeurant en la paroisse du Bois. Invité à comparaître devant les commissaires à Mayenne-la-Juhée, et à composer avec eux pour le droit du roi en raison de nouveaux acquêts de fiefs nobles, faits par lui et ses prédécesseurs, il prouva aussi par témoins sa noblesse et celle de son père et de ses ancêtres. Les commissaires reconnurent qu'en effet ses aïeux ayaient joui de ce privilège et qu'il devait en jouir comme eux, par jugement donné audit Mayenne, le 20 janvier 1393 n. s. (Confirmation royale d'avril 1395, à Paris, JJ. 147, n° 199. fol. 93 V).