[p. 607]

MDCCXL

Rémission obtenue par Jean Jeudy, boucher de la Rochelle, arrêté à Fontenay-le-Comte et condamné à être pendu par le lieutenant du sénéchal de Poitou en cette ville, pour plusieurs vols et divers autres méfaits.

  • B AN JJ. 210, n° 13, fol. 11
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 607-610
D'après a.

[p. 608] Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amys charnelz de Jehan Jeudy, bouchier, filz de feu Philippon Jeudy, en son vivant demourant en la ville de la Rochelle, povre homme, aagé de xxii. à xxiii. ans ou environ, non marié, contenant que xi. ans a ou environ, ledit Philippon Jeudi, son pere, alla de vie à trespas et le delaissa en l’age de xi. à xii. ans ; depuis lequel trespas s’est trouvé en la compaignie d’aucuns de ladicte ville de la Rochelle, en la maison de Regnault Testart, à prendre une jeune femme joyeuse, qui estoit mal famée et renommée de son corps, dont icellui Testart s’est d’icellui Jehan Jeudi depuis tenu pour content, comme il peut apparoir par appointement entre eulx sur ce fait. Et depuis ledit Jehan Jeudi et certains autres des compaignons se transportèrent au lieu de Pensac où ilz prindrent en l’ostel d’un prebstre une femme qui estoit en habit de homme qui avoit couronne sur la teste, et leur donna ledit prebstre où elle estoit trois escuz d’or pour la ravoir. Et certain autre temps [après] se transportèrent lui et sesdiz autres compaignons en l’ostel d’un nommé Jehan Fumée où ilz prindrent une autre femme mal renommée de son corps, qui estoit illec, gardée et entretenue de ung prebstre ; prindrent aussi deux robbes, l’une à l’usage de homme et l’autre à usaige de femme ; laquelle robbe à usaige de homme icellui Jehan Jeudi acheta de ses compaignons la somme de soixante ung solz sept deniers. Et certain jour ung nommé Regnault Vaslin voult prandre ledit Jehan Jeudi au corps, lequel Jeudi, lors ignorant qu’il fust nostre sergent tira ung cousteau qu’il avoit pour le frapper, mais il ne l’en frappa point. Et trois ou quatre foiz, pour ce qu’il estoit tart quant il venoit de dessus les champs pour querir les marchandises à lui neccessaires pour le fait de son mestier et qu’il trouvoit les portes de ladicte ville fermées, a passé par ung couex ou pertuys par ou l’on gecte les inmondicitez de la boucherie [p. 609] de ladicte ville ; et derrenièrement la vigille de la feste de Noël derrenière passée, y passa pour estre à matines et oïr le divin service. Par trois ou quatre autres foiz a entré par ung creneau qui est fort bas en ladicte ville, estant ledit creneau à l’endroit de Saint Nicolas, non cuidant en ce faisant mesprandre envers nous ne justice. Aussi pour ce que ung nommé Bertran Chevalier, qui avoit esté actaint et convaincu de larrecin, publicquement menassoit de oultraiger icellui suppliant et ses compaignons lequel avoit une belle espée que lui et ses compaignons desiroient avoir, ilz le trouvèrent ou villaige de Lafons et lui ostèrent deux pièces d’or dont icellui supliant n’eust aucune chose. Depuis lesquelles choses ledit supliant, voyant qu’il avoit esté adjourné par quatre termes ou esdiz pour raison des choses dessusdictes par devant le gouverneur de la Rochelle ou son lieutenant, doubtant rigueur de justice, n’a comparu ausdiz jours à lui assignez, à laquelle causé a esté banny de ladicte ville. Et ce voyant, a esté et s’est transporté en plusieurs païs et lieux champaistres, avec autres jeunes gens ses compaignons, lesquelz et lui en leur compaignie se transportèrent ung jour ou bourg de Champaigné le Sec, autrement dit Champaigné le Marois ; lesquelz ses compaignons prindrent illec, lui estant ou lit couchié, une femme assez ancienne, nommée Layessilli, laquelle ilz amenèrent devant lui, disans qu’elle estoit sorcière et qu’il en failloit faire pugnicion, de laquelle lesdiz compaignons eurent certaine somme d’argent, dont ledit suppliant n’eust aucune chose. Lequel Jehan Jeudi et ses compaignons estans oudit bourg de Champaigné le Sec furent prins et constituez prisonniers en noz prisons de Fontenay le Comte, esquelles prisons ledit Jehan Jeudi a esté par aucun temps et encores est detenu et par le seneschal de Poictou ou son lieutenant ou accesseur audit lieu de Fontenay condampné à estre estranglé et noyé, dont soy sentant agrevé, a appellé à nous et à nostre court de Parlement ; [p. 610] lequel appel il n’a encores relevé et est dans le temps de ce faire. Et combien qu’il die et maintienne avoir très bonne cause et matière d’appel, attendu le jeune aage dont il est et estoit lors qu’il a fait et commis les cas dessusdiz, ce non obstant il seroit contant soy desister dudit appel, s’il nous plaisoit le mettre au neant et lui impartir sur ce noz grace et misericorde, si comme il dit, humblement requerant [attendu] ce que dessus est dit et que en tous autres cas il est bien famé et renommé, et ne fut jamais actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nosdictes grace et misericorde lui impartir sur ce. Pour quoy nous, etc., voulans, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné le fait et cas dessusdit, avecques toute peine, etc. Et l’avons restitué, etc., satisfacion, etc. Et imposons silence, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou ou à son lieutenant audit lieu de Fontenay le Comte, et à tous, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou mois de may l’an de grace mil cccc. quatre vings trois, et de nostre regne le xxiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion de Conseil. Triboulet. — Visa. Contentor.