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DCCCLIX

Rémission octroyée à Adam Joubert, de Saint-Etienne de Marigny, poursuivi pour complicité dans un double meurtre. En repoussant une attaque à main armée de Guillaume Pierre, qui avait commis déjà plusieurs excès contre le curé et autres habitants de cette paroisse, Joubert et ses compagnons avaient frappé mortellement deux des agresseurs.

  • B AN JJ. 154, n° 635, fol. 359
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 349-352
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de Adam Joubert, de la parroisse de Saint Estienne de Marigny en Poictou, que, comme en ycelle parroisse feust demourant et de longtemps un appellé Guillaume Pierre, lequel, comme l'en dit, eust esté et soit renommé d'estre homme rioteux et mener vie dissolue, et qu'il soit vray, advint devant la feste de Noël l'an mil CCC IIIIXX et XVII, ou environ, que ycellui Guillaume, meu de mauvais propos et dempnable volenté, et autres ses adherans, aliés et complices batirent nuytamment un appellé Guillaume Berthelot, de la dicte parroisse en son hostel et s'efforcerent celui soir d'efforcer la femme du dit Berthelot. Et [p. 350] après ce, la veille du dit jour de Noël, de nuyt, ycellui Guillaume Pierre, en perseverant de mal en pis, d'aguet et fait appensé, et autres ses complices rompirent les portes de l'ostel du curé d'icelle parroisse et entrerent dedans, et de fait batirent très fort ycellui curé, et encores qui pis est, non content de ce, parseverant en son mauvais propos et felon courage, eust, depuis ces choses et paravant, taisiblement et en appert donné menaces de batre et vilenner, que que il tardast, Aymery de Colay et pluseurs compaignons de la dite parroisse. Et pour ce, certain jour après, volent mettre son dit felon courage à effect ou autrement, dempnablement, se feust ycellui Guillaume Pierre transporté en la ville de Vivonne, qui est à huit lieues loings de la dicte parroisse, et illec, comme l'en dit, eust loué deux jeunes compaignons maçons ou tailleurs de pierre détaillé, l'un appellé Estienne et l'autre Macé, le pris et somme de deux frans, pour estre et aler avec lui et en sa compaignie au dit lieu de Saint Estienne de Marigny ou ailleurs, où ilz pourroient savoir que le dit Aymery seroit, pour le batre et villener. Et il soit ainsi que, le jour de vendredi prouchain ensuivant d'après le dit jour de Noël, ycellui Guillaume Pierre et les dis deux compaignons maçons, ses adherans, aliez et complices en sa compaignie, armés de diverses armes invaisibles et deffendues, comme de jaques, demi glaive, espées, badelaires, dagues et autres, se feussent partis du dit lieu de Vivonne, pour aler en la dite parroisse de Marigny, en laquelle ilz ariverent cellui jour au soir, une heure après jour couchant ou environ, à un petit villaige ou hameau appellé Monfaucon, ou quel demeurent Jehan Plignart, Gieffroy Joubert, Katherine Malevrée et autres povres gens laboureurs, à un quart de lieue près ou environ du moustier du dit Saint Estienne de Marigny ; et illec en la rue, devant l'ostel de la dicte Katherine, ou au moins près d'illec, de cas d'aventure estoient le dit Adam Joubert, Aymery de Colay, Perrot Pierre, frere du dit [p. 351] Guillaume Pierre, Guillemin Berthelot, Bery Boutin, Jehan Martin, Perrin Essart, Huguet Chasteau, Jehan Chantereau et autres compaignons de la dicte parroisse, povres laboureurs, qui se esbatoient illec tous ensemble. Et ainsi que ycellui Guillaume Pierre, Estienne et Macé, ses diz complices, passoient parmi la dicte rue, virent et apperceurent acop le dit Aymery de Collay, ycellui Adam Joubert et les autres compaignons dessus nommez en sa compaignie, et de fait tantost comensa ycellui Guillaume Pierre et ses diz complices à approucher des diz Aymery de Colay, Adam Joubert et autres compaignons estans en leur compaignie et à leur courir sus, en frappent parmi eulx des diz demi glaive, espées, badelaires, dagues et autres harnoys qu'ilz avoient et portoient lors avec eulx, en eulx efforçant de les vouloir mettre mors. Mais yceulx Aymery de Colay, Adam Joubert et autres dessus nommez, estans en leur dicte compaignie, en leur corps deffendent, resisterent à leur povoir à la malice et mauvaise volenté dudit Guillaume Pierre et de ses diz complices, et telement que yceulx Macé et Estienne furent grandement navrés et bleciez en pluseurs et diverses parties de leur corps par ycellui Adam Joubert et autres dessus nommez, estans en la dicte compaignie. Et y frappa le dit Adam Joubert d'un baston et d'une hache. Pour raison des quelles bateures, d'ilec à deux ou troys jours, mort s'en ensuy ès personnes d'iceulx Macé et Estienne, maçons. Pour occasion du quel fait, ycellui Adam Joubert est prisonnier ès prisons de la dame de Lande1, en la parroisse dessus dicte, et seroit en aventure d'en souffrir vilainne mort, se sur ce ne lui estoit nostre grace impetrée, si comme dient les diz exposens, requerans humblement que, comme le dit fait ait esté fait par les dessus diz [p. 352] par cas de fortune et en leur corps deffendent, et que en tous autres cas le dit Adam Joubert a esté tout le cours de sa vie homme de bonne vie, renommée et honeste conversacion, sanz avoir esté actaint ne convaincu d'aucun autre vilain blasme, nous lui vueillons nostre dicte grace impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, au dit Adam Joubert, ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l'an de grace mil CCC IIIIXX et dix neuf, et le XXme de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. Fortement.


1 Sic. Lisez la Lande, ancien fief avec haute justice, situé sur la paroisse de Marigny-Brizay, relevant de la Motte-de-Beaumont, et appartenant en 1441 à la famille des Courtis. (Rédet, Dict. topogr. de la Vienne.)