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MDXCIX

Rémission en faveur de Jean Barthélemy, curé de Brèdes, au diocèse de Maillezais, qui avait déjà obtenu absolution du Pape, pour le meurtre commis, en sa présence et à son occasion, par un homme à son service, sur la personne du frère Jean Bertran, qui, avec d’autres religieux Augustins du prieuré du Coudray, avait voulu enlever de force les gerbes faisant partie d’une dîme appartenant audit curé de Brèdes.

  • B AN JJ. 203, n° 11, fol. 6
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 172-176
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre bien amé Jehan Berthelemy, prebstre, curé de l’église parrochial de Bresde ou diocèse de Maillezays, contenant que, à l’occasion de certaine question que les religieux et prieur de Saint-Jacques du Couldray, de Saint-Augustin ou diocèse de Maillezays1, et ledit suppliant, curé susdit, avoient eu pour percepcion des dixmes de gerbes de blé en certaines pièces de terres estans en et au dedans de ladicte parroisse, et lesquelles appartiennent audit curé, sans ce que lesdiz religieux en eussent eu jamais possession ne saisine, eulx religieux du Couldray, en temps de mestives de l’année mil cccc. soixante dix sept derrenière ou environ, de leur voulenté indeue et desordonnée, se transportèrent en une pièce de terre estant en ladicte parroisse du Couldray, qui estoit en et au dedans de ladicte disme d’icellui suppliant curé susdit, pour en lever le blé lors creu en une pièce de terre ; lequel [p. 173] suppliant estant lors en ladicte pièce de terre, pour faire lever sondit droit de disme et garder sadicte possession, respondy gracieusement ausdiz religieux que ladicte disme lui appartenoit et qu’il en estoit en possession, mais que ce non obstant qu’il estoit content que lui et lesdiz religieux levassent et perceussent ledit droit de disme d’icelle pièce et qu’il fust mis en garde et depposé en une tierce personne digne de foy, jusques à ce qu’il fust décidé par justice ou autrement à qui il appartiendroit. Maiz nonobstant les dictes responce gracieuse et offre raisonnable, lesdiz religieux, entre lesquelz estoit feu frère Jehan Bertran, prebstre religieux dudit ordre de Saint-Augustin, en blasphement le nom de Dieu et des Sains, disdrent qu’ilz emporteroient lesdictes gerbes de disme, voulsist ou non ledit suppliant curé susdit. Et après ce que lesdiz religieux furent derechef venuz à prandre et lever ledit droit de disme de ladicte pièce de terre, en laquelle estoit lors ledit suppliant curé susdit, qui y avoit trois hommes amenez, desquelz l’un prenoit et percevoit ledit droit de disme d’icellui curé et les austres deulx estoient venuz pour l’accompaigner sans aucunes armeures invasibles ne vouloir invader ne oultrager ledit feu Bertran ne autres, maiz seulement pour acompaigner ledit curé, ledit feu frère Bertran en grant fureur esmeu se adressa à l’un des hommes estans en la compaignie dudit curé, lui demandant par grant arrogance pourquoy il estoit illec venu. Et lesdictes parolles dictes, sans ce que ledit homme respondist aucune chose audit feu Bertran, icellui Bertran, avec ung groz baston qu’il tenoit en sa main, en bailla et donna deux grans coups sur la teste tant qu’il peut et tellement que desdiz coups il l’abaty à terre. Et par après icellui compaignon, congnoissant que le plus de la douleur dudit coup lui estoit passée, se releva et recouvra ledit baston, duquel il en bailla semblablement deux coups audit religieux, l’un par la teste et l’autre par le braz, tellement [p. 174] que icellui deffunct en cheut à terre, combien que lesdiz coups ne feussent pas mortels, et lesquelz icellui compaignon ne donna pas du consentement, commandement ne adveu dudit curé suppliant, ne par sa participacion, maiz de sa voulenté, car il estoit illec venu pour la conservacion de sondit droit de disme seulement. Et depuis à l’occasion desquelz coups de baston, certain jour après ensuivant, ledit Bertran, qui estoit de dissolue vie, par faulte de bon gouvernement ou autrement, ala de vie à trespas. Et combien que de la mort dudit feu frère Bertran ledit suppliant curé dessusdit ne fust et ne soit autrement en riens consentant, cause ne coulpable, ains en ait esté bien dolent, néantmoins, pour occasion de sa présence ou autrement que ledit cas est advenu pour le debat desdictes dismes, dont il faisoit deffences pour son droit, comme faire le devoit et lui estoit permis, doubtant que on lui voulsist obvier qu’il feust encouru en aucune irregularité et ès sentences ou censures et peines eclesiastiques, par le moyen dudit cas ou coulpe de mort, il en a obtenu de nostre saint père le Pape provision, par laquelle il a esté et est absoubz dudit cas et tout ce en quoy il pourroit estre encouru pour occasion d’icellui. Et avec ce en a eu pénitence secrète à luy enjoincte soubz le secret de confession, à lui imposée, ainsi qu’il appert par ces lettres appostoliques et procès executoire sur icelles, fait oultre ladicte pénitence secrète, laquelle ne se doit reveler. Mais ce non obstant, il est venu à la congnoissance dudit suppliant curé susdit que ses temporel et biens meubles ont esté prins et saisiz en nostre main à la requeste de nostre procureur et du procureur general de l’Université d’Angiers, pour ce que ledit deffunct se disoit escollier de ladicte Université, et pareillement à la requeste de frère Hélye du Boys2, soy disant prieur du prieuré dudit lieu du Couldray, [p. 175] par vertu des lettres obtenues du Conservateur de ladicte Université, et semblablement de Jacques Turpin, escuier, seigneur de Vihiers3, ou son procureur audit lieu, en la chastellenie duquel ledit cas est advenu, et tellement que ledit suppliant demeure entièrement empesché en sesdiz biens meubles et temporel de sadicte cure. Pour laquelle cause icellui suppliant curé susdit, doubtant estre encouru envers nous et justice en aucune amende ou offence, nous a humblement fait supplier et requerir que, en tant que mestier est ou seroit, il nous plaisoit lui quicter et pardonner l’offence, peine et admende en quoy il peut ou pourroit estre encouru envers nous et justice à l’occasion dudit cas, et sur ce lui impartir noz grace et misericorde, humblement requerant que, attendu que ledit cas est advenu en sa presence seulement, sans ce qu’il en ait esté autrement consentant et qu’il en ait obtenu de nostredit saint père des lettres d’absolucion, et de tout ce en quoy il pourroit estre encouru pour occasion dudit cas, il nous plaise sur ce lui impartir icelles. Pourquoy nous, etc., avons, en tant que mestier est ou seroit, quicté, remis, etc. et l’avons restitué, etc., satisfacion faicte à partie, etc. ; en mettant au néant tous procès, etc. Et quant à ce imposons, etc. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, [p. 176] à nostre bailli de Touraine, etc., sans pour ce le molester, etc. Et afin que ce soit chose ferme, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou moins de novembre, l’an de grace mil cccc. soixante dix sept, et de nostre règne le xviime.

Ainsi signé : Par le conseil. A. Rolant. — Visa. Contentor. J. Duban.


1 Dans le « Compte de Jacques Mesnager, conseiller au Parlement de Paris, commis à la recette d’une taxe d’un décime levée en l’évêché de Maillezais pour l’année 1516 » (Arch. nat., J. 1037, n° 8), document qui donne une liste complète des abbayes, prieurés, cures, chapelles, etc. du diocèse, par doyennés, on ne trouve qu’un seul « prieuré du Couldray », sans indication du saint patron, situé dans le doyenné de « Viers » (Vihiers), dont faisaient partie les Echaubrognes ; mais le curé de Brèdes ne figure pas dans ce doyenné.

2 Hélie du Boys (de la famille Du Bois de Saint-Mandé), second fils de Paonnet Du Boys, écuyer, seigneur du Port, et de Marguerite de Toutessans, dame des Portes, était chevalier, commandeur de Beauvais, de Baigneux, de Saint-Jean du Port de la Rochelle et de Thévalle, en 1465, dit le Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. I, p. 584. Est-ce le même qui était aussi prieur de Saint-Jacques du Coudray, de l’ordre de Saint-Augustin ?

3 La seigneurie de Vihiers fut apportée par Marie de Rochefort, fille de Thibault, chevalier, baron de Rochefort et de Vihiers, à Guy V Turpin de Crissé, qu’elle épousa en 1367, et dont la descendance la possédait encore à la fin du xviie siècle. (C. Port, Dict. hist. et géogr. de Maine-et-Loire, t. III, 718.) Jacques Turpin, chevalier, chambellan de Louis XI, était le fils aîné d’Antoine, chambellan des rois Charles VI et Charles VII et de Jeanne de La Grésille. François Ier le créa chevalier de son ordre en 1516. Il épousa Louise de Blanchefort, fille de Jean, chevalier, seigneur de Saint-Janvrin, et d’Andrée de Noroy, dont il eut deux fils et trois filles.