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MDCXCIII

Rémission octroyée à Louis de Pindray, écuyer, et à Jean Grosset, son serviteur, coupables du meurtre de Guillaume Bozier, laboureur, qu’ils avaient voulu, avec d’autres, leurs complices, empêcher par la force de moissonner un champ que ledit Pindray prétendait appartenir à lui et à ses frères et sœurs. Ledit Bozier, de son côté, avait réuni sept ou huit hommes pour résister à cette prétention, et les deux troupes en étaient venues aux mains.

  • B AN JJ. 209, n° 25, fol. 13
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 456-460
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France, savoir faisons à tous, presens et advenir, Nous avoir receue l’umble supplicacion de Loys de Pindray, escuier, et Jehan Grosset son serviteur, contenant que ledit Loys de Pindray est filz [p. 457] puisné dudit lieu de Pindray1 et a son frere aisné, Anthoine de Pindray, seigneur dudit lieu de Pindray, qui tient et possede tant ledit lieu de Pindray et les appartenances que autres terres et seigneuries à eulx advennus par droit de succession de leurs feuz pere et mere et qui encores n’en a baillé ne fait partaige audit Loys ne autres ses freres et seurs, et sont lesdictes choses encores indivisées. Et entre autres choses de ladicte succession est ung fief appellé le fief des Bouchaulx et de la Forge, qui est fondé en doumaines de terre labourables et autres, assis en la paroisse de Pouzeaulx près Chauvigny et tenu dudit lieu de Chauvigny à foy et hommage, duquel fief du Bouchaulx et de la Forge est et meut une piece de terre labourable assise près lesd. lieux, qui contient troys ou quatre boissellées de semence ou environ : de laquelle ledit seigneur de Pindray et sesd. freres et seurs et leurs predecesseurs ont joy paisiblement et de toute ancienneté jusques à ceste presente année, que ung nommé Guillaume Bozier, laboureur de ladicte parroisse de Pouzeaulx et ses enffans, de leur volunté indeue, se sont intruiz et boutez en icelle et l’ont ensemencée en avoine. Laquelle chose venue à la notice et cognoissance dudit seigneur de Pindray et dudit Loys, son frere suppliant, ilz sont alez devers ledit [p. 458] Bouzier et lui ont remonstré qu’il leur avoit fait tort d’avoir labouré leurd. terre, en le priant qu’il le voulust reparer et qu’il cessast de plus y exploicter, autrement ils y pourvoiroient par raison et justice, et encores qu’ilz estoient contans que ladicte avoyne ainsi ensemencée en ladicte terre fust mise en main tierce, s’il y prétendoit droit, jusques à ce que austrement en fust ordonné : lequel Bouzier ne le voulut faire et leur dist qu’il leveroit ladite avoine, voulsissent ou non. Et a tant lors se departirent lesd. seigneur de Pindray et sondit frere, et depuys n’y eut riens pourveu. Et pour ce que le lundi jour et feste saincte Radegonde, ainsi qu’ilz estoient assemblez audit lieu de Pindray, ledit seigneur de Pindray, ledit Loys son frere, suppliant, Gilles et Anthoine de Marans et Denys de Besdon qui sont parens et affins desd. de Pindray, ainsi que iceulx de Marans2 et de Besdon3, se departirent dudit lieu de Pindray pour eulx en aller à leurs maisons, leur fut dit que ledit Bouzier et sesd. enfans mestivoient ès terres appartenans audit seigneur de Pindray et à sesd. freres et seurs, ilz entreprindrent que ledit Loys de Pindray suppliant meneroit iceulx de Marans et de Besdon jusques audit lieu de Pouzioux et verroient ce que ledit Bouzier [p. 459] et leurs enffans exploicteroient en leursdictes terres. Et à la vérité, leur fut dit que ledit Bouzier et autres de ses frerescheurs avoient prins deux gerbes de froment en certaine porcion de l’une de leursdites terres. Et à ceste cause ledit Loys de Pindray amena avecques luy Guillaume de Latus, Jehan Bouchier, Mathurin Guinguant, Michau Chenu, André de Latus et André Thiou, laboureux, qu’il print audit lieu de Pindray, et lors fist prendre des faucilles pour soier ladite avoyne et des fourches pour la charger et emporter, ainsi qu’ilz l’auroient cuillie jusques à sa mestaierie dudit lieu des Bouchaux. Et incontinant qu’ilz furent arrivez en ladite terre ainsi semée en avoyne et qu’ilz commancerent à soier, arriverent sur ladite terre, Mathurin Bouzier, filz dudit Guillaume Bouzier, et sept ou huit hommes de labeur en sa compaignie, ses complices et adherans, qui s’efforcerent, mesmement ledit Mathurin, de empescher que lesd. laboureurs dudit de Pindray suppliant ne mestivassent ladite avoyne, et se print à une gerbe qui ja estoit liée, et dit que bon gré mal gré il emporteroit icelle gerbe et garderoit que ledit de Pindray ne sesd. gens y exploictassent plus ne enlevassent ladite avoyne. Et pour ce que ledit de Pindray suppliant vit l’assemblée de tant de gens de la part dudit Bouzier, il dit audit Grosset, son serviteur, aussi suppliant, que, se ledit Bouzier ou autres de sesd. complices s’efforçoient de frapper, qu’il frappast et qu’il fist en maniere qu’ilz fussent les plus fors ; et s’adreça audit Mathurin en lui disant qu’il laissast ladite gerbe. Lequel Mathurin avec une fourche de fer qu’il avoit, à grant arrogance se presenta droit audit Loys : lequel Loys, ce voyant et doubtant qu’il le frappast de ladite fourche, ainsi que autres foiz l’avoit voulu oultrager, tira son espée et, pour obvier qu’il ne le frappast, luy bailla de sadite espée sur la teste ung coup du taillant et ung autre sur la cuisse, mais il ne le blessa pas fort ; et incontinant arriva [p. 460] ledit Jehan Grosset son serviteur, qui doubtoit aussi que ledit Mathurin oultrageast ledit Loys son maistre, et avecques une fourche de fer qu’il avoit luy donna deux ou troys coups sur la teste, tellement qu’il le tumba à terre. Et à la verité du cas, des coups que ledit Loys de Pindray suppliant lui donna ne le mutillerent comme rien et ne s’en fust en riens doulu, mais les coups que bailla ledit Grosset furent bien durs et tellement que tantost après ledit Mathurin sur le champ alla de vie à trespas. A l’occasion duquel cas lesd. supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays et n’y ouseroient jamays converser ne repairer se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties : en Nous humblement requerans que, actendu que en tous leurs autres faiz ilz sont gens de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans jamays avoir esté actains ne convaincuz d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, Nous plaist leur impartir nosdites grace et misericorde. Pour quoy Nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, etc., ausd. supplians avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou ou à son lieutenant et à tous noz autres, etc. Donné à Tours, ou moys d’aoust, l’an de grace mil cccc.iiiixx et ung, et de nostre regne le vingt et ungiesme.

Ainsi signé : Par le roy, l’evesque d’Albi et autres presens. Amys. — Visa. Contentor. F. Texier.


1 La terre et seigneurie de Pindray était mouvante du roi à cause du château de Montmorillon. Après avoir appartenu à la famille de ce nom, sur laquelle nous n’avons pour ainsi dire point de renseignements, elle passa à celle de Marans qui lui était alliée, comme on le voit dans cet acte même. Le 21 juin 1404, Jean de Pindray qualifié valet, fit aveu à Jean de France duc de Berry, comte de Poitou, du château et de la terre de Pindray et de ses dépendances (Arch. nat., R1* 2171, p. 629) ; il le renouvela en 1418, au dauphin Charles (id., P. 1144, fol. 14 v°). Malheureusement, entre cette date et l’année 1537, les hommages et aveux de Poitou ne contiennent plus rien sur ce fief et ses seigneurs. Au 6 juillet 1537, on trouve un dénombrement de la maison noble de Pindray, de l’hôtel de Ferrières et appartenances, mouvant du châtel de Montmorillon, rendu par Jean de Marans (P. 5563, cote 883). Le 21 juillet 1548, le même Jean ou son fils en fit un nouvel aveu au roi (P 5622, cote 1721). Enfin on peut citer, au siècle suivant, un hommage de la seigneurie de Pindray, sise en Poitou mouvant de Montmorillon, rendu le 13 décembre 1633 par Florent Ferré, sr de Boiscommun (P 5671 cote 3.127).

2 Plusieurs membres de la famille de Marans, vivant à la fin du xve siècle, ont été l’objet d’une notice dans notre tome X. (Arch. hist. du Poitou, t. XXXV, p. 479-480.) Gilles et Antoine nommés ici n’y figurent pas.

3 Denis, dit aussi Louis, de Besdon était le troisième fils de Jean de Besdon, écuyer, seigneur d’Oyré et de Traversay, et de Marguerite d’Aloigny. Il est qualifié écuyer seigneur des Mousseaux et avait épousé, vers 1480, Marcelle de Pindray, dont il eut trois fils et une fille (Dict. des familles du Poitou, t. I, p. 503-504). Son père était mort avant le 12 octobre 1456. Dans un aveu de Traversay qu’elle rendit au roi à cette date. Marguerite d’Aloigny est dite sa veuve (Arch. nat., P. 1145, fol. 90), et c’est Mathurin de Besdon, autre fils sans doute de ladite dame et de Jean de Besdon, non nommé dans la généalogie imprimée, qui en était seigneur et en fit aveu, le 18 juillet 1485 (id., fol. 146 v°). D’après MM. Beauchet-Filleau (loc. cit.), le fils aîné de Jean de Besdon, Antoine, écuyer, sr d’Oyré, épousa Françoise d’Aloigny, et le second Jean, écuyer, seigneur d’Oyré après son frère, fut marié en 1493 à Guyonne de Marans, fille de Guy sr de Vaugodin et d’Antoinette de Pindray, et n’eut qu’une fille Anne, mariée à François du Tay, écuyer, sr de Lésigny.