[p. 248]

DCCCXX

Rémission accordée à Jean Chantrer le jeune, de Nanteuil près Saint-Maixent, prisonnier à Niort pour le meurtre de Jean Boissonneau.

  • B AN JJ. 149, n° 217, fol. 114 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 248-250
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie d'aucuns amis charnelz de Jehan Chantrer le jeune, povre homme laboureur, chargié de femme et de trois petis enfans, de la parroisse de Nantuyl près de Saint Maixent en Poitou, prisonnier ès prisons de nostre très cher et très amé oncle le duc de Berry en la ville de Nyort, nous a esté exposé comme en l'an mil CCC IIIIXX XIIII, en un jour de Pentecouste, le dit Jehan Chantrer, estant en la compaignie de Jehan Beurer, Maixent et Guillaume Chantrer et autres, se venoient de esbatre ensemble de la fontaine du dit Nantuyl, et en eulz en venant de la dicte fontaine trouverent ou rencontrerent, à heure de jour couchié, ou dit village de Nantuyl près d'un carrefour, appellé le carrefour Rapion, Jehan Boissonneau, Jehan Babinel et Jehan Dayal, les quelz se misdrent tous ensemble pour eulz esbatre, et eulz estans ou dit carrefour, Boissonneau et le dit Jehan Chantrer se assirent à terre pour jouer à tirer au baston, et en jouant audit jeu, ledit Jehan Chantrer leva le dit Boissonneau, dont ycelui Boissonneau ot et prinst à grant desplaisir le dit Jehan Chantrer, en disant à ycelui Jehan Chantrer qu'il estoit bien fort de l'avoir ainsi tiré ; et lors ledit Jehan Chantrer lui respondi par maniere d'esbatement : « ores [tu veux] mocquer, Boissonneau. » Et tantost ledit Boissonneau et Jehan Chantrer se leverent de terre où ilz estoient assiz, et dist le dit Boissonneau au dit Jehan Chantrer que il ne vouloit point que il l'appellast Boissonneau. A quoy le dit Jehan Chantrer lui dist : « or [p. 249] est bien », ou paroles semblables en substance ; et adont le dit Boissonneau commença à parler bas ou murmurer contre le dit Jehan Chantrer, en prenant le baston à quoy ilz avoient ainsi joué à tirer, et en frappa ycelui Jehan Chantrer sur la teste, et lors le dit Jehan Chantrer, soy sentant ainsi estre feru et injurié, doubtant que le dit Boissonneau n'eust le dessus de lui, et comme courcié et indigné qu'il estoit de ce, et aussi pour eschever à la male volonté du dit Boissonneau, sacha un petit coustel à tailler pain qu'il avoit et en cuida ferir le dit Boissonneau par la joe ; et ainsi que ycelui Boissonneau vit venir le cop du dit Jehan Chantrer, il tourna sa teste à l'autre part, et par ainsi le cop du dit coustel descendi environ la gorge et l'espaule du dit Boissonneau telement que d'icelui cop ainsi fait par le dit Jehan Chantrer, qui fu comme glichant, le dit Boissonneau ala de vie à trespassement la dicte nuyt  ; pour lequel cas le dit Jehan Chantrer, doubtant rigueur de justice, se absenta du païs. Et depuis, environ Pasques derrenier passé, vint en la ville de Nyort, en la quelle il fu pris et arresté prisonnier ès prisons de nostre dit oncle, ès quelles prisons il a tousjours depuis esté et est en grant misere et povreté, et en aventure de mourir vituperement. Si nous ont ses diz amis très humblement fait requerir que, comme le dit Jehan Chantrer ait tout son temps esté et soit de bonne vie, renommée et honeste conversacion, sanz avoir esté reprins, actaint ne convaincu d'aucun autre mauvais vice ou reprousche, et que ou dit fait le dit Boissonneau fut agresseur et assailleur, comme dessus est recité, nous au dit Jehan Chantrer voulsissions extendre et impartir nostre grace et misericorde. Pour ce est il que nous adecertes, ces choses considerées, etc., au dit Jehan Chantrer, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, du Maine et de Poitou et à tous noz autres justiciers, etc... [p. 250]
Donné à Paris, ou mois d'avril l'an de grace mil CCC IIIIXX et seze, et de nostre regne le XVIe.
Par le roy, à la relacion du conseil. Tumery.