[p. 289]

MDCXXXVIII

Rémission obtenue par Jean Gadart, hôtelier à Saint-Mars de la Réorthe, qui voulant s’opposer au vol d’un cheval appartenant à un marchand logé chez lui et obligé d’en venir aux mains avec Pierre Nourrisson, [p. 290] franc archer, pour défendre sa propre vie, l’avait tué d’un coup de pelle sur la tête.

  • B AN JJ. 205, n° 282, fol. 160
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 289-293
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Gadart, hostellier, demourant à Saint Mars de la Rouerte ou diocèse de Luçon et en la viconté de Thouars, contenant que, le dimanche xxve jour du moys d’avril derrenier passé, ledit suppliant estant en sa maison à souper et en sa compaignie ung nommé Medart Bridonneau et ung brigandinier duquel il ne scet le nom, sur la fin de son souper survindrent ung nommé Pierre Norrisson, dit Caffart, lors franc archer, demourant au village de Lespau en la parroisse de Saint Michiel de Montmarcus, et Jehan Denis, dit de Bretaigne, cousturier, lesquels se misdrent à la table, beurent et mengèrent de ce qui y estoit, et de ladite table se leva ledit suppliant qui avoit souppé, pour s’en aller esbatre en son jardin estant en derrière de sa maison et laissa lesdiz franc archer et Jehan Denis dit de Bretaigne et autres à ladite table. Et quant ilz eurent soupé, se tindrent devant et auprès d’icelle maison jusques environ jour couché : pendant lequel temps ung marchant, nommé Pierre Duchesne, du lieu de Mauleon, survint et se logea et ung cheval à poil rouge et une jument fauve audit hostel ; sur lequel cheval ledit franc archer, oultre le gré et voulenté d’icellui Duchesne, monta et le fist troter au long la rue et ailleurs oudit bourg, en disant telles parolles ou semblables en substance : « Par le sang Dieu, s’est ce qu’il me fault pour mener à la guerre ; je luy meneray qui que la veuille veoir. » Et incontinent qu’il fut descendu, icellui Duchesne, marchant, la prinst et mist en l’estable dudit suppliant et l’atacha près ladite jument, et ce fait, s’en alla soupper. Et ce voyant par ledit franc archer que icellui Duchesne qui [p. 291] avoit laissé en l’uys de l’estable la clef et qu’il souppoit, ferma ledit huys de ladite estable à la clef, en laquelle ledit cheval estoit et print icelle clef en sa main et se tinst tousjours auprès de ladite maison. Et ce pendant ung nommé Guillaume Bernier, serviteur dudit suppliant, ainsi qu’il venoit des champs de mener paistre les bestes appartenans audit suppliant, pour venir oudit hostel rencontra au chemin Perrine Girondelle, voisine dudit suppliant, qui lui dit qu’elle avoit veu que ledit Norrisson, franc archer, avoit fermé l’estable de sondit maistre à la clef et icelle clef avoit vers lui et avoit oy regnier Dieu qu’il enmeneroit ledit cheval et que le premier qui se mettroit au devant pour l’empescher qu’il le tueroit. Lequel serviteur, lui arrivé en l’ostel dudit suppliant son maistre, recita ce que dit est à Jaquette Marronne, sa maistresse et femme dudit suppliant, l’advertissant qu’elle s’en donnast garde. Et incontinent icelle sa maistresse demanda à Perrine Gardate, sa niepce, par fixion et pour recouvrer la clef d’icelle estable que icellui franc archer avoit ainsi prinse, s’elle avoit mis ou toit les oisons, qui lui respondit que non. Et allors y alla, en sa compaignie lesdiz Duchesne et Bernier et prinst les clefz que ledit franc archer avoit ainsi prinses et ouvry l’estable en laquelle elle mist les diz oysons en ung petit toit ouquel ilz avoient acoustumé estre mis. En laquelle estable icellui franc archer entra et s’efforça de vouloir oster à icelle Perrine lesdites clefz, à quoy, par le moien d’iceulx Bernier et Duchesne elle resista, et pour ce qu’il ne vouloit ystre d’icelle estable, icelle Perrine1, femme dudit suppliant, tira l’uys à elle et en ferma icellui franc archer, Duchesne et Bernier, son serviteur. Et ce voyant ledit franc archer destacha ledit cheval et s’efforça le mettre hors de ladite estable pour le cuider enmener, ce que ledit Duchesne marchant, qui avoit amené ledit cheval, empescha et [p. 292] prinst pareillement audit collier et tirèrent les ungs contre les autres, et pour ce qu’il vit qu’il ne le pouvoit mettre hors pour l’empeschement que les diz marchant et Bernier luy faisoient, icelluy franc archer tira ung grant cousteau qu’il avoit pendu au costé, duquel il bailla audit marchant plusieurs coups du plat tellement qu’il fut contrainct de lascher sa prinse et le fist tumber, au moien desdiz coups, à terre, et ledit Bernier, serviteur dudit suppliant, quant il vit tumber ledit marchant, s’en fouy mucer ou foing. Et ce fait, se tira ledit franc archer droit à la porte, pour cuider ystre, tenant en une main ledit cheval et en l’autre sondit cousteau ; laquelle porte la femme dudit suppliant tenoit au baroil par dehors, pour empescher qu’il ne mist hors ledit cheval. Pour laquelle resistance se meut grant bruyt, parce qu’il s’efforçoit rompre l’uys de ladite estable, et tellement que icellui suppliant qui estoit en sa maison où il n’y avoit pas grant distance jusques à son estable, oy sadicte femme qui s’escrie et à ce cry print ou foyer une palle de fer enmanchée de boys et s’en party pour aller à l’estable et trouva sadite femme tenant le varroil, à laquelle il demanda tout eschauffé qu’il y avoit. A quoy elle luy respondit que c’estoit ledit Nourrisson franc archer, qui vouloit enmener le cheval dudit marchant, leur hoste, et qu’il l’avoit moult batu et oultragé de son penart ; lequel suppliant dist à sadite femme qu’elle laissast le verroul, ce qu’elle fist. Et incontinant icellui franc archer sortit, aiant sondit cousteau ou poing en renyant Dieu comme dessus qu’il enmeneroit ledit cheval, et si ledit suppliant, se mettoit au devant pour le vouloir empescher qu’il le tueroit. A quoy icelluy suppliant, tenant en sa main ladite palle de fer, luy dist qu’il ne l’enmeneroit point et qu’il n’avoit nulle cause pour ce faire. Et en ce disant, ledit franc archer s’avança contre icelluy suppliant et luy cuyda donner dudit grant cousteau à travers du corps d’un estoc qu’il luy rua et l’eust tué, se n’eust esté la femme dudit suppliant qui se [p. 293] geta sur ledit franc archer et le print au bras et au collet. Et non content de ce, poursuyvy encores icelluy suppliant pour le vouloir tuer ; voyant laquelle poursuicte, doubtant par ledit suppliant que icelluy qui estoit mal famé et renommé et dangereux de frapper, se mist en deffence et luy rua ung coup sur la teste de ladite palle du costé senestre tellement qu’il tumba à terre. Et à ce fait ledit suppliant s’en ala en sa maison et ledit franc archer fut enmené par la femme dudit suppliant et Jehan Denis en l’ostel dudit Denis, ouquel il demoura pour celle nuyt et coucha tout vestu, sans vouloir se faire penser. Et luy estant oudit hostel, fut confessé et pardonna audit suppliant et environ dix heures du matin ala de vie à trespas. Pour occasion duquel cas ainsi advenu que dit est, ledit suppliant doubtant rigueur de justice s’est absenté de sa maison et n’y oseroit aller ne converser, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit suppliant ne fut jamais actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche et que ledit deffunct a esté aggresseur, il nous plaise luy impartir sur ce nostre grace et misericorde. Pour quoy, etc., au seneschal de Poictou, à son siège de Thouars, etc. Donné à Nemours, ou moys de juing l’an de grace mil cccc. lxxix, et de nostre regne le xviiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Forlet. — Visa. Contentor. — Registrata.


1 Sic, au lieu de Jacquette.