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MDLV

Rémission octroyée à Jean de La Courtière le jeune, demeurant à Allonne, qui, étant détenu prisonnier à Parthenay, sous l’accusation d’avoir, avec quatre jeunes compagnons, fait violence à Jeanne Girard, connue pour être la maîtresse d’un prêtre nommé Antoine Gonu, dudit lieu d’Allonne, avait trouvé moyen de s’évader et était allé faire le service qu’il devait au roi dans la compagnie de Jean Raymond, capitaine du Coudray-Salbart.

  • B AN JJ. 195, n° 1449, fol. 330
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 16-21
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan de la Courtière le jeune, aagé de vingt deux ans ou environ, fils de Jehan de la Courtière1 l’ainsné, demourant ou bourg et parroisse d’Alonne ou conté de Poictou, contenant que ledit suppliant est homme doulx et paisible, bien famé et renommé oudit païs de [p. 17] ses voisins et de tous ceulx qui de lui ont eu et ont congnoissance, et lequel nous a bien et dessemant servy en noz derrenières guerres et affaires, soubz la charge et en la compaignie de nostre bien amé Jehan Raymond, escuier, seigneur de Riberoix, cappitaine du Cousdroys Sallebart2, l’un des commissaires à recevoir les monstres des gens de guerre estans de nostre ordonnance ; et il soit ainsy que ung jeune prebstre, nommé Anthoine Gonu, demourant audit lieu d’Alonne, lequel a esté et est notoirement famé et renommé de soy estre maintenu charnellement avecques une nommée Jehanne Girarde, demourant au Puys près et en la parroisse dudit lieu d’Alonne, laquelle s’est dèspieça abandonnée au péché de la char, tant avec ledit Gonu, prebstre, que autres plusieurs du païs d’environ, comme de tout ce est voix, fame publicque et commune renommée en ladicte parroisse dudit lieu d’Alonne et païs d’environ. De laquelle Jehanne Girarde, environ la feste Saint Michel l’an soixante treize, yssit et fut née une fille d’elle et dudit [p. 18] Anthoine Gonu, prebstre. Et pour ce qu’il a esté et est très grant scandalle au païs, en ladicte parroisse dudit lieu d’Alonne que ledit prebstre se maintenoit avecques ladicte Jehanne Girarde qui estoit et est encores demourant avec sa mère oudit villaige du Puys près et en ladicte parroisse dudit lieu d’Alonne, et que souventes foiz il alloit jour et nuyt devers elle audit lieu du Puys, et que environ la Toussains derrenièrement passée eust trois ans, on rapporta audit suppliant et à quatre autres jeunes compaignons, eulx estans au lieu de la Cordinière en la parroisse d’Adillé près ledit lieu d’Alonne que ledit prebstre devoit la nuyt aller audit lieu du Puys couscher avec ladicte Jehanne Girarde, icellui suppliant et lesdiz quatre compaignons, dont l’un n’avoit que l’aage de seize ans ou environ, se transportèrent, environ neuf heures devers le soir, audit lieu du Puys, cuidans et esperans y trouver ledit prebstre cousché avecques ladicte Girarde. Et si tost que ledit suppliant et lesdiz compaignons se approucherent dudit lieu du Puys, et furent à demy quart de lieue ou environ, ledit suppliant se arresta illec et lesdiz autres compaignons se transportèrent audit lieu du Puys en l’absence dudit suppliant, entrèrent en l’ostel desdictes Girarde et sa mère, où il parlèrent à ladicte Girarde et après l’amenèrent au lieu où ilz avoient laissé ledit suppliant et illec deux desdiz quatre compaignons la prièrent, en la presence dudit suppliant, d’avoir sa compaignie, dont elle fut contente, ce qu’ilz eurent et leur obeyt, ce qu’elle ne voult faire audit suppliant combien qu’il [l’] en requist, et se mist en son devoir pour le cuider et vouloir faire. Et incontinant après ce, ladicte Girarde s’en retourna audit lieu du Puys vers l’ostel ouquel elle et sadicte mère font leur demourance, et ledit suppliant et sesdiz compaignons s’en retournèrent chacun son chemin, et mesmement ledit suppliant audit lieu d’Alonne, en l’ostel de sondit père. Lesquelles choses tantost après venues à la notice et congnoissance [p. 19] dudit prebstre, icellui prebstre, tant pour soustenir et tousjours entretenir ladicte Jehanne Girarde, que en haynne de grans et divers procès que ledit prebstre et Jehan Gonu, aussi prebstre, curé dudit lieu d’Alonne et oncle dudit Anthoine ont à l’encontre dudit de la Courtière, père dudit suppliant, tant au lieu de Poictiers que autre part, se trahy et transporta au lieu de Partenay, où illec il donna ou fist donner à entendre aux officiers de nostre très-cher et amé cousin le conte de Dunois, seigneur dudit Partenay3, que ledit suppliant seullement avoit fait violence et force publicque audit lieu du Puys, congneu et fait congnoistre charnellement ladicte Girarde et fait à elle et à sadicte mère plusieurs violences, excès, delitz et mallefices, et pourchaça et fist pourchacer lesdiz officiers de Partenay tellement qu’ilz firent convenir et adjourner ledit suppliant par devant le chastellain dudit lieu ou son lieutenant à certain jour jà pieça passé, à estre et comparoir en personne envers le procureur de nostredit cousin, pour occasion des cas dessusdiz et les deppendances d’iceulx. Et depuis fut ladicte cause evocquée par devant le bailli dudit lieu de Partenay ou son lieutenant à ses grans assises dudit lieu de Partenay, qui commancèrent à tenir environ Quasimodo derrenièrement passé ot trois ans ; [p. 20] ausquelles assises ledit suppliant obeyt et comparut en sa personne, et ladicte comparucion faicte par ledit suppliant, ledit lieutenant dist et ordonna, à l’issue desdictes grandes assises et avent que aller disner, que ledit suppliant seroit mis ès prisons closes dudit lieu de Partenay et commanda à Loys Baudet et autres sergens dudit lieu de Partenay illec presens, de le mettre èsdictes prisons, ce qui fut fait. Esquelles prisons il demoura l’espace de cinq jours bien fort malade, et ce pendant il souvint à icellui suppliant qu’il devoit aller à nostredit service soubz et en la compaignie dudit Jehan Raymond, commissaire susdit en nosdictes guerres, qui alors commancèrent tant ès marches et païs de Bretaigne que de Bourgoingne et à ceste cause ledit suppliant trouva moyen de rompre lesdictes prisons et porte par dessoubz et s’en yssit de nuyt. Et desdictes prisons s’en alla en la halle de ladicte ville de Partenay, estant devant icelles prisons, en laquelle halle il trouva une corde, laquelle il porta avec lui jusques aux murailles de ladicte ville de Partenay, par dessoubz et au bas desquelles il descendit moyennant ladicte corde et se mist hors desdictes prisons et ville de Partenay, sans le sceu et congié des officiers et gens de justice dudit lieu. Et d’illec s’en alla incontinant audit lieu du Cousdroys-Salebart, par devers ledit Jehan Raymond, son maistre, avec lequel il se mist en nostredit service en nosdictes guerres sur les marches et païs de Bretaigne où il a continuelment demouré à grans fraiz, mises et despences, jusques au departement de ladicte guerre. Pendant lequel temps que ledit suppliant a esté en nostredit service et depuis qu’il en est retourné, lesdiz officiers et gens de justice de ladicte ville de Partenay ont fait adjourner par cry publicque fait audit lieu de Partenay ou autrement ledit suppliant, à estre et comparoir en personne, sur peine de bannissement, de confiscacion de corps et de biens, pour occasion des cas et choses dont dessus est faicte mencion, [p. 21] pour respondre audit procureur dudit lieu à tout ce qu’il lui vouldra demander et contre lui proposer, fournir et requerir, à certains divers jours et assignacions, ausquelx ledit suppliant n’a peu obeir et comparoir en personne, tant pour l’occuppacion de nostre dit service et autrement, que aussi pour ce que lesdiz adjournemens n’ont esté faiz ne baillez à lui ne à personne capable de iceulx recevoir pour lui. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant doubtant rigueur de justice s’est absenté du païs auquel il n’oseroit jamais retourner, converser ne demourer, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit, requerant humblement que, attendu qu’il est jeune homme dudit aage de vingt deux ans ou environ et qu’il s’est tousjours bien et doulcement gouverné, sans jamais avoir esté actaint d’aucun villain cas, blasme ou reprouche et qu’il nous a bien et loyauent servy en nosdictes guerres et affaires, nous lui vueillons impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy, etc., audit suppliant avons ou cas dessusdit quicté, etc., avec toute peine, etc., ensemble tous deffaulx, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous nos autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de may l’an de grace mil cccc. soixante quinze, et de nostre règne le quatorzeiesme.

Ainsi signé : Par le conseil. J. de Villebresme4. — Visa. Contentor. J. Picart.


1 Cette famille de la Gâtine est connue, bien que l’on ne possède sur son compte que fort peu de renseignements. (Cf. Beauchet-Filleau, Dict. dés familles du Poitou, nouv. édit., t. II, p. 695.) Jean de La Courtière est mentionné dans le procès-verbal d’information et prisée de la valeur et du revenu annuel des terres, seigneuries et châtellenies de Secondigny, de Béceleuf et du Coudray-Salbart, fait par Guillaume Ripaut, clerc de la Chambre des Comptes, en vertu des lettres de commission à lui adressées le 14 juin 1460, parmi ceux qui accompagnèrent dans sa visite des lieux, le commissaire du roi. (Arch. nat., R1 207, reg. non folioté.)

2 Le registre cité dans la note précédente ne donne pas le nom du capitaine du château du Coudray-Salbart. D’ailleurs, un acte publié dans notre t. XI (Arch. hist. du Poitou, t. XXXVIII, p. 31) nous apprend qu’en 1465, et antérieurement, le capitaine était Louis Chasteigner. Jean Raymond, écuyer, seigneur de « Riberoix » (sans doute Riberay ou Ribray, paroisse de Saint-Liguaire), était, par conséquent, le successeur de celui-ci. Sur ce personnage et sa famille, nous en sommes réduits aux conjectures. Était-il fils ou parent à un autre degré de Jean Raymond, écuyer, capitaine de Frontenay-l’Abattu en 1435, panetier du dauphin Louis, l’un des fauteurs de la Praguerie en Poitou, complice de Guy de La Rochefoucauld, sr de Verteuil, dans sa rébellion, qui obtint des lettres d’abolition au mois d’avril 1446. (Cf. notre t. VIII, Arch. hist. du Poitou, t. XXIX, p. 328, 367,) Vraisemblablement, il était de la même famille que Jean Raymond, écuyer, seigneur de l’Etortière (psse de Soudan), qui rendit aveu et hommage au seigneur de la Barre-Pouvreau, le 8 mars 1449, et en 1457 à cause de Marguerite Pouvreau, sa femme, pour l’hôtel de la Territière, près Coutières (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 97 et 250). Le procès-verbal de Guillaume Ripaut constate que, depuis plusieurs années, les capitaines du Coudray-Salbart percevaient les revenus de la châtellenie, et il donne une curieuse description de cet important château féodal et de ses dix-huit tours, « dont les magnifiques ruines, dit M. Ledain, qui reproduit cette description, se dressent encore sur les bords de la Sèvre ». (La Gâtine historique, Paris, Claye, gr. in-4°, 1876, p. 92 et suiv.)

3 François d’Orléans, comte de Dunois et de Longueville, fils de l’illustre bâtard d’Orléans et de Marie d’Harcourt, sa seconde femme, était entré en possession de la baronnie de Parthenay à la mort de son père (28 novembre 1468) qui en avait obtenu le don après le décès du connétable de Richemont. (Cf. notre t. X, Arch. hist. du Poitou, t. XXXV, p. 78-79.) Il avait épousé, en 1466, Agnès de Savoie, belle-sœur de Louis XI. En considération de cette parenté, le roi, par lettres du 30 novembre 1468, avait fait remise à François d’Orléans de tous les droits de rachat de ses baronnies de Gâtine, auxquels la mort de Dunois avait donné ouverture au profit de la couronne. (Arch. nat., R1 188.) Rappelons que, pour le punir de l’ardeur avec laquelle il soutint la cause de Louis, duc d’Orléans, révolté contre l’autorité de Charles VIII, ce prince confisqua tous les domaines du comte et fit démanteler par le maréchal de Gyé les fortifications de Parthenay. Rentré en grâce, François d’Orléans attacha son nom aux négociations du mariage du roi avec Anne de Bretagne, quelques jours avant la célébration duquel il mourut subitement (25 novembre 1491).

4 Les Villebresme, originaires de Blois, étaient de père en fils serviteurs et secrétaires des ducs d’Orléans. Plusieurs aussi, entre autres un Jean et un Guillaume, furent secrétaires des rois Charles VII et Louis XI. (Cf. les renseignements réunis sur cette famille par R. de Maulde, Histoire de Louis XII. Paris, 1889, in-8°, t. Ier, p. 346, note.)