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MDLIX

Rémission accordée à Jean Galdereau, de Saint-Varent en la châtellenie de Thouars, détenu prisonnier à Thouars pour le meurtre d’un nommé Guillaume Mosnier qui, après lui avoir causé du dommage en son verger, l’avait encore injurié et menacé.

  • B AN JJ. 195, n° 1518, fol. 363
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 32-34
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amys charnelz de Jehan Galdereau, pouvre homme de labour de bras, chargé de femme et de petiz enffans, demourans en la parroisse de Saint-Varent1 en la chastellenie de Thouars, contenant que, le huitiesme jour du mois d’avril derrenier passé, ledit Jehan Galdereau alla en ung vergier ou lieu appellé Cheneveau2 à lui appartenant, situé et assis près ledit lieu de Saint-Varent, ouquel vergier il laboura et bescha cedit jour, par certaine espace de temps, en intencion de y semer du lin, et jusques environ l’eure d’entre douze et une heure après midi, que ung nommé Guillaume Mosnier, aussi laboureur, entra au vergier dudit Galdereau, pour aller en ung autre vergier, tenant une jument en sa [p. 33] main et en l’autre main quatre ou cinq rameaux pour ramer du lin, et en passant gasta le vergier dudit Galdereau, dont ledit Galdereau fut courroucé et marry, et lui dist qu’il povoit bien passer par ailleurs, sans lui faire dommaige et qu’il avoit mal fait de ainsi habiller son lin. Et sur ce meurent plusieurs parolles ; mais non content ledit Mosnier, tenant en sa main une serpe, dist audit Galdereau : « Se tu approuches de moy, je te fendray la teste de ceste serpe jusques aux dens ! Larron, tu as gaingné à estre pendu passé a dix ans ! » Auquel-ledit Galdereau dist : « Tu as menty. Je ne gaingne oncques a estre pendu. » Et adonc ledit Mosnier, tenant ladicte serpe, dist audit Galdereau : « Si tu approuches de moy, je te fendray la teste de ceste serpe jusques aux dens. » Lequel Galdereau, voyant le mauvais et félon courage dudit Mosnier, aussi les injures qu’il lui disoit et qu’il le menassoit de lui fendre la teste, comme dit est, doubtant sa personne, esmeu et courroucé, frappa ledit Mosnier sur l’espaulle ung coup d’un pic dont il labouroit en sondit vergier, et le poussa arrière de luy et en le poussant et recullant, icellui Mosnier entra d’une jambe en une rese3 de terre basse et cheut à terre sur ung costé sur sadicte serpe, laquelle en cheant luy entra en l’ayne et de l’autre costé en la cuisse. Et ce fait, s’en alla ledit Galdereau labourer sondit vergier comme devant, cuydant n’avoir aucunement blecié ledit Mosnier ; mais cedit jour, à l’occacion desdictes bleceures, ledit Mosnier alla de vie à trespas. A l’occasion duquel cas, ledit Galdereau a esté prins et constitué prisonnier ès prisons dudit lieu de Thouars, èsquelles prisons il est en voye de miserablement finer ses jours, se nostre grace ne lui estoit et est sur ce impartie, si comme lesdiz supplians dient, humblement requerans que, attendu que ledit [p. 34] cas lui est avenu par challeur et sans aucune precogitacion ne haine qu’il eust avec ledit Mosnier, mais à l’occasion desdictes injures, que ledit Mosnier estoit homme despiteux et injurieux plus que autre du païs, que icellui Galdereau, qui est chargé de femme et de petits enffans s’est tousjours bien et honnestement gouverné sans avoir commis aucun villain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace. Pour quoy, etc., voulans misericorde, etc., nous audit Jehan Galdereau suppliant ou cas dessus dit avons quicté, etc., et par la teneur des presentes quictons, etc., le fait et cas dessus dit avec toute peine, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous, etc., que de noz presens grace, etc. Donné à Paris, ou mois de juillet, l’an de grace mil cccc. soixante quinze, et de nostre règne le quinzeiesme.

Ainsi signé : Par le conseil. De Wignacourt. — Visa. Contentor. J. Picart.


1 Le texte porte par erreur en cet endroit : « Saint-Vincent ».

2 Corr. Charruau ; le Dict. topogr. des Deux-Sèvres dit Moulin Charruault, commune de Saint-Varent.

3 Espace de terre laissé in culte. Cf. du Cange sous Riesa. [L.C.].