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DCCXLII

Confirmation de la sentence d'absolution donnée par le sénéchal du vicomte de Thouars, en faveur de Colin Germain, accusé par la rumeur publique d'un meurtre commis à Thouars sur la personne de Jean Marchés

  • B AN JJ. 139, n° 208, fol. 249
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 7-13
D'après a.

Karolus, etc. Notum facimus universis, presentibus et futuris, quod, visis per nos litteris patentibus dileeti nostri Tristanni vicecomitis de Thouarcio, aut ejus senescalli pro ipso, tenorem qui sequitur continentibus :
Saichent touz que, par devant nous Jehan Buffetea1, seneschal de Thouars pour très noble et très puissant seigneur [p. 8] monseigneur Tristan2, viconte du dit lieu, ès assises du dit lieu de Thouars, qui commencèrent le XXVIe jour du moys de janvier l'an mil CCC IIIIXX et deux, se présenta et rendi deuement Colin Germain en l'arrest du dit monseigneur, en quel il estoit ; en quel arrest aux dictes assises il avoit promis à certaines et grosses paines soy rendre, ester et fournir à droit, et à ce avoit donné pleges pluseurs personnes qui deuement le rendirent, et mesmement Pierre Richardin et Colin de la Porte. En quel arrest il avoit esté priz et detenuz, et encores estoit, de et sur et pour cause de ce que le procureur de mondit seigneur, establi en droit ès dictes assises, poursuivoit et accusoit jà pieça le dit Colin, et encores aujourd'uy le faisoit, sur ce qu'il disoit que, la nuit d'entre le lundi de emprez Misericordia Domini3 et le mardi suivant l'an que dessus, de certain propos et d'aguet appensé, en la ville de Thouars, en carroy Saint Medard ou auprez, le dit Colin Germain avoit murtry et occis Jehan Marchés, pasticier, que que soit lui avoit donné tant de cops et de colées, et le playé si griefvement en la teste et ailleurs en son corps, de cops de baston et autrement, que briefment anprès la mort s'en estoit ensuite, que que soit aux choses sus dictes avoit esté aydans et consentans, et donné conseil, confort et ayde, et que de ce contre le dit Germain estoit voix, fasme et commune renommée, et en estoit notoirement diffamez. Le dit procureur contre ledit Germain concluans que des faiz dessus [p. 9] diz il fust puniz capitaument, ainsy comme le cas le desiroit, s'il confessoit les diz faiz ; et s'il les nyoit, le dit procureur des diz faiz et de fame, de renommée, de presumpcions, de conjectures offroit à monstrer et prouver qui lui souffiroit. Contre les quelles choses fu dit et proposé, de la partie du dit Germain, pluseurs causes, fais et raisons, afin que le dit procureur ne le povoit ne le devoit aucunement poursuire ne accuser de et sur et pour cause des faiz dessus diz, ne d'aucun d'eulx, et que par jugement il en devoit estre licencié et absolz, et sur ce au dit procureur imposer perpetuel silence, et son corps et ses biens, pris et arrestez par cause des faiz dessus diz, miz au délivré et à lui estre restitué son bon fame et renommée, si en aucune maniere par cause des faiz dessus diz ilz estoient deblecez ou empirez. Lesquelz faiz par le dit Germain diz et proposez aux fins avant dictes, emprez pluseurs debas euz entre les parties sur les faiz dessus diz, nya le dit procureur du dit monseigneur les faiz diz et proposez par le dit Germain. Et le dit Germain les prist à prouver, contestacion sur ce faicte, juré de vérité, posé et respondu, fu adjugié au dit Colin Germain à prouver de ses faiz, des uns ou des autres qui lui souffiroit. Et par nous fu commis à Aymery de Barro4 et Guillaume Farinea faire l'enqueste sur les faiz diz et proposez par le dit Colin Germain, aux lins dessus dictes, et la dicte enqueste faicte, l'apporter ou envoier enclose soubz leurs seels en ces présentes assises. Ausquelles assises nous adjournasmes les parties, pour venir veoir publier la dicte enqueste et prendre droit selon[p. 10] ycelle, si proffitablement povoit estre fait, et faire en oultrece que raison donroit.
Es quelles assises, Jehan de Saint Germain5, procureur et en nom de procureur, souffisanment fondé du dit monseigneur, se comparut, d'une part, et le dit Colin Germain, d'autre, tousjours le dit procureur du dit monseigneur poursuvans et accusans le dit Colin Germain des faiz dessus diz, requerans que ses conclusions dessus dictes lui fussent faictes et acomplies ; le dit Colin Germain disans et proposans que des faiz autresfoiz par lui diz et proposez contre les demandes, poursuites et accusacions du dit procureur, aux fins dessus dictes, desquelz le dit procureur autresfoiz avoit donné nyance, l'enqueste par les diz commissaires avoit esté faicte et parfaicte, requerans que ycelle fust leue et publiée, offrans à prendre droit selon ycelle, disans que ainsi lui devoit estre fait selon raison, usage et coustume de pays; par nous sommé et requis le dit procureur du dit monseigneur s'il vouloit riens dire ny proposer, afin que les dictes requestes du dit Germain ne fussent faictes et acomplies. Le quel dit que non, et en fu jugié.
Et emprès ce, deismes et declairasmes par jugement que la dicte enqueste seroit ouverte, leue et publiée. Laquelle emprès ce nous fut bailliée et livrée en jugement, scellée des seels des diz commissaires, la quelle, du consentement[p. 11] des dictes parties, en jugement nous feismes ouvrir. La quelle ouverte, premièrement esté à un6 entre les dictes parties des faiz autrefoiz diz et proposez par le dit Colin Germain, aux fins dessus dictes, et contestacion de cause sur yceulx avoir esté faicte, publiée et leue la dicte enqueste en jugement, nous requist le dit Colin Germain, que nous lui feissons droit selon la déposition des diz tesmoings par lui produiz, disans que faire le devions et que ses fins et conclusions, attendu la déposition des diz tesmoings, nous devions faire et acomplir, selon raison, usage et coustume de pays. Sommé et requis le dit procureur du dit monseigneur, s'il vouloit riens dire ny proposer contre les choses dictes et proposées par le dit Germain, le dit procureur du dit monseigneur dist et proposa que le dit Colin Germain n'avoit riens prouvé des choses dessus dictes, par lui prises à prouver, et que le dit Colin Germain estoit actaint et convaincu des cas avant diz et en devoit estre puniz, selon ce que le cas le desiroit, et ainsi le devions declairer selon raison, l'usage et la coustume du pays. Le dit Colin Germain disant au contraire, et que ses conclusions lui devoient estre faictes et acomplies, comme dessus est dit.
Les parties sur ce mises en droit, eu avis à plusieurs sages estans ès dictes assises, pour l'avis des quelz, nous avons trouvé que le dit Colin Germain a souffisanment prouvé les choses par lui prises à prouver, et que nous lui devions faire et acomplir ses requestes et conclusions, et le dit procureur estre débouté du tout de son entencion et propos, attendu ce que Heliot Marchès, frere germain du dit Jehan Marchès, pasticier, dist autrefois en jugement par devant [nous] que il ne vouloit en aucune maniere procéder contre le dit Colin ne faire aucune informacion, ne administrer preuves, en appert ne en rebos, et qu'il cuidoit et [p. 12] creoit que le dit Colin Germain du dit cas fust innocens et non coulpables, et que le dit Colin Germain par les cas avant diz a longuement demouré en prison, et que par pluseurs foiz par nous, en plaines assises, et aussi par noz commis et deputez, en plain marchié à Thouars, a esté fait assavoir par cry publique que, s'il y avoit aucuns qui contre ledit Colin Germain, de et sur et pour cause des faiz dessus diz, volust aucune chose contre lui dire, proposer, promouvoir, denuncier, accuser, ne par cause des faiz dessus diz en aucune maniere soy faire partie, faire informacion, administrer tesmoings en privé ou en appert, que ilz venissent avant et ilz y seroient receuz, tant comme de droit, ou autrement l'en procederoit à l'absolucion du dit Colin Germain, et à la délivrance de son corps et de ses biens, tant comme de droit. Contre lequel Colin Germain aucun n'est venu, qui pour cause des diz faiz ait aucune chose volu dire, proposer, promouvoir, denuncier, accuser ne soy faire partie, faire informacion ne administrer tesmoings en privé ou en appert, si comme des choses avant dictes nous est deuement apparu, et aussi que ledit Colin Germain a tousjours bien obey et tenu ses arrests, et s'i est rendu comme promis l'avoit, avons dit et declairé par jugement que le dit Colin avoit souffisanment prouvé ce qu'il avoit promiz à prouver de sa partie. Et pour ce l'ayons licencié et absoult par jugement des cas, demandes, poursuites et accusations dessus dictes, et son corps et ses biens priz et arrestez par cause des cas et faiz dessus diz, mis au délivré; et sur ce au dit procureur imposé perpetuel silence, et le dit Colin Germain restitué à son bon fame et renommée, si et en tant comme par cause des faiz dessus diz les diz fame et renommée en aucune maniere seroient debleciez ou empirez ; et dit et declairé par jugement le dit Colin Germain et ses pleges estre quictes et delivrés, et des promesses et obligacions qu'ilz avoient fait que le dit Colin Germain tendroit son dit arrest et prison, et qu'il obeiroit et fourniroit [p. 13] à droit sur le dit cas, et des dictes promesses et obligacions leurs biens deschargiez et desobligiez. Si defendons à touz les sergens, officiers, subgiez et soubzmis de mon dit seigneur, prions et requerons touz autres, que par cause ny occasion des faiz dessus diz ne d'aucun d'eulx, ilz ne le prengnent, saisissent, arrestent le dit Colin ne aucuns de ses biens, ne en aucune maniere ne le empeschent ; et si aucune chose de ses biens par cause des faiz dessus diz ilz ont priz, saisi ou arresté, ilz les lui baillent et délivrent, et l'en laissent joir paisiblement. Et nous, par la teneur de ces présentes, les lui mettons au délivré, et lui donnons en commandement de les prendre, lever et exploictier, non obstant aucune main par dessus mise, par cause des faiz dessus diz, laquelle nous oustons et avons osté, comme dessus est dit. Fait o le dit Jehan de Saint Germain, procureur du dit monseigneur, et o le dit Colin Germain, ès grans assises de Thouars, tenues par nous dit seneschal, lesquelz commencèrent le jour et an dessus diz, et donné soubz nostre seel, le quart jour du dit moys, et le IXe des dictes assises, l'an que dessus.
Easdem litteras ac omnia et singula in eisdem contenta, in quantum rite et juste acta fuerunt et in rem transierunt judicatam, rata et grata habentes, eas et ea volumus, laudamus, ratifficamus et approbamus, ac de gracia speciali et auctoritate nostra regia, tenore presentium confirmamus. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret, sigillum nostrum presentibus litteris duximus apponendem. Nostro et alieno in omnibus jure salvo. Datum Parisius, in mense junii anno Domini millesino CCCmo nonagesimo, et regni nostri decimo.
In requestis hospicii Tumery. — Tristan


1 Jean Buffeteau ou Bouffeteau, de la Chaise-le-Vicomte, rendit aveu à Jean de France, duc de Normandie, comte de Poitou, en mars 1344. (Arch. nat., P. 594, fol. 66.) Il fut le père, ou plutôt le grand-père du sénéchal de Thouars. Celui-ci était seigneur d'Argentières et avait épousé Jeanne Eschalart, avec laquelle il vivait en 1394. Sa femme étant morte sans lui donner d'enfants, il se remaria avec Jeanne de Nuchèze, qui était veuve de lui en 1426. Leur fille unique, Jeanne Buffeteau, dame d'Argentières et de Laleu, que son père avait acquis de Robert Eschalart, fut mariée à Pierre Chasteigner et à Louis Chabot. (Du Chesne, Histoire généal. de la maison des Chasteigners, Paris, 1634, in-fol., p. 157.) Jean Buffeteau tenait, entre autres choses, la moitié, par indivis avec Jean de Quairay valet, d'une dîmerie appelée la dîme du Breuil de Fellés en la paroisse de Saint-Christophe-sur-Roc, mouvant du château de Saint-Maixent, pour laquelle les deux tenanciers payèrent, le 11 octobre 1418, la redevance due à toute mutation de seigneur. Voy. la Déclaration des fiefs, hommages et devoirs reçus par Pierre Morelon, receveur ordinaire de Poitou, à la première venue de M. le Dauphin (depuis Charles VII) en son comté de Poitou, lequel entra en sa bonne cité et ville de Poitiers, le 10 août 1418. (Arch. nat., P. 1144, fol. 42 v°.) A la fin du XIVe siècle, vivait aussi un Guillaume Buffeteau, sans doute le frère du sénéchal de Thouars, dont il sera question ci-dessous.
2 Tristan Rouault, vicomte de Thouars par son mariage avec Pernelle, fille aînée du vicomte Louis de Thouars, a été l'objet de notices biographiques dans nos tomes IV, p. 217, et V, p. 83.
3 Second dimanche après Pâques, 20 avril l382.
4 Aimery de Barro, dont nous avons déjà rencontré le nom dans le volume précédent (acte de juin 1378), remplissait, au commencement de l'année 1377, les fonctions de sénéchal de Civray et de Melle pour le duc de Berry. Dans un procès qu'il soutenait alors au criminel devant le Parlement, il obtint de se faire représenter par un procureur et fit élection de domicile à Paris, chez un de ses compatriotes, Jean Rabateau, alors procureur au Parlement. (Acte du 17 mars 1377 n. s., X2A 10, fol. 40 v°.)
5 Dans un arrêt du Parlement du 8 août 1393, Jean de Saint-Germain est qualifié « autrefois châtelain de Thouars pour la vicomtesse Pernelle, quand elle vivait ». Cette dame était morte récemment (X1A 45, fol. 59). Jean de Saint-Germain avait épousé, le 10 août 1377, par contrat passé devant un notaire de Thouars, Robine Flory, fille de feu Guillaume Flory et de Jeanne de la Grésille, présents messire Jean Olivier, chevalier, et mons. Guillaume Reignart, prêtre. (Acte conservé dans les archives du château de la Saulaye, paroisse de Freigné, Maine-et-Loire ; voy. Hist. généal. de la maison de l'Esperonnière par Th. Courtaux. Paris, 1889, in-8°, p. 126.) Le même chartrier renferme l'acte de partage de la succession de Guillaume Flory entre ses neuf enfants, passé à Thouars, le 20 mars 1380. Des documents relatifs à ce personnage et à Jeanne de la Grésille, sa femme, ont été publiés dans nos tomes III, p. 384, 396, et IV, p. 106.
6 D'accord.