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DCCLXIV

Rémission accordée à Pernelle la Poissaude, complice du meurtre d'un nommé Etienne Giboin et de sa femme, parce qu'elle avait [p. 71] connu le complot tramé contre eux et ne l'avait pas dénoncé.

  • B AN JJ. 142, n° 100, fol. 66
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 70-72
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de Perrenelle la Poissaude, povre femme vefve, contenant comme, V ans a ou environ, un appellé Estienne Giboign feust en la ville du Pré en Poitou en une taverne, en la quelle il dist publiquement et se vanta qu'il mettroit à mort un appellé Guillaume Poisson1, et quant il [l']auroit très bien batu, il s'en yroit à Bouteville avec les Angloiz2, lesqueles paroles furent faictes assavoir au dit Guillaume, le lundi après la saint George l'an mil CCC IIIIXX et sept, et pour ce que le dit Poisson n'en osoit parler seul au dit Estienne, ycellui Poisson, acompaignez de Perrot Johannin, son neveu, et de deux autres compaignons, alerent en l'ostel de la dicte suppliante, et en buvant une pinte de vin, firent accord entre eulz que ilz yroient batre le dit Estienne qui par avant menacié avoit de tuer le dit Guillaume, comme dit est. Et quant la dicte suppliante leur oy parler de batre, elle leur demanda où ilz vouloient aler, et les diz IIII compaignons respondirent que ilz vouloient aler batre le dit Estienne. Et lors la dicte suppliante leur dist teles paroles ou semblables : « Gardez bien, se vous le bâtez, que vous ne le tuez pas. » Et ce dit jour, sur la nuytier, les diz IIII compaignons s'en alerent en la dicte ville du Pré, en l'ostel du dit Estienne, et là le trouvèrent, et incontinent ilz s'entrebatirent de cops de bastons seulement, fors d'un coup de coustel que le dit [p. 72] Estienne ot par les cuisses, et en icelle meslée se bouta la femme du dit Estienne, qui de cas d'aventure fu ferue sur la teste d'un baston par un de la compaignie des diz IIII compaignons, maiz l'on ne scet par le quel. Et le mercredi ensuivant, les diz Estienne et sa femme furent à cause de ce et leur mauvais gouvernement, ou autremeut, trouvez mors en leur hostel. Pour occasion du quel fait, la dicte suppliante, doubtant rigueur de justice, s'est absentée et se doubte qu'elle n'ait esté bannie de nostre royaume, et n'oseroit retourner ne converser au dit païs, dont elle est pour ce en adventure d'estre deserte, se par nous ne lui est sur ce pourveu de remede gracieux et convenable, en nous suppliant sur ce lui estre impartie nostre grace et misericorde. Nous, inclinans à sa supplicacion, eu consideracion aux choses dessus dictes et que la dicte suppliante a tout son temps esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, senz avoir esté reprinse d'aucun autre vilain cas, et aussi que satisfaction est faicte à partie, si comme elle dit, nous à icelle suppliante ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, et par ces presentes de grace especial quictons, remettons et pardonnons le fait, appeaulz et ban dessus diz, avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Xaintonge et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l'an de grace mil CCC IIIIXX et onze et de nostre regne le XIIme.

Par le roy, à la relacion du conseil. N. de Voisines.


1 Guillaume Poisson, de Saint-Martin de Bernegoue, avait obtenu ses lettres de rémission en juin 1389 pour le meurtre d'Etienne Giboin, sa culpabilité étant attenuée par le fait que la victime était la terreur du pays qu'il habitait et des villages voisins, où il voulait continuer son métier d'ancien routier. Le texte en est imprimé dans le précédent volume, p. 378-382.
2 L'occupation de Bouteville par les Anglais à cette époque a été l'objet d'une note dans notre tome V, p. 380.