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DCCCXXX

Rémission accordée à Jean et Pierre de la Pierrebrune pour le meurtre de Pierre Regnaudin, à la suite d'une rixe, en revenant de la foire de Valence en Poitou.

  • B AN JJ. 151, n° 197, fol. 93 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 271-273
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de Jehan de la Pierrebrune et de Pierre de la Pierrebrune, freres, laboureurs de bras, chargez de femmes et d'enfans, que, le lundi avant la feste saint Thomas ou environ qui fu en l'an mil CCC IIIIXX et treze, le dit Jehan et un appellé Pierre Regnaudin et Simon Regnaudin, son filz, estans ensemble, le dit Pierre de la Pierrebrune estant un pou arriere d'eulx, en la compaignie d'autres gens, en venant de la foire de Valence en Poitou, le dit Jehan de la Pierrebrune, l'un des diz freres, dist à ycellui Regnaudin ces parolles ou semblables en substance : « Vous avez mal fait d'accuser vos voisins et les nostres, et les quielx sont en grant péril qu'ilz en emportent grant dommage et grant mise, et vous n'en valez jà mieulx ». Et lors le dit Regnaudin dist qu'il ne lui en chaloit, disant encore oultre ces paroles ou semblables en substance : « Vos bestes et y celles de vos freres me ont tenu grant dommage depuis deux ans ença de diz provendiers de blefz ». Et lors le dit Jehan lui respondi que sauve sa grace, en lui disant ces paroles ou semblables en substance : « Se nos bestes vous ont tenu dommage, si ont les vostres à nous ». Sur quoy eulx qui avoient assez largement beu à la dicte foire, multiplierent haultement leurs paroles d'une partie et d'autre, et telement et si avant que le dit Jehan de la Pierrebrune, [p. 272] qui tenoit lors un pot de terre en sa main, en fery le dit Pierre Regnaudin ; le quel Regnaudin, meu de felon courage, ce qu'il demonstra assez, et aussi Simon Regnaudin, son filz, lors estant avecques lui, courrirent sur eulx deux, ensemble audit Jehan de la Pierrebrune, et lui donnerent pluseurs cops, et pour plus grandement le grever à leur aise, s'efforcerent de tout leur povoir de l'abatre et ruer à terre soubz eulx ; et en ce faisant, le dit Regnaudin le pere disoit au dit Jehan ces paroles ou semblables en substance: « M'as tu feru, ribaut garçon, tu l'acheteras presentement ». Et lors Pierre de la Pierrebrune qui estoit assez près d'eulx, en la compaignie d'autres gens venans de la dicte foire, comme dit est, et ygnorant du tout quel debat son dit frere et les diz pere et filz povoient avoir eu ensemble, mais seulement qu'il apperçut qu'il courroyent forment sus à son dit frere, tout aussi comme se ilz le voulsissent tuer et occire, dont ilz faisoient assez le semblant, print comme tempté de l'ennemi et surprins de chaleur et devin, et aussi du desir qu'il avoit à secourir à son dit frere, un sien coustel qu'il avoit pendant à sa sainture, et en fery un seul cop en la jambe le dit Pierre Regnaudin ; pour le quel cop mort s'ensuy en sa personne par aucun temps après. Pour occasion du quel fait les diz freres se sont absentez du pays, pour doubte de rigueur de justice ; et il soit ainsy que le dit cas, consideré la nature d'icellui, soit advenu d'aventure par chaleur desordonnée et temptacion d'ennemi, et aussi par ce qu'ilz estoient surpris d'ire et de vin, qui est piteuse chose, et non pas d'aguet appensé ou excogitacion precedent, et aussi n'est il pas à presumer que ycellui cas soit autrement advenu que par la maniere dessus dicte, car par avant ce eulx et le dit defunct avoient esté tousjours bons amis ensemble, sans avoir eu debat ne riot aucun, et estoient encores au jour que le dit cas advint ; et ce appert assez, car ainsois que ycellui defunct, qui se confessa bien et [p. 273] deuement comme vray catholique, trespassast, il leur pardonna et à chascun d'eulx le dit fait ; lesquielx ou les diz exposans pour eulx ont accordé et composé avecques les amis d'icellui defunct, consideré aussi qu'ilz ne furent oncques mais convaincus ne actains d'aucun villain cas, blasme ou reprouche, si comme dient les diz exposans, requerant humblement que à yceulx freres et à chascun d'eulx nous vueillons sur ce impartir nos benignes grace et misericorde. Nous, ces choses considerées, etc., aux diz freres, etc., avons ou cas dessus dit quictié, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions de Poitou, d'Anjou et du Maine, et à tous nos autres justiciers, etc. Donné à Paris, le IIIe jour du mois d'avril l'an de grace mil CCC IIIIXX et seze, et le XVIIe de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. Freron.