[p. 192]

MDCIV

Lettres de franchise et exemption de toutes tailles et impositions accordées aux habitants de la châtellenie de la Roche-sur-Yon.

  • B AN JJ. 203, n° 29, fol. 16 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 192-195
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre très cher et très amé oncle et cousin le roy de Jherusalem et de Cecile, duc d’Anjou et seigneur de la Roche sur Oyon, contenant que, combien que, à l’occasion de ce que la terre, chastellenye et seigneurie de la Roche sur Oyon, qui est en marche des pays d’Anjou, Bretaigne et Poictou et de toute la chose publique1 en nostre royaulme, laquelle seigneurie autrement feust demourée deserte et inhabitée de toute et ancienneté (sic) et mesmement depuis le temps que ladicte terre, seigneurie et chastellenie de la Roche sur Oyon fut par noz predecesseurs baillée aux predecesseurs de nostre dit oncle pour supploiement et partie de leur appanage2, les habitans en ladicte terre, seigneurie et chastellenie [p. 193] aient esté tousjours tenuz francs, quictes et exemps des impostz qui ont esté mis de par noz predecesseurs et nous, tant pour l’entretenement des gens de guerre que autrement. Neantmoins puis aucun temps ença les esluz sur le fait de noz aides et tailles en l’élection et conté de Poictou se sont efforcez [les mettre et imposer] et de fait les ont mis et imposez à nosdictes tailles et impostz, et les ont contrains à en paier certaine grant somme de deniers, en venant directement contre l’exemption, immunité et franchise dont les diz habitans ont joy, comme dit est, et en leur grant interestz, grief, prejudice et dommage et aussi de nostredit oncle, ainsi qu’il nous a plus à plain fait dire et remonstrer très humblement, nous requerant sur ce nostre provision. Pourquoy nous, les choses dessus dictes considerées, inclinant liberalement a la supplicacion de nostredit oncle et cousin, en faveur de la proximité du lignage dont il nous attient, aussi pour l’entretenement de ladicte seigneurie et icelle faire peupler, habiter et augmenter, à icellui nostredit oncle et cousin avons octroyé et octroyons, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, voulons et nous plaist que les manans et habitans de sa dicte terre, seigneurie et chastellenie de la Roche sur Oyon, par don, privillege et [p. 194] especial octroy, par nous à eulx et leurs successeurs fait, soient et demeurent francs, quictes et exemps de toutes tailles et impostz qui seront mis sur de par nous et noz successeurs, soit pour le fait et entretenement de noz gens de guerre ou autrement, pour quelque cause ou occasion que ce soit ou puisse estre, et de ce les avons affranchiz et exemptez, affranchissons et exemptons par cesdictes presentes, moyennant et parmy ce que iceulx habitans seront tenuz paier et bailler pour une foys en ceste presente année, en acquit de nous, à nostre amé et feal conseiller et chambellan Guy de Laval, chevalier, seigneur de Loué3, la somme de quinze cens livres tournois, laquelle [somme]4, pour certaines grans causes et consideracions autres à ce nous mouvans, nous lui avons ordonnée et ordonnons par ces presentes. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx gens de noz comptes et generaulx conseillers sur le fait et gouvernement de toutes noz finances, aux esluz sur le fait desdictes aides oudit pays de Poictou, et à tous noz autres justiciers ou officiers, ou à leurs lieuxtenans ou commis, presens et advenir, et à chacun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que de noz presens grace, affranchissement et choses dessus dictes ilz facent, seuffrent et laissent lesdiz manans et habitans de ladicte seigneurie et chastellenie de la Roche sur Oyon joïr et user plainement et paisiblement, sans leur faire ne souffrir estre fait aucun destourbier ou empeschement au contraire ; ainçois se fait leur estoit, le mettent ou facent mettre sans delay à plaine delivrance et [p. 195] au premier estat et deu. Car ainsi nous plaist il estre fait non obstant que par les mandemens et commissions qui sont et seront octroyées pour imposer et mettre sus nosdictes tailles, soit mandé imposer à icelles toutes manières de gens, exemps et non exemps, privillegiez et non privillegiez, affranchiz et non affranchiz, en quoy ne voulons les diz manans et habitans de ladicte seigneurie et chastellenie de la Roche sur Oyon estre compris ne entenduz en aucune manière, et quelzconques autres lettres, mandemens ou ordonnances à ce contraires, ne que pour ce il soit besoing ausdiz habitans en obtenir ne impetrer aucunes autres lettres que ces presentes. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné au Plessis du Parc lez Tours, ou moys de decembre, l’an de grace mil cccc. soixante dix sept et de nostre règne le dix septieme.

Ainsi signé sur le reply : Par le roy, le sire du Lude, gouverneur du Dauphiné et autres presens, Picot5.


1 Sic. Il doit y avoir avant ces mots « et de toute la chose publique » une assez forte lacune. Nous avons vainement cherché, dans le but de la combler, un autre enregistrement de cet acte au Parlement et à la Chambre des comptes.

2 La seigneurie de la Roche-sur-Yon faisait partie du duché d’Anjou, tel qu’il fut donné en apanage, l’an 1356, par le roi Jean le Bon à son second fils Louis, car ce dernier, par son traité de mariage (Saumur, août 1360) avec Marie de Blois, fille de Charles, duc de Bretagne, a baillé à sa femme, « pour asseoir son douaire, les chastel, baronnie et chastellenie de Chasteau du Loir, les chastel, ville et chastellenie de la Roche sur Yon, avec leurs droits, profis et émolumens, etc. » (Arch. nat., PP. 33, fol. 113 v°.) Après la reprise de la Roche-sur-Yon sur les Anglais, à laquelle Olivier de Clisson avait puissamment contribué, Louis II, duc d’Anjou, en échange d’une somme de 12.000 livres qu’il reconnaissait lui devoir, lui engagea la ville et la châtellenie jusqu’au payement de cette somme. Clisson en resta seigneur jusqu’à sa mort (1407). Sa fille aînée, Marguerite, comtesse de Penthièvre, vicomtesse de Limoges et dame de Clisson, fut confirmée comme dame engagiste par la duchesse d’Anjou, douairière. Puis le duc Louis II lui ayant versé les 12.000 livres, elle lui en donna quittance, le 8 août 1414, et la Roche-sur-Yon fit retour au domaine d’Anjou (id., P. 1340, n° 504), où elle demeura jusqu’à la mort de Charles II, comte du Maine (1481), qui avait fait son testament en faveur de Louis XI. Elle fut donc à cette date réunie à la couronne avec les autres possessions du neveu et héritier du roi René ; mais dès le mois de décembre de la même année, par lettres données à Thouars, le roi en fit don à Louis de Joyeuse, à l’occasion de son mariage avec Jeanne de Bourbon-Vendôme. (Copie du xvie siècle, id., P. 2098.)

3 Guy II de Laval, seigneur de Loué, de Benais, etc., fils aîné de Thibault, sr de Loué, et de Jeanne de Maillé, chambellan de Charles VII en 1436, s’attacha ensuite à René, roi de Sicile, duc d’Anjou et de Lorraine, comte de Provence, dont il fut chambellan et grand veneur (1445), maître des eaux et forêts, puis sénéchal d’Anjou, par lettres du 16 février 1472, et qui le fit aussi chevalier de son ordre du Croissant en 1448, mourut le 16 décembre 1484 et fut enterré dans l’église de Benais. (Voy. le P. Anselme, Hist. généal., t. III, p. 636.)

4 Le texte porte « cause » au lieu de somme.

5 Les présentes lettres patentes ont été publiées d’après la même source (JJ. 203, n° 29) dans le grand recueil des Ordonnances des rois de France, t. XVIII, p. 322. Les éditeurs n’ont pas paru remarquer la lacune que nous signalons au commencement de l’acte.