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MDCLVI

Rémission en faveur de Jean Peraton, meunier, et de quatre autres habitants de Neuvy, qui, chargés de recueillir les dîmes du curé de ladite paroisse, avaient été obligés de s’armer pour repousser l’agression d’une troupe envoyée par Michel Esteau, dans le but de s’opposer à leur récolte ; dans la lutte, outre de nombreux blessés de part et d’autre, deux des agresseurs avaient été tués sur place.

  • B AN JJ. 206, n° 627, fol. 143 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 340-342
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Peraton, musnier, Gillet Servant, boucher, Guillaume Coillebault, François Yllairet, tanneurs, et André Gaubert, dit Verrier, laboureur, povres gens, contenant que, le mardy xie jour de juillet derrenier passé, ainsi qu’ilz disnoient au presbitaire de Neuvy au païs de Poictou, où ilz estoient alez pour aider à recueillir les dismes de ladicte cure, leur fut dit que les gens de maistre Michel Esteau1 chargoient en la grenge du curé de ladicte cure les gerbes estans en icelle grenche. Et pour ce que lesdiz supplians [p. 341] avoient sceu que le jour precedent ledit Esteau et Colas Baignon, accompaignez d’autres en grant nombre, armez et embastonnez, s’estoient transportez audit presbitaire, cuidans trouver ledit curé et ses gens pour les oultrager, et que pour ce qu’ilz ne les trouvèrent, s’en estoient alez usans de grans menasses, lesdiz supplians craignans leurs personnes, et afin qu’ilz ne fussent oultragez, prindrent c’est assavoir ledit Servant ung espieu et demy manches de cotte de maille, ledit Coillebault unes brigandines qui estoient en l’ostel dudit curé avec une demy lance, ledit Yllairet unes autres brigandines qui estoient audit hostel, et aussi luy et ledit Peraton chacun une javeline avecques une espée, et ledit Gaubert ung braquemart, et tous ensemble saillirent hors dudit presbitaire, et eulx estans ainsi dehors virent ung nommé Jehan le Puissant l’aisné et Jehan le Puissant le jeune, frères, et autres jusques au nombre de xv. ou xvi. personnes armez et embastonnez d’arbalestes, vouges, espieux, espées, javelines et autres bastons invasibles, aliez et complices dudit maistre Michiel Esteau, ausquelz lesdiz supplians demandèrent que ilz demandoient. Et lors ledit le Puissant l’aisné commença à cryer sur lesdiz supplians : « Tuez, tuez, desbendez ! » et de fait ledit Puissant d’un arc qu’il tenoit tira une flèche contre lesdiz supplians, dont ledit servant suppliant fut actaint, et ung autre de la compaignie frapa d’une forche de fer ledit Coillebault suppliant en la poictrine et ung autre frapa d’un trait d’abaleste ledit Yllairet suppliant et n’eussent esté lesdictes brigandines qu’il avoit vestues, il eust esté tué. Pareillement ledit Puissant le jeune bleça au bras ledit André Gaubert suppliant d’un vouge qu’il avoit. Et voyans lesdiz supplians qu’ilz estoient ainsi agressez et oultragez sans cause et en grant dangier de leurs personnes furent contrainctz eulx mettre en defense, en quoy faisant y ot plusieurs cops ruez, tant d’un cousté que d’aultre, tellement que audit conflict ledit Jehan le Puissant l’aisné [p. 342] et Jehan le Puissant le jeune, frères, si furent tuez en la place ; et au regard des autres, tant d’un cousté que d’autre, il y en ot plusieurs de bleciez et navrez. Et combien que ledit cas ait esté commis par lesdiz supplians en leurs corps defendant et que lesdiz defunctz et leurs aliez fussent agresseurs, neanmoins ilz dobtent, etc., se nostre grace, etc., requerans, etc. Pourquoy nous, etc., ausdiz supplians avons quicté, etc. Si donnons en mandement au senechal de Poictou, etc. Donné à Paris, au moys d’aoust l’an de grace mil cccc. quatre vings, et de nostre regne le xxme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Villechartre. — Visa. Contentor. D’Asnières.


1 Ce personnage, quoiqu’on ne lui donne pas ici son titre, paraît devoir être identifié avec Michel Esteau, bachelier en lois, qui, dès le 22 octobre 1472, était châtelain ou juge de la châtellenie de Parthenay, pour le comte de Dunois, et exerça cet office jusqu’en 1495, dit M. Ledain (la Gâtine historique, p. 361), jusqu’en 1500 au moins, suivant la nouv. édit. du Dictionnaire des familles du Poitou (t. III, p. 312, 313). M. Richard mentionne une sentence de juillet 1484 rendue par ledit Esteau, en cette qualité, condamnant le fermier de Lasterie à payer certaines rentes à Jean Aymeri comme administrateur de ses deux filles (Archives du château de la Barre, t. II, p. 384). Michel Esteau servit comme brigandinier à l’arrière-ban de Poitou de 1488. De Catherine Boutin, sa femme, il eut trois fils, dont l’aîné, Aimery, fut chanoine et chantre de Sainte-Croix de Parthenay.