[p. 603]

MDCCXXXIX

Rémission accordée à Martial de Châtelart, laboureur, et à sa mère, établis depuis quatre ans à Latières, dans l’enclave poitevine d’Arnac, qui avaient commis un homicide en défendant celui-ci son père, et celle-là son mari, Huguet de Châtelart, poursuivi et maltraité par plusieurs habitants de Châtelart, qui voulaient le contraindre à payer la taille en l’élection de Limousin, alors qu’il était inscrit sur les rôles du commis des élus du Poitou pour ladite enclave.

  • B AN JJ. 209, n° 274, fol. 153
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 603-607
D'après a.

[p. 604] Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Marcial du Chastellart, dit de Latières, et de Huguete, sa mère, demourant audit lieu de Latières en l’aclave d’Arnac en nostre païs et conté de Poictou, povres gens de labour, contenant qu’il a quatre ans ou environ que Huguet de Chastellart, dit de Latières, père et mary desdiz supplians, s’en vint demourer du lieu de Chastellart, où il estoit pour lors demourant, en l’election de Limosin, en certaines maisons, dommaines et heritaiges qu’il a audit lieu de Latières, lequel lieu est assis en l’election de Poictou, et par ce moien a esté contribuable à paier les deniers des tailles (sic) de noz aides mises sus en nostredit païs de Poictou, en ladicte enclave d’Arnac, aux collateurs de ladicte enclave. Et depuis ledit temps de quatre ans, noz colleteurs et commis à lever noz deniers mis sus en ladicte enclave ont enrotulé en leur roolle icellui Huguet de Latières, et icellui ont tauxé et imposé à certain taux par chacun an ; lequel il a bien et deuement paié aux commissaires de nosdiz deniers en ladicte enclave de Poictou, et y a depuis icellui temps tenu feu et lien, par ce qu’il y avoit tous ses biens, et fait sa continuelle residence. Et depuis, icellui Huguet de Latières, le xxie jour du mois d’avril derrenier passé, print ses deux beufs et se transporta audit lieu de Latières, en certaine pièce de terre qui lui compette et appartient, estant audit lieu de Chastellart, qui est assis en l’election de Limosin ; et ainsi qu’il labouroit en ladicte terre, oyt ung grant bruit et apperceut que ung nommé Pierre Poste, soy disant nostre sergent, acompaigné de Estienne Guerreau, soy portant sergent de la baronnie de Maignac, Mathieu Andrieu, Simon Rangon, Jehan Polliget, Vallent des Bordes, Marcial du Chastellart, Simon Plantineau, tous demourans en l’election de Limosin et contribuables à paier nosdiz deniers en la parroisse d’Arnac en nostre election de [p. 605] Limosin ; aussi estoit en leur compaignie Jehan Cathelin, Jehan Clemençon et Jehan Guillemot qui se disoient avoir esté commissaires l’année passée de ladicte parroisse d’Arnac, pour lever les deniers de ceulx qui estoient contribuables en ladicte election de Limosin, embastonnez les aucuns d’eulx de grans cousteaulx et autres bastons invasibles, et vindrent devers icellui Huguet, qui labouroit, comme dit est, et eulx arrivez, comme mal esmeuz s’efforcèrent batre lesdiz beufs, desquelz ledit Huguet labouroit, voulans supposer l’avoir tauxé en ladicte election de Limosin. Quoy voyant ledit Huguet leur dist et declaira qu’il n’estoit en riens leur tenu et qu’il avoit très bien paié le taux à quoy il avoit esté tauxé par les commissaires de ladicte enclave d’Arnac, dudit païs de Poictou où il a depuis quatre ans contribué, qu’il s’opposoit afin qu’ilz ne lui feissent aucune chose. Et parce que, nonobstant son opposition, ilz s’efforçoient emmener lesdiz beufs, combien que leur commission estoit expirée, appelle d’eulx par plusieurs foiz en adherant à son premier appel. Mais nonobstant lesdictes appellacions par lui interjectées, les dessusdiz s’efforcerent de prandre lesdiz beufs, mais icellui Huguet les destella et les pourchassa, tellement qu’il les fist aller près certain boucaige tirant vers ledit lieu de Latières, qui est ès fins et mettes de ladicte ellection de Poictou. Les dessusdiz Poste, Cathelin, de Montmaignen (sic) et Dubrault suivirent ledit de Latières en faisant ung grant bruit et en le menassant très fort. Auquel bruit survint ladicte suppliante, Grant Jehan de Latières, son fils, Jehanne sa femme, Mathurin Gallant, Marguerite, sa femme, ledit suppliant et Valère, sa seur, et illecques eulx arrivez, ledit Grant Jehan de Latières, d’un petit cousteau de quoy il couppoit son pain couppa les julles de quoy estoient liez lesdiz beufs tellement qu’il les fist evader. Lesquelz Poste, Cathelin, de Montmaigne et Dubrault les suivirent plus d’un traict d’arc au dedans de ladicte election [p. 606] de Poictou, et voyant qu’ilz ne les povoient avoir, se prindrent audit Huguet de Latières, lequel ilz gectèrent par terre et blessèrent très fort d’un grant cousteau en la cuisse et en la main, combien qu’il appelast d’eulx, et le vouldrent trayner et mettre hors dudit païs de Poictou, pour en faire leur plaisir et voulenté. Et pour le secourir, survindrent ladicte Jehanne, femme dudit Grant Jehan, Marguerite, femme dudit Mathelin, et ladicte Vallère, fille dudit Huguet, lesquelles, tant pour la resistence qu’elles faisoient avecques autres des dessus nommez, qui disoient aux dessus diz qu’ilz faisoient mal de ainsi le traicter, mais non contens de ce, prindrent en ung champ, près la maison dudit Huguet, en ladicte élection de Poictou jusques au nombre de xxxv. à xl. aigneaulz appartenans à icellui Huguet et en mangèrent trois ; mais ce nonobstant et qu’ilz eussent lesdiz aigneaulx, ledit Poste, mal esmeu, en disant qu’il ne povoit mal faire et qu’il en seroit bien soustenu, se transporta audit lieu de Latières qui estoit illecques pris, et à la porte de la grange dudit Huguet où illec se trouverent lesdiz Cathelin et autres dessusdiz et ladicte suppliante, laquelle leur remonstra qu’ilz faisoient mal de ainsi le traicter, attendu qu’ilz estoient appellans d’eulx ; mais ce neantmoins, ledit Poste par force voulut entrer en ladicte grange. Au devant de laquelle porte ladicte suppliante estoit pour lors seulle, leur dist qu’ilz n’y entreroient point. Et ce voyant, ledit Poste dist audit Jehan Clemençon et autres dessus diz qu’ilz lui aidassent à oster ladicte suppliante de la dicte porte, en disant : « Prenez vous y, prenez, de par le diable, a oster ceste vieille. » Lequel Clemençon se print à ladicte suppliante tant rigoureusement avec ledit Poste, qui la tenoit et pressoit très fort et oultrageoit de sa personne [que] ledit Marcial suppliant, qui illec survint au bruit en icelle heure, voyant qu’on pressoit sadicte mère, esmeu d’amour naturelle en venant vers elle trouva en son chemin ung petit [p. 607] tranc1, duquel on a acoustumé oster le fiens des bestes, duquel il donna audit Clemençon de Montmaigner, ung seul coup sur la teste, duquel il tumba, dont sadicte mère supliant fut très fort courroucée. Et le redressèrent et lui redressé s’en alla d’illecques jusques audit lieu d’Arnac, de son pié, distant dudit lieu de Latières d’un quart de lieue ou environ, où illec il vesquit depuis ledit jour de lundi jusques au dimenche après ensuivant qu’il alla, par deffault de bon gouvernement ou autrement de vie à trespas. Pour occasion duquel cas, lesdiz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du païs et n’y oseroient jamais seurement retourner, converser ne reppairir, se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, en nous humblement requerant que, attendu que lesdiz supplians ont toujours esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans jamais, etc. Pour quoy nous, etc., voulons, etc., ausdiz supplians et à chacun d’eulx, avons quicté, remis et pardonné le fait et cas dessus declairé, avecques toute peine, etc., en mettant au neant, etc. Et l’avons restitué, etc. Satisfacion, etc. Et imposons, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, et à tous, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou mois de may l’an de grace mil cccc. quatre vings et trois, et de nostre règne le vingt et deuxiesme.

Ainsi signé. Par le roy, à la relacion du Conseil. [Nom en blanc.] — Visa. Contentor. J. Duban.


1 Godefroy mentionne ce mot d’après le présent texte et n’en cite point d’autre exemple. (Dict. de l’anc. langue française, t. VIII.)