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DCCCII

Rémission en faveur de Jean Germain, dit Renoul, de Saint-Pierre-du-Chemin, qui, assailli par Etienne Merceron et Guillaume Nohet, prêtres dudit lieu, en se défendant et secouru par son beau-frère Jean Vergier, repoussa ledit Merceron et le frappa mortellement.

  • B AN JJ. 147, n° 169, fol. 79
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 195-198
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie des amiz charnelz de Jehan Germain, dit Renoul, povre homme, parroissien de Saint Pere du Chemin ou païs de Poitou, à nous avoir humblement esté exposé que comme, la veille saint Estienne derrenierement passée, il feust en la dicte ville du Chemin, et en venant de l'eglise d'icelle ville à l'ostel Guillaume Mudart, ou quel estoient Guillaume Nohet et Estienne Merceron, prestres, les quelx avoient fait batons pour batre le dit Germain et Jehan Vergier, son frere, dont ilz se ventoient ou dit hostel, disans l'un à l'autre : « Ilz le comparront, les ribaux ! » le dit Merceron, monstrant le dit baston en disant telles paroles : « Au moins, se je puis attaindre de ce baston, il ne mengera jamaiz de pain », il encontra le dit Nohet, lequel yssy hors du dit hostel Mudart, et dist au dit Germain : « Estez vous ce ribaut qui avoit fait raliance de batre les prestres du Chemin ? » A quoy icellui Germain dist que, sauve sa grace, il n'en estoit riens. En disant les quelles paroles, le dit Estienne Merceron seurvint et dist au dit Germain que il avoit fait la dicte raliance et que par le sanc Dieu il mourroit. Et tenoit le dit Nohet en ses mains un baston et un badelaire, du quel le dit Nohet, par le commandement dudit Merceron ou autrement frappa le dit Germain en l'espaule par derriere et tant que le sanc en sailly jusques aux piez. A quoy vint une femme appellée Jehanne, suer du dit Germain et femme du dit Vergier, voulant de son [p. 196] povoir mettre la riote à paix ; mais tantost le dit Nohet la gecta à terre, et en ce faisant le dit Merceron gectoit pluseurs pierres contre le dit Germain. La quelle tanson pendant, une femme appellée Ilaire ala à l'ostel d'un appelle Jehan Jarrouceau l'aisné1,ou estoit le dit Vergier, au quel elle dist ce que dit est. Le quel, pour oster le dit debat, ala au dit lieu et trouva le dit Germain et les diz Nohet et Merceron, prestres, lesquelz prestres avoient ousté le chapperon de la dicte Jehanne, sa femme, et pour ce icellui Vergier, meu de naturelle amour, dist au dit Merceron s'il estoit à lui de batre et faire batre les gens ou chemin du roy. A quoy le dit Merceron dist : « Tu diz vray, tu auras tantost ce que tu demandes. » Et après ce, entrerent les diz Merceron, Germain et Vergier ensemble chiez le dit Mudart, ou ilz eurent pluseurs paroles injurieuses et tant que le dit Merceron malvaisement esmeu, criant à haulte voix : « Tu y morras, ribaut », frappa le dit Vergier par la poitrine du pié d'un banc ou forme, et parmi l'espaule. Et lors les diz Germain et Vergier, eulx voians injuriés, voulans obvier à sa malice et repeller force par force, par temptacion de l'annemy, ferirent le dit Merceron un cop parmi la teste et trois cops dès le genoulx d'une jambe jusques à la chemise (sic). Et tantost le dit Merceron parti d'ilec et en s'en alant à sa maison, pensant tousdiz de vouloir occire les diz freres, il trouva un monceau de bois et [p. 197] d'icellui voult arrachier un baston, criant telz moz: « Par le sanc Dieu, vous y mourrez », et en sachant le dit baston, il chey en arriéré et de la teste toucha à la parois de la maison son frere, et tant que pour ce il ne se peut lever de terre, combien qu'il alast par avant la choite comme dit est, et ne vouloit souffrir estre levé de la dicte terre, et tenoit pluseurs pierres en son sain, disant : « Me convient il mourir, malgré Dieu », et tantost ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait le dit Germain, à l'instigacion et pourchaz du dit Nohet ou autrement, a nagaires esté prins et encores est detenu prisonnier ès prisons de nostre amé et feal cousin le sire de Partenay en son chastel de Vouvent, ou quel lieu il est et seroit en voye de finer miserablement ses jours et d'estre du tout desert et apovriz, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace et misericorde. Supplians humblement les diz exposans que, comme en touz autres cas ledit Jehan Germain se soit bien et deuement porté, sanz estre reprins d'aucun vice ou blasme, mais ait esté et soit homme de bonne fame et renommée, bien amé au païs, et que le dit feu Estienne Merceron estoit homme de malvaise vie et deshonneste, qui par moult long temps a maintenu et menné par le païs la femme Jehan du Brueil, eut de lui quatre enfans ou environ, et fu acusé le dit Merceron d'avoir murdry et occis un appellé Ogis et de lui avoir osté et robé VII frans et demi, et gecta son pere en feu et le bati, et sa mere par pluseurs foiz, et à Pierre son frere rompy deux costes en corps, et par ses demerites fu miz en pluseurs prisons et sentences d'excommenimens, non obstant les quelles il a tousjours celebré en saincte eglise ; et aussi estoit accusé d'avoir robée l'eglise du dit lieu du Chemin de calaice et autres aournemens, et d'avoir baptisé un vouis de cire, pour occasion du quel fait le sire de la Maynardiere ala, si comme l'en dit, de vie à trespassement ; et avec ce estoit gasteur et dissipeur de biens, grant plaideur [p. 198] et vexeur de gens, pourteur de semonces sanz cause et tant qu'il estoit malveillant et en hayne de tons ses parens et voisins, ou de la plus grant partie d'iceulx, et avoit fait pluseurs autres cas très mauvaiz à raconter; et que du dit cas ainsi avenu le dit Germain a esté et est moult courroucié, nous sur ce lui veillons impartir nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., avons ou cas dessus dit, remiz, quicté et pardonné, etc., audit Jehan Germain, dit Renoul, etc. Sy donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, de Poitou et du Maine, et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l'an de grace mil CCC IIIIXX et XIIII, avant Pasques, et de nostre regne le quinziesme.
Par le roy, à la relacion du conseil. Germanus.


1 Jean Jarousseau poursuivit un procès au Parlement touchant la succession de son oncle Guillaume Jarousseau. (Arrêt du 21 août 1405, X1A 52, fol. 87.) Nous citerons quelques autres membres de cette famille du Bas-Poitou, vivant à la fin du XIVe siècle et dans les premières années du XVe. Jeanne Jarousseau, veuve en 1376 de Nicolas Mercier, procureur de Du Guesclin dans la châtellenie de Fontenay-le-Comte, a été mentionnée à plusieurs reprises dans notre précédent volume. Simon Jarousseau était, l'an 1397, en contestation touchant la terre de Boisse avec Renaud de Vivonne, seigneur des Essarts, agissant comme tuteur de ses neveux, Renaud, Savary, Jean et Isabelle. (Arrêt du 24 mars 1397 n. s., X1A 44, fol. 138 v°.) Enfin on conserve à la Bibliothèque nationale le testament de Pierre Jarousseau, procureur au Parlement, daté du 17 décembre 1418. (Mss. Moreau 1163, fol. 279 r°.)