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MDCXCV

Confirmation en faveur du chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers d’un ancien privilège portant défense aux officiers de cette ville de faire aucune exécution et même de faire passer aucun criminel condamné à mort ou à toute autre peine corporelle par le bourg de Saint-Hilaire, dont la justice et la police appartiennent audit chapitre1.

  • B AN JJ. 207, n° 97, fol. 48
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 463-467
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, Nous avoir receue l’umble supplicacion de noz chiers et bien [p. 464] amez les tresorier, doyen, chanoines et chappitre de l’eglise Monsr Sainct Ylaire le Grant de Poictiers, contenant que jà pieça, de longtemps et d’ancienneté, feux noz predecesseurs concederent et octroyerent à ladicte eglise plusieurs previlleiges touchans le bien, augmentacion et entretiennement d’icelle eglise, et entre autres pour l’onneur et reverence dudit glorieux corps sainct Monsr Sainct Ylaire et pour la singuliere devocion que nosd. predecesseurs avoient à ladicte eglise et audit glorieux corps sainct et autres estans et reposans en icelle eglise et au bel et notable service divin qui y est chascun jour continuellement fait et celebré, concederent et octroyerent ausdiz supplians et à leurs successeurs, lesquelz sont seigneurs de toute ancienneté du bourg dudit lieu de sainct Ylaire, que aucuns criminelz condempnez à mort ou autres peines et supplices corporelz ne feussent dès lors en avant menez ne conduiz pour souffrir lesdictes peines ou supplices corporelz et ne les passassent les executeurs de nostre justice par ledit bourg Monsieur sainct Ylaire, ains les passassent, conduisissent et menassent par autres lieux touchans les murailles et ailleurs où il y en y a plusieurs. Desquelz privilleiges iceulx supplians ont joy par bien long temps et de tel temps et d’ancienneté qu’il n’est memoire du contraire, et jusques puis aucun temps en ça que noz officiers audit Poitiers les troublerent et empescherent en ce. Pour laquelle cause iceulx supplians se trahirent par devers feu Thibault de Noviac, lors seneschal dudit Poictou2, qui fut deux cens seize ans a ou environ ; [p. 465] lequel, après ce qu’il fut informé desdiz previlleiges et joyssance sur ce par lesdiz supplians, dist et ordonna par sa sentence judiciaire, le conte dudit conté de Poictou present, que dès lors en avant lesdiz criminelz et condempnez ausdiz supplices corporelz seroient conduitz, passez et menez ausdiz supplices par le chemin bas ou voye par le dessoubz de l’eglise Sainct Gregoire, qui est près des murailles de ladicte ville, et non par la grant rue dudit bourg, ainsi appartenant ausdiz supplians. Au moien de laquelle sentence et condampnacion lesdiz supplians ont joy par long temps dudit previlleige, et jusques a puis aucun temps ença que noz officiers audit Poictiers ont aucunes foiz passez par ledit bourg lesdiz criminelx et condempnez, et fait faire des execucions criminelles en icellui, en venant directement contre lesdiz previlleiges et sentence ainsi donnez et octroyez au prouffit desdiz supplians. Au moien desquelz exploiz iceulx supplians se sont portez pour appellans en maintes manieres, et leurs appellacions ont relevées, et les aucunes d’icelles en nostre court de Parlement à Paris, où elles sont demourées indecises soubz umbre de ce que lesdiz supplians ont perduz ou adirez leursdiz previlleiges et sentence ainsi par eulx obtenuz, et avec ce sont cependant demourez empeschez en la joyssance d’iceulx, ou grant detriment et prejudice desdiz supplians et de ladicte eglise, et plus seroit, se par Nous ne leur estoit sur ce impartie nostre grace et provision convenable, ainsi qu’ilz Nous ont fait dire et remonstrer, requerans humblement iceulx. Pour quoy [p. 466] Nous, ces choses considerées, à iceulx supplians, pour les causes et consideracions devant dictes, et aussi pour la singuliere devocion et affection que avons à ladicte eglise. Monsr sainct Ylaire, de laquelle nous sommes chef et abbé, et audit glorieulx corps sainct et autres repposans en icelle, et aussi audit grant, bel et notable service divin qui y est fait, entretenu et continué chascun jour, avons octroyé et octroyons de grace especial, par ces presentes, voulons et Nous plaist qu’il joysse desdiz previlleiges et sentence et du contenu en iceulx, en la maniere devant dicte, sans ce que, ores ne pour le temps avenir, on leur puisse faire, mectre ou donner aucun destourbier ou empeschement au contraire, ne que d’ores en avant aucuns de noz officiers audit Poictiers ne autres quelzconques puissent passer ou faire passer, mener ou faire mener et conduire aucuns desdiz criminelz ou condempnez ausdiz supplices ou peines corporelles par ladicte grant rue dudit bourg, ne qu’ilz y puissent faire aucunes execucions criminelles en quelque maniere ne pour quelconque cause que ce soit ; ains en tant que mestier est ou seroit, leur avons derechef, de nouvel et d’abondant donné et octroyé, donnons et octroyons ledit previlleige, de nostredicte grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par cesdites presentes. Si voulons que eulx et leurs successeurs en joyssent à tousjours mais paisiblement, sans aucune difficulté au contraire. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens de nostredicte court de Parlement, à nostredit seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers ou officiers, ou à leurs lieuxtenans ou commis, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartendra (sic) et qui requis en sera, que de noz presens grace, previlleige, concession et octroy facent, seuffrent et laissent lesdiz supplians et leurs successeurs en ladicte eglise, joir et user plainement et paisiblement, sans faire ne souffrir aucune [p. 467] chose estre faicte au contraire, ains tout ce que fait auroit esté ou seroit à l’encontre, reparent et remectent, ou facent reparer et remectre sans delay au premier estat et deu, en mectant au neant tous lesdiz appeaulx, procès et procedeures tant de ceulx qui sont meuz en nostredicte court de Parlement comme ailleurs, et lesquelz Nous y avons mis et mectons, de nostredicte grace et auctorité royal par ces mesmes presentes. Et imposons sur ce scillence perpetuel à nostre procureur present et avenir et à tous autres. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné au Plesseys du Parc, ou mois de septembre, l’an de grace mil cccc. quatre vings et ung, et de nostre regne le vingt ungiesme.

Ainsi signé : Par le roy, l’evesque d’Alby, le prothonotaire d’Amboise, maistres Charles de Poutoz3 et autres presens. Amys. — Visa. Contentor. Texier.


1 L’original de ces lettres patentes est conservé aux Archives départementales de la Vienne, accompagné d’un acte constatant l’exécution des prescriptions qu’elles contiennent, lorsque François de Belleville, écuyer, seigneur de la Mothe-Fremeau, condamné à être pendu, fut conduit au supplice (G. 640). Une copie s’en trouve dans la collection de dom Fonteneau, t. XII, p. 161. Elles sont transcrites en outre sur les registres du Parlement, à qui elles étaient adressées, avec l’arrêt d’enregistrement de la cour daté du 5 janvier 1482 n.s. (Arch. nat., X1a 8.608, fol. 5.) Les lettres patentes ont été imprimées dans la grande collection des Ordonnances des rois de France, in-fol., t. XVIII, p. 697, et dans le Recueil général des anciennes lois françaises d’Isambert, in-8°, t. X, p. 832.

2 Le nom de ce sénéchal, pourvu sous l’administration d’Alfonse comte de Poitiers, est Théobaldus de Noviaco dans les textes latins et « Tiebauz de Neuvis » dans les actes en français. On conserve des comptes rendus par ce personnage en qualité de sénéchal de Poitou, du 1er novembre 1257 et du 1er novembre 1260. (Arch. nat., J. 192, nos 20 et 32.) On ne sait pas exactement à quelle date Thibaut de Neuvy cessa d’exercer cet office. D’après le présent texte (il y a deux cent seize ans), il aurait été encore en fonctions en 1265 ou environ, ce qui est fort possible. Le nom de ce sénéchal est mentionné à plusieurs reprises dans la Correspondance administrative d’Alfonse de Poitiers (publ. pour le Ministère de l’Instr. publ. par A. Molinier, 2 vol. in-4°) ; mais l’on n’y trouve pas d’autres éléments chronologiques, sinon que dans un acte du 5 septembre 1268, on lit : Sane nobis relatum extitit quod per Theobaldum de Noviaco, dum esset senescallus in Pictavia … (Tome I, p. 395.)

3 Sur les personnages nommés ici, voyez ci-dessus pour le premier, p. 184, note pour le second, p. 79, note, et pour le troisième, p. 389, note.