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DCCCLXXV

Lettres de don à Jean, second fils du roi Charles VI, du duché de Berry et du comté de Poitou, pour en jouir après la mort de Jean duc de Berry, si ce prince ne laisse pas d'enfant mâle légitime.

  • B AN JJ. 157, n° 34, fol. 27
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 393-398
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, que comme, tant selon la forme des donacions que feu nostre très chier seigneur et ayeul le roy Jehan et feu nostre très chier seigneur et pere, les ames des quelz Dieu par sa grace vueille avoir en son saint Paradis, firent à nostre très chier et très amé oncle, Jehan duc de Berry et conte de Poitou, yceulx duchié et conté de Poitou avecques toutes leurs appartenances et appendences, quelles que elles soient, doient retourner entierement, ainsi comme elles lui furent baillées, à nous, à nostre demaine et à la couronne de France, ou cas que nostre dit oncle ne auroit hoir masle procreé de son corps en loial mariage, ou que la ligne directe des hoirs masles descendens de son corps, comme dit est, deffauldroit, et si tost que elle seroit deffaillie, comme aussi nostre dit [p. 394] oncle, en se conformant aux dictes condicions, ait voulu et nous ait accordé que, si tost qu'il plaira à Dieu qu'il soit alé de vie à trespassement, ou cas qu'il n'aura hoir masle descendant de son corps en loial mariage, ses dis duehié de Berry et conté de Poitou retournent entierement à nous1, à nostre dit demainne et à nostre couronne ; comme aussi à nostre très chier et très amé filz second, Jehan duc de Touraine, nous ne aions encores pourveu pour son appanage, fors que du duchié de Tourainne, qui est moult petite chose, selon l'estat de nostre dit filz, et pour ce lui vueillons acroistre son dit appanage et le pourveoir plus grandement et tellement qu'il en puist avoir et tenir son dit estat, telle comme à filz de roy de France appartient. A icellui Jehan, nostre second filz, en acroissement de son dit appanage, avons donné, cedé, octroié et transporté, donnons, cedons, octroyons et transportons, de nostre certaine science et grace especial, dès maintenant pour lors par ces presentes, pour lui et ses hoirs masles, descendans de son corps en loial mariage, et pour les hoirs masles procreez et descendans d'iceulx hoirs en loial mariage et par directe ligne, les duchié de Berry et conté de Poitou, [p. 395] avecques les citez de Bourges et de Poitiers, et toutes les citez, villes et chasteaulx, chastelenies, maisons, manoirs, hostelz, fours, moulins, granches, coulombiers et autres ediffices, terres, vignes, prez, pasturages, champs, forests, bois, garennes et autres possessions et heritaiges, vassaulx, hommes, hommaiges, fiefs, arrierefiefs, cens, rentes, revenues, emolumens, prouffis, servitutes, devoirs, juridicions et justices haultes, moiennes et basses, meres et mixtes imperes, collacions, presentacions et drois de patronnages de benefices d'eglise, drois, usaiges, libertez, franchises et autres quelconques appartenances et appendences des dis duchié de Berry et conté de Poitou, en quelconques choses et lieux qu'ilz soient, et par quelque maniere que ilz soient nommez et dis, saufs et reservez à nous, à nos successeurs rois et à la couronne de France, les foys, hommages liges, les souveraineté et ressors et autres drois roiaulx ès dis duchié de Berry et conté de Poitou, et ès villes, chasteaulx, chastellenies, appartenances et appendences d'iceulx, avecques la garde des eglises cathedraulx de Bourges et de Poitiers, de Maillezès et de Luzçon, et des autres eglises estans de fondacion royal ou de pariage, et tellement previlegées que elles ne pevent ne ne doivent estre separées de nostre dicte couronne, à avoir, tenir et possider par le dit Jehan, nostre second filz, et ses dis hoirs masles, et les hoirs masles d'iceulx descendans par ligne directe et procreez en loial mariage, tantost après le trespassement de nostre dit oncle, les duchié de Berry et conté de Poitou dessus dictes, avecques les villes, chasteaulx, chastellenies et autres appartenances et appendences d'iceulx, en parrie et comme pers de France, et à telles et semblables noblesses, prerogatives, libertez et franchises comme les autres pers de France tiennent leurs perries, et comme ilz joissent et usent, ou ont acoustumé joir et user de leurs dictes perries, et à en joir et user par nostre dit filz et ses dis hoirs masles dessus [p. 396] divisez, si tost que nostre dit oncle sera alé de vie à trespassement, comme dit est, perpetuelment et hereditablement, comme de leur propre heritaige, sauves les reservacions dessus dictes ; et aussi parmi ce que, se il advenoit que nostre dit filz ou ses dis hoirs masles alassent de vie à trespassement sans hoirs masles descendens par ligne directe masculine de nostre dit filz et procreez en loial mariage, et que la dicte ligne directe masculine de nostre dit filz deflaillist ou temps advenir, les dis duchié de Berry et conté de Poitou, avecques toutes les villes, chasteaulx, chastellenies, appartenances et appendences d'iceulx revendront et retourneront de plain droit à nous et à nos successeurs rois, et à la dicte couronne de France ; et avecques ce que nous porrons avoir et aurons noz baillifs acoustumez pour les terres et subgès exemps, qui tendront leurs sieges et juridicions ès lieux exemps des dis duchié et conté, où ilz ont acoustumé estre tenus d'ancienneté. Sy donnons en mandement à noz amez et feaulx gens tenans et qui tendront nostre Parlement et les gens de nos comptes et tresoriers à Paris, et à tous noz autres justiciers et officiers, qui seront pour lors et ou temps après advenir, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que nostre dit filz ou ses procureurs ou procureur pour lui mettent ou facent, tantost après ce qu'il aura pieu à Dieu que nostre dit oncle soit alé de vie à trespassement, mettre en possession et saisine des dis duchié de Berry et conté de Poitou, et de leurs appartenances et appendences dessus divisées, et par les vassaulx et subgès d'iceulx lui facent faire et prester les fois et hommaiges, seremens, obeissances et autres devoirs en quoy ilz lui seront et porront estre tenuz à ceste cause. Des quelz en les lui faisant nous dès maintenant pour lors les avons quictez et deschargez, et quictons et deschargons, et chascun d'eulx, comme à lui puet appartenir, supposé que par previlege ou autrement les aucuns d'eulx ne puissent ou[p. 397] doient estre separez ne mis hors de noz dis demaine et couronne, et d'iceulx duchié de Berry et conté de Poitou, et de leurs appartenances et appendences dessus dictes, facent, sueffrent et laissent nostre dit filz et ses dis hoirs masles, et les hoirs masles descendans en directe ligne et par loial mariage de ses dis hoirs masles, et leurs gens et officiers, joir et user paisiblement et à tousjours, par la maniere dessus exprimée, sans faire ne souffrir que ilz y soient troublez ou empeschez aucunement, contre la teneur de ces presentes. Non obstant que les dis duchié de Berry et conté de Poitou aient esté autres fois et feussent, avant qu'ilz feussent bailliez à nostre dit oncle, et doient estre après sa mort du demaine de nostre dit roiaume et de nostre dicte couronne, et à yceulx adjoins et uniz2, et quelconques previleges par nous et par noz predecesseurs rois de France octroiez aux dis duchié et conté, aux bonnes villes et chasteaulx, et aux manans et habitans d'iceulx, supposé que par iceulx previleges ilz ne puissent estre mis hors ne separez de noz demaine et couronne dessus dis. Lesquelz nous ne voulons avoir lieu quant à noz don, bail, cession et transport des duchié, conté et leurs appartenances dessus dictes. Et lesquelz, pour cause d'iceulx don, bail, cession et transport, nous, en faveur de nostre dit filz, avons separez et mis hors dès maintenant pour lors de nostre demaine dessus dit. Et non obstans aussi nos ordonnances faictes de non donner ou aliener aucune chose de nostre dit demaine, et quelconques autres mandemens ou deffenses contraires. Lesquelz duchié de Berry et conté de Poitou nous avons donnez et assignez à nostre dit filz, et voulons qu'il en soit content, avecques le dit duchié de Tourainne, pour son appanage et pour tout le droit que il et ses dis hoirs et successeur porront demander par droit de succession, de hoirrie, de appanage, ou pour autres [p. 398] raisons quelconques, se toutesvoies il ne nous plaist ou temps advenir lui emplier son dit appanage et le lui ordonner et baillier plus grant que cestui. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre à ces lettres nostre seel. Sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. Donné à Paris, le XIIe jour de juillet l'an de grace mil quatre cens et ung, et de nostre regne le XXIe3.
Par le roy en son conseil, ouquel monseigneur le duc de Berry, le vidame de Laonnois4 et pluseurs autres estoient. G. de Bruyeres.


1 Cette clause était contenue implicitement dans les lettres patentes constituant l'apanage de Jean de France duc de Berry, en septembre 1360, et dans celles qui lui rendaient le comté de Poitou, en 1369 ; mais elle fut l'objet d'un engagement spécial dans un acte donné à Paris, le 4 novembre 1386, qui ne se trouve pas dans la collection des Ordonnances ni dans le P. Anselme. L'original scellé en est conservé dans les layettes du Trésor des Chartes, J. 382, n° 9. Il fut confirmé l'an 1400. Ces lettres portaient que le duché de Berry, le comté de Poitou et toutes les autres seigneuries de Jean de France, à l'exception des comtés d'Etampes et de Dourdan, feraient retour à la couronne, dans le cas où lui et son fils Jean de Berry, comte de Montpensier, décéderaient sans enfants mâles, à la condition que le roi ferait don de 460.000 livres à ses filles. Le comte de Montpensier mourut sans lignée, du vivant de son père, et le duc de Berry décéda à son tour le 15 juin 1416. Le second fils de Charles VI entra alors en jouissance des duché de Berry et comté de Poitou, mais il ne les posséda pas longtemps, puisqu'il succomba lui-même le 4 ou le 5 avril de l'année suivante. L'apanage fut alors donné à son frère, le dauphin Charles, depuis Charles VII, par lettres du 17 mai 1417, qui seront publiées dans notre prochain volume.
2 Le texte du registe porte fautivement « amiz ».
3 Ces lettres ont été imprimées intégralement, d'après la même source, dans le recueil des Ordonnances des rois de France, in-fol., t. VIII, p. 452.
4 Jean de Montaigu (voy. ci-dessus, p. 346, note).