DCCCXXXI
Rémission accordée à Jean Dodereau et à Perrot Maurat, son gendre, de Saint-Cyr en la châtellenie de Poiroux, pour le meurtre d'un mendiant vagabond, nommé Jeannot, dit Noblesse, dit Yvonnet Maugarny, qui s'était introduit chez eux et leur avait volé un petit sac de laine à filer, refusant de le restituer.
- B AN JJ. 151, n° 315, fol. 156
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 273-276
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et advenir, à nous avoir esté humblement
exposé de la partie des amis charnelz de Jehan Dodereau et de Perrot Maurat, son
gendre, povres hommes laboureurs de bras, chargez de femmes et de pluseurs petis
enfans, demourans ensemble à Saint Cire en la chastellerie de Poiroux ou païs de
Poitou, comme le mercredi avant l'Annonciacion Nostre Dame, un appelle Jehannot,
autrement dit Noblesse, lequel se [p. 274] faisoit appeller Yvonnet Maugarny, qui
estoit estrangier et ne scet on de quel païs, et faisoit le fol et le truant, et ne
vestoit aussi comme en toutes saisons que ses robes, linges et un roseul1
par dessus simplement, et ne servoit que d'aler et venir par le païs, truandant,
emblant et desrobant chiex un chascun et où il pouvoit, et estoit en autre maniere
homme de très meschante et desordonnée vie, se feust transportez en la maison des diz
exposans, laquelle il trouva fermée et sans gens. Et pour ce qu'il vit bien qu'il n'y
avoit aucunes gens, il s'avança tant qu'il ouvry l'uis de la dicte maison et entra
ens, et il print et emporta un sachet plain de laine à filer, et s'en ala à tout. Et
tantost après un pou de temps, la femme du dit Jehan Dodereau revint en la dicte
maison, et tantost qu'elle y fu arrivée, elle trouva bien adiré le dit sachet de laine
et s'en issi hors, et ala demander à une sienne voisine se elle avoit veu aucun ome
issir de la dicte maison, laquelle lui respondi que ouyl le dit Noblesse ou Maugarny,
qui emportoit un sac à son col n'avoit gueres et s'en aloit vers Angles. Laquelle ala
après jusques au bout de la dicte ville de Saint Cire, mais pour ce qu'elle vit qu'elle
ne le povoit aconsuir, s'en retourna et ala là où les diz exposans, son
mary et gendre, estoient ès vignes à leur labeur. Laquelle comme toute
esmeue et courrouciée de ce que le dit Noblesse ou Maugarny s'en aloit ainsy atout sa
layne, pour doubte qu'elle feust perdue, dist aux diz exposans les paroles qui
s'ensuivent ou semblables en effect : « Courrez tantost et le plus tost que vous
pourrés après Noblesse qui s'en va à Angles et en a porté nostre sachet de laine,
qu'il a prins et emblé en nostre maison. » Lesquielx exposans qui avoient
esperance d'eulx aidier et faire leur chevance de la dicte layne, ou en faire faire de
la robe pour eulx et leur petit mesnage, fouyrent après le dit Noblesse ou [p. 275]
Maugarny. Lequel Maugarny ilz aconsuyrent et rancontrerent entre la
dicte ville d'Angles et Saint Benoist, et lui dirent : « Noblesse, ce sachet que tu en
emportes est nostres, rens le nous courtoisement ». Lequel en lu refusant et leur
respondi appertement et fierement qu'il n'en rendroit point pour chose qu'ilz peussent
faire. Après laquelle response et pluseurs paroles, les diz exposans, veans qu'il
s'esloignoit tousjours et que amoureusement ilz ne povoient ravoir leur dicte layne,
s'aproucherent de lui et se prindrent au dit sachet, pour le luy oster. Lequel
Noblesse ou Maugarny, qui estoit grant et fort, pour cuidier resister qu'ilz n'eussent
leur dicte laine, leur donna pluseurs cops orbes de poings ou autrement. Le quel
gendre, comme tout courroucié de ce et en voulant resister à force par force, tenant
un baston en sa main et veant que autrement le dit Dordera son sire et lui ne povoient
ravoir leur dicte layne du dit Noblesse ou Maugarny, et que c'estoit homme vacabond
de qui ilz ne peussent jamais avoir bonne restitucion, parce qu'il n'estoit point
receant ne n'avoit aucun refuge ou domicile, leva le dit baston et en frappa un seul
cop le dit Noblesse ou Maugarny sur l'oreille, lequel après ledit
cop se transporta en la dicte ville de Saint Benoist et s'en ala en cest
estat coucher en un paillier d'icelle ville. Du quel cop, moyennant le
petit gouvernement du dit Noblesse ou Maugarny, ycellui Maugarny ala de vie à
trespassement le mardi prouchain ensuivant le dit mercredi, et dist en sa maladie a
aucuns de la dicte ville de Saint Benoist, en descoulpant les dessus nommez, que ce
estoit par sa faulte s'il en mouroit et qu'il ne leur en demandoit riens. Pour
occasion du quel fait les diz exposans se sont absentez du païs et doubtent que ilz
aient esté appeliez aux droiz du dit lieu de Poyroux ou d'autres et leurs biens pour
ce prins et mis en main de justice, et que on ait procedé ou vueille proceder contre
eulx à ban ; ausquielx droiz, pour doubte de [p. 276] rigueur de justice, ils
n'ont osé ne n'oseroient comparoir, combien que en tous leurs autres faiz ilz aient
esté et soient gens de bonne vie, renommée et conversacion honneste, sanz oncques
avoir esté reprins, convaincus ne actains d'autre vilain cas, et si sont prests et
appareilliez de satisfaire civilement à partie bleciée, selon leurs facultez, s'au-
cune en y a, si comme leurs diz amis dient, en nous suppliant très humblement que sur
ce leur vueillons impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses
considerées, voulans en ceste partie preferer misericorde à rigueur de justice, aux
diz Jehan Doderea et Perrot Maurat, et à chascun d'eulx avons quictié, remis et
pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et
Exempcions d'Anjou, de Poitou et du Maine, seneschal de Xanctonge et gouverneur de la
Rochelle, etc. Donné à Paris, ou moys d'avril l'an de grace mil CCC IIIIXX et XVI et
de nostre reçne le XVIIe
Par le roy, à la relacion du conseil. J. de Crespy.