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Rémission accordée à Jean de la Rajace qui, dans une rixe de nuit, en revenant de la foire de Bernezay, croyant frapper un de ceux [p. 321] qui avaient assailli ses compagnons, avait tué son ami Gillet Bargnet.
- B AN JJ. 154, n° 165, fol. 98 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 320-323
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de
la partie de Jehan de la Rajace1 que, comme le jour de la saint Laurens derrenierement passée,
ou quel jour siet chascun an la foire de Bernezay prez de Lodun, ainsi comme s'en
venoient de la dicte foire sept compaignons en deux soulaz ou compaignies, dont il en
venoit quatre devant et trois derriere, les diz quatre compaignons qui s'en venoient
devant vont encontrer neuf ou dix ribaux larrons qui leur vouldrent oster ce que ilz
avoient et renyoient Dieu que ilz les bateroient. Lors les diz quatre compaignons, un
qui est prestre appellé Jehan Bridier s'en retourna aux trois qui venoient derriere
après eulx, chantans sans penser nul mal, desquelx l'un est nommé Jehan Salmon,
l'autre est le dit exposant et le tiers avoit nom Gillet Bargnet ; ausquelx trois le
dit prestre dist que ilz venissent tost et que l'en leur vouloit oster ce que ilz
avoient et les batre; et sur ce le dit exposant demanda au dit prestre quelx gens
s'estoient et pour quoy la riote estoit commencée; et tandis que il lui deman- doit la
cause et que le dit prestre la li comptoit, le dit Gillet Bargnets'en va aler au
travers des champs au devant des autres qui faisoient la riote, sans ce que le dit
Jehan [p. 322] Salmon, le dit prestre ne le dit exposant qui estoit de sa
compaignie en sceussent rien ne s'en advisassent, car il estoit lors plus nuit que
jour ; et tantost que le dit Gilet Bargnet arriva sus les dis ribaux larrons, qui
faisoient la riote, il commença à ferir et à frapper sur eulx, tant que il les en feist
tous fouir excepté un que il gecta à terre, sur qui il feroit et frappoit d'une espée
tant que il li crya : « Pour Dieu, mercy, monseigneur, que je ne meure ! » et crioit
aussi : « A l'aide, bonnes gens ! » Et quant le dit prestre, le dit exposant et le dit
Jehan Salmon oyrent ce cry, eulx cuidans et tenans fermement que ce feussent les
ribaux larrons qui batissent leurs gens et compaignons qui aloient les premiers,
coururent tant que ilz les attaingnirent. Et le dit exposant fut le premier et
dist : « A, a, faulx larrons, mauvais, vous tuez et batez mes compaignons ! » et
chaudement sans autre advis, fery sur celui qui frappoit celui qui estoit à terre, et
qui crioit comme dit est : « A l'aide, bonnes gens », et ce estoit le dit Gilet
Bargnet, un des sept compaignons dessus dis qui batoit un des dis ribaux, et estoit un
des bons amis que le dit exposant eust en tout le païs de Lodunois, que il frappa de
l'espée un cop tout seul, par lequel cop le dit Gilet Bargnet
ala de vie à trespassement, et morut avant que il feust sept jours. Et pour le dit cas
s'est deffuis et absentez le dit suppliant, doubtant rigueur de justice, et bonnement
ne se oseroit faire veoir, se de nostre grace et misericorde ne lui estoit pourveu et
secouru, si comme il dit, requerant humblement que, ces choses considerées et que le
dit Gilet le lui pardonna liberalment, disant qu'il savoit bien que il ne li avoit pas
fait à essayant ne en mauvaise entencion, et pareillement le lui ont pardonné sa mere,
sa femme et trois cousins germains et héritiers de lui, que sur ce lui vueillons
impartir nostre dicte grace. Nous adecertes, toutes ces choses considerées, etc., à
icellui ou cas dessus dit, de nostre grace especial et auctorité [p. 323] royal
avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et
des Exempcions d'Anjou, de Poitou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc.
Donné à Paris, ou mois de novembre l'an de grace mil CCC IIIIXX et dix huit,
et le XIXe de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. R. Lijote.