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MDCCXXXIV

Lettres de rappel de ban et d’absolution générales confirmatives des rémissions antérieurement obtenues par Jacques de Belleville, écuyer, alors prisonnier depuis six ans à la Conciergerie du Palais à Paris, pour le meurtre d’Hilaire Geoffriau, prévôt fermier de la ville de [p. 582] Poitiers, l’assassinat de Girard Chrétien, écuyer, et plusieurs autres crimes.

  • B AN JJ. 207, n° 306, fol. 140 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 581-585
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jaquet de Belleville1, escuier, prisonnier en la Conciergerie de nostre Palais à Paris, contenant que, à l’occasion de la mort et meurtre par lui commis en la personne de feu Hilaire Geuffriau, en son vivant et lors prevost fermier de nostre ville de Poictiers, le suppliant obtint des pieça de nous lettres de remission et pardon2 ; et après plusieurs informacions contre lui faictes tant sur ledit cas que autres, et fust depuis par nostre ordonnance constitué prisonnier, et sur le contenu esdictes informacions ledit suppliant obtint dès pieça de nous lettres de remission et pardon, comme dit est. Et fut interrogué par certains commissaires, à ce de par nous commis, et après par les gens de nostre Grant Conseil et sur sa confession et depposicion prinses et plusieurs tesmoingz examinez en ladicte informacion ledit suppliant fut et a esté trouvé chargé et coulpable d’avoir tué ledit feu Hilaire Geuffriau en autre manière que ne contenoient lesdictes lettres de remission, d’avoir aussi frappé par derrière et en trahison Girard Chrestien, escuier3, en lui donnant ung coup de dague à [p. 583] travers le corps en intencion de le tuer, ledit Chrestien estant lors ès mains d’aucuns des huissiers de nostre court de Parlement4, plus d’avoir batu, gehainé et inhumainnement traicté Guillaume Barré et sa femme, leur avoir fait chauffer les piez, jambes et le ventre tellement que la peau leur en estoit cheute par loppins, icellui Barré à ceste cause decedé et sa femme longtemps malade et en dangier de mourir ; d’avoir aussi prins et destroussé sur les champs le paige dudit Chrestien ; d’avoir en oultre pillé et ranconné le povre peuple de dessus les champs et fait plusieurs autres maulx, au moien desquelz cas et après ce que les gens de nostre dit Grant Conseil eurent enteriné nosdictes lettres de remission audit suppliant, ilz le condampnèrent envers les parties interessées en certaines sommes de deniers et à tenir prison, jusques à plaine saptisfacion, le bannirent à tousjours de nostre royaume et declairèrent le residu de ses biens à nous confisquez. Et à ceste cause ledit suppliant a tousjours depuis et paravant [esté] detenu prisonnier en ladicte Conciergerie par l’espace de six ans ou environ, et encores y est de present en grant povreté et misère tellement qu’il y est cuidé mourir de froit, de faim et plusieurs autres grans povretez et indigences qu’il a souffertes et endurées en telle manière qu’il est devenu gouteux, perclus et en [p. 584] danger de devenir aveugle et de brief y miserablement finir ses jours, se nostre bon plaisir n’estoit avoir pitié et compassion de lui et lui impartir nostre grace et misericorde, en nous humblement requerant, [consideré] la longue detencion de sa personne, les misères et souffretés qu’il a depuis endurées en prison, et qu’il a ferme propos de soy maintenir et vivre doresenavant gracieusement (sic) et meurement, sans faire à son povoir aucun desplaisir à personne, et avecques ce, pour mieulx satisfaire envers Dieu aux offences par lui commises, il a entencion, se Dieu lui donne la grace, de faire et accomplir les voyaiges et pellerinages de monsieur Sainct Glaude, monsieur Sainct Anthoine de Viennois, de Sainct Anthoine de Pade, de la benoiste Magdelene à la Baulme et d’illec à Romme et en Jherusalem, il nous plaise, et aussi en remunbrance de la Passion de nostre Redempteur, le rappeller en nostre dit royaume et avecques ce lui pardonner et abolir lesdiz cas et autres qu’il pourroit avoir commis envers nous et justice, qui ne seroient assez emplement contenuz et speciffiez en sondit procès, sentence et arrest et sur ce lui impartir nosdictes graces et misericorde. Pour quoy nous, etc., voulons, etc., audit suppliant en l’onneur, etc., esperant qu’il habandonnera et delaissera sa mauvaise vie et inclinacion, qu’il conversera et se contiendra doresenavant gracieusement, paisiblement et meurement, sans faire ne pourchasser aucun ennuy, dommaige ou destourbier à quelque personne que ce soit, et qu’il fera et accomplira lesdiz voyaiges, se possible lui est, ledit suppliant pour ces causes avons rappellé et de nostre grace, etc., rappellons en nostredit royaume, pour y estre et demourer comme il eust fait auparavant ledit ban. Et en oultre, de nostre plus ample grace lui avons remis et aboli les faiz et cas dessus declairez et autres par lui commis, qui ne seroient assez emplement contenuz et speciffiez en sondit procès, avecques toute peine, etc. [p. 585] En mettant au neant, etc. Et l’avons restitué, etc. Satisfacion, etc. Et imposons, etc. Si donnons ou mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens de nostre dit Grant Conseil, de nostre court de Parlement, et à tous, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné au Plesseys du Parc lez Tours, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. quatre vings et deux, et de nostre règne le xxii.

Ainsi signé : Par le roy tenant ses requestes. Charpentier. — Visa. Contentor. G. Budé.


1 Il a déjà été donné de nombreux renseignements sur la famille Harpedenne, dite de Belleville, notés au cours du présent ouvrage. (Voy. notamment Arch. hist. du Poitou, t. XXXV, p. 367, aux renvois aux vol. précédents, et t. XXXVIII, p. 395.) Jacques de Belleville était le frère de Louis de Belleville, seigneur de Montaigu, et l’un des fils de Jean III Harpedenne, seigneur de Belleville, chambellan du roi et de Marguerite de Valois ; il reçut compensation pour ses droits prétendus sur la seigneurie de Montaigu, cédée à Louis XI par son frère Louis en 1473 (Arch. hist. du Poitou, t. XXXVIII, p. 397) et plaidait en 1475 contre la veuve de ce dernier (ibid., p. 423 et 429). [L.C.]

2 Ces lettres, datées du 30 mars 1464 (n.s.), ont été publiées au t. X du présent recueil (Arch. hist. du Poitou, t. XXXV, p. 454) ; le fermier de la prévôté tué par Jacques de Belleville y est appelé Hilleret Tondeur. [L.C.]

3 Girard Chrestien, écuyer, lieutenant et garde du château de la Roche-sur-Yon, pour le duc d’Anjou, étant amené prisonnier à la Conciergerie du Palais par Jean Musnier, huissier du Parlement, fut frappé haineusement d’un coup de dague par Jacques de Belleville, et mis par là en danger de mort. Jacques de Belleville, arrêté sur-le-champ, fut remis en liberté sous la caution d’Henri de Livres, conseiller du Parlement, qui passait au même moment sur le Pont-aux-Changes. En raison de ces faits, Girard Chrestien obtint les 7 et 18 février 1472 (n. st.) mandats d’ajournement et d’amener contre ledit de Belleville. (Arch. nat., X2a 38, fol. 148 et 151.) [L.C.]

4 Girard Chrestien et Jean Vincendeau étaient ajournés, par mandat du 9 juillet 1466, à la requête du Prieur d’Aquitaine des Frères de l’Hôpital, pour répondre de certains excès et délits. (Arch. nat., X2a 34, fol. 217 v°.) C’est peut-être à l’occasion de cette affaire que Chrestien se trouvait entre les mains de la justice au moment de l’attaque de Jacques de Belleville. [L.C.]