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MDCXVI

Rémission donnée en faveur d’Etienne Assally, dit Trédat, archer de l’ordonnance résidant à Poitiers, qui, dans une querelle de jeu, avait frappé mortellement un de ses compagnons de deux coups de dague.

  • B AN JJ. 201, n° 197, fol. 150, v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 223-225
D'après a.

Loys, etc. Savoir, etc., nous, etc., de Estienne Assally, dit Tredat, archier de nostre retenue, contenant que, ou moys de fevrier derrenier passé, ledit supliant s’en alla en [p. 224] ung chenevreau1 près nostre ville de Poictiers, avec ung nommé Meriache et autres compaignons estans audit chenevreau, lesquelz jouoient aux quilles, et illec se print à jouer avec eulx. Et ainsi qu’ilz jouoient, y arriva Guillot Varlet, qui pareillement se print à jouer, et ainsi qu’ilz eurent getez leurs copz, ils furent parelz en jeu, tellement qu’il y eut rapeau2 et lors midrent tous chacun ung denier en jeu, pour ledit rapeau, fors ledit Varlet, qui n’en avoit point, comme il disoit ; auquel fut dit par ceulx qui jouoient comme lui qu’il mist son denier comme les autres, ou sinon qu’il quitast ledit jeu, et mesmement lui dist ledit supliant, mes il ne volut, disant qu’il n’en avoit point. Et à ceste cause prindrent ledit supliant et Varlet de grosses parolles, et tellement que ledit Varlet se efforça, d’une quille qu’il tenoit en sa main, en frapper icellui supliant par plusieurs foys. Et lors ledit supliant lui dist qui si feroit et pour soy deffendre, print la boule dont ilz jouoient et la geta audit Guillot Varlet, et ne le toucha point. Ce neantmoins ledit [Varlet] en perceverant de mal en piz, se efforsoit joindre audit supliant, dont lui dist ledit supliant, en soy reculant, et tira une dague, telles parolles ou semblables : « Se tu ne te reculles, je te frapperay. » Et ce fait, ledit Valet joingnit audit supliant et l’empognia aux cheveulx. Et à ceste cause, ledit supliant dist par plusieurs foys qu’il le laissast ou sinon qu’il le despescheroit ; lequel ne le voult lascher. Et ce voyant, ledit supliant, fort esmeu, doubtant qu’il ne lui fist quelque grant desplaisir, le frappa deux copz d’estoc de sa dague et de taille jusques à grant effusion de sang. [p. 225] Et lors ledit Valet le laissa. A l’occasion desqueulx copz ledit Valet, ung jour ou deux [après] est allé de vie à trespassement. Pour laquelle cause, ledit supliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté, etc., requerant, etc. Pour quoy nous, etc., audit supliant avons le fait et cas dessus declaré remis, quicté et pardonné, etc., avec toute peine, etc., et l’avons restitué, etc., satisfacion faicte à partie, etc. Si donnons en mandement, par cesdites presentes, au seneschal de Poictou et à tous, etc., que de nos presens grace, ledit supliant, etc., facent, laissent et souffrent joir, etc. Donné à Arras, ou moys de juillet l’an de grace mil iiiic lxxviii, et de nostre règne le xviiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. P. Burdelot. — Visa. Contentor. J. Duban.


1 Chenevral, chenevreau, cheneverau, lieu où l’on cultive ordinairement le chanvre. Dans les textes poitevins, ce nom s’écrit aussi chenebau (chen’bau) ou chen’evault. (Cf. F. Godefroy, Dict. de l’anc. langue fr., t. II, v° Chenevral.)

2 Ou « rapel », signifiant renvoi au jeu, recommencement du jeu, la partie étant nulle. (Id., t. VI, p. 597.)