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DCCCX

Rémission accordée à Pierre Chapereau, de Corps. Au moment où il venait de surprendre Pierre Suire qui, avec sa fille et son gendre, avait coupé quatre charges d'ajoncs dans les terres de Jean du Plessis, chevalier, et se disposait à les emmener dans les prisons dudit seigneur, Jean Chapereau, son frère, frappa à la tête d'un coup de fourche ledit Pierre Suire, qui en mourut la nuit suivante1.

  • B AN JJ. 149, n° 39, fol. 15 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 216-219
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, de la partie de Pierre Chapereau, povre laboureur, parroissien [p. 217] de Corp, à nous avoir esté humblement exposé que comme, le jour de la saint Marc Ewangeliste l'an mil CCC IIIIXX et cinq, le dit exposant et Jehan Chapereau, son frere, les quelz demouroient pour lors en l'osté de nostre amé et féal Jehan du Plesseis, chevalier, à cause de Jehanne Guinere, sa femme, appellé la Foresterie, eussent mené six bestes chargiées de blé en l'ostel de l'Aliolere2, assiz en la parroisse du dit (sic) Langon, appartenant à feu Loys Rouaut3, jadiz chevalier, lequel blé ilz devoient au dit Lois à cause de certaines terres qu'ilz tenoient de lui à moison, et en eulx retournant du dit lieu de l'Aliolere, le dit jour mesmes, passerent auprès d'un fié appellé le fié de la Chaume, ou quel lieu avoit certaine piece de terre, assise ou fié du dit Jehan du Plesseis, à cause de sa dicte femme, en laquelle terre avoit ajaons, des quelz ajaons feu Pierre Suyre, demourant aux Motes en la parroisse de Sainct Jehan de Bigné, une sienne fille et son mari, gendre du dit Pierre, avoient cuilli la charge de quatre bestes ou environ, et les emmenoient. Et quant le dit Pierre qui estoit monté sur une jument apperçut les dessus nommez qui emmenoient leurs dictes bestes, chargiées d'iceulx ajaons, comme dessus est dit, il ala après eulx pour les vouloir prendre avecques leurs dictes bestes et les mener ès prisons du dit du Plesseis, à quoy icellui Pierre respondi que les diz ajaons estoient ès terres de Guillaume Milet, qui leur avoit donné en commandement de les cuellir. Et lors icellui exposant lui repliqua que ou dit fié de la Chaume n'avoit piece de terre qui feust franche, et en disant ces paroles, arriva ou dit lieu le dit Jehan Chapereau, frere du dit exposant, et prist une forche de bois que il trouva au dit lieu, de la quelle forche icellui Jehan, meu de chaude cole et par [p. 218] temptacion de l'ennemy, frappa un cop sur la teste d'icellui Pierre Suyre, et après ce yceulx exposans et son frere firent commandement aux diz Pierre Suyre, ses gendre et fille, que eulx avecques leurs dictes bestes chargiées d'iceulx ajaons, comme dit est, se rendissent ès prisons du dit chevalier, à son dit lieu de la Forestiere et de fait les y vouldrent mener, et les menerent, c'est assavoir le dit exposant tenant le dit Pierre Suyre par la main, jusques à un chemin appelle le chemin de la Chaume, seant entre Corp et Saincte Gemme. Et illeucques ou environ, les diz exposans et son frere, veans que le dit Pierre Suyre, pour cause du cop à lui donné par le dit Jehan Chapereau, comme dit est, estoit moult malades et affoibliz, le laisserent et ses diz gendre et fille aussi avecques leurs dictes bestes, et s'en alerent et partirent d'illeucques. Et puis se assist le dit Pierre Suyre ou dit chemin, ou quel lieu il demoura toute nuit et trespassa en icelle nuitiée mesmes, pour occasion du dit cop, car en le trouva le lendemain au matin mort ou dit chemin. Pour la quelle chose, le dit exposant, doubtant rigueur de justice, s'est absentez du païs et n'y oseroit jamais retourner, ainçois seroit en aventure d'en estre perpetuelment exiliez, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace, si comme il dit, en nous humblement suppliant que, comme il ne ferist aucunement le dit Pierre Suyre, ne violence aucune ne lui fist, fors seulement de le prendre et le mener jusques au chemin, sur esperance de le mener au dit lieu de la Foresterie, ès prisons du dit du Plesseis, par la maniere que dit est ci dessus, et que du cop et fait dessus dit ycellui exposant, qui en touz autres cas a esté et est homme de bonne vie et renommée, fu très doulant et courroucié, nous sur ce lui veillons impartir nostre grace. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, etc., au dit exposant ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, de [p. 219] Poitou et du Maine, et à touz noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Paris, ou mois de janvier l'an de grace mil CCC IIIIXX et quinze, et de nostre regne le seziesme. Par le roy, à la relacion du conseil. P. Vivien.


1 Pierre et Jean Chapereau avaient déjà obtenu des lettres de rémission pour ce meurtre, au mois de mars 1386. (Voy. notre volume précédent, p. 286 et suiv.) Il est singulier qu'elles ne soient point visées dans celles-ci. Les premières n'avaient sans doute pu être entérinées, parce qu'elles ne présentaient point les faits tels qu'ils s'étaient produits. En effet, on remarque des différences notables dans les deux relations; il n'est plus question des outrages et de la résistance de Pierre Suire. Nous avons donné, en note de celles de 1386, des éclaircissements sur les localités et des renseignements biographiques sur les personnages mentionnés ici, et en particulier sur Jean du Plessis et sa femme, Jeanne Guynier. Il nous suffira d'y renvoyer le lecteur.
2 Cette localité est dite dans les lettres de mars 1386, la Roolière (loc. cit.), que nous avons identifiée à tort avec la Roulière, cne de Saint-Jean-de-Beugné.
3 Louis Rouault, dit Béthis, sr de la Mothe, frère ou cousin de Tristan Rouault, vicomte de Thouars. (Voy. ci-dessus, p. 73, note.)