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MDCLI

Rémission accordée à Olivier et Jean de Maussons, frères, coupables du meurtre de Salmon Bourgine, qui avait apporté à Braye, leur paroisse, une sentence d’excommunication obtenue contre ledit Olivier par Pierre Mesmeau avec lequel il était en débat.

  • B AN JJ. 205, n° 269, fol. 151
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 326-331
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplication de Olivier et Jehan de Maussons1, frères, contenant que, environ la feste monsieur saint Jehan Baptiste derrenièrement passé, ledit Olivier suppliant en s’en retournant de la ville de Poictiers où il estoit alé gaigner le pardon en son hostel, qui est chacun an le jour de la Translacion monsieur Saint Hillaire audit Poictiers, [p. 327] passa, lui estant fort malade de fievres quartes, qui auparavant l’avoient tenu par bien longtemps, par devant l’ostel2 … Et en passant par ledit lieu, eut ung chien qui lui vint faire feste et le suivy l’espace d’une lieue ou environ ; et quant il s’apperceut qu’il le suivoit, dist à une femme estant près ledit lieu de Puigerreau, qu’elle retenist ledit chien, ad ce qu’il ne le suivist plus, et qu’il ne entendoit point l’enmener afin que celui à qui il estoit ne le perdist, et autant en dist à autres qu’il trouva en son chemin. Et peu de temps après, ledit Olivier suppliant fut eslongné dudit lieu de Puygerreau d’une lieue ou environ, ung nommé Pierre Mesmeau et un autre, dont icelui Olivier suppliant ne scet le nom, le aconsceurent et lesquelz estoient venuz à course de cheval après luy, et lesquelz luy commancerent à dire qui leur avoit emblé ledit chien, en l’appellant villain larron et lui disant plusieurs autres parolles injurieuses. Ausquelz il respondit qu’il n’estoit point villain, et sur ce se meut debat entre eulx et tellement que ledit Mesmeau et sondit compaignon poursuivoient iceluy Olivier suppliant tellement qu’ilz le contraignoient descendre de cheval à terre et soy enfouyr et mettre en une maison ou village de Sarrigny. Et lequel Olivier suppliant, soy voyant oultragé et ainsi poursuivy que dit est par le dit Mesmeau et sondit compaignon, et pour obvier à leur fureur, resister au danger de sa personne, print oudit hostel une broche de fer de laquelle il frappa en son corps deffendant ledit Mesmeau en l’un de ses bras. A l’occasion de laquelle blesseure ledit Mesmeau depuis procura tant, combien qu’il eust tort, qu’il obtint [p. 328] une amonicion ou nom du promoteur de l’official de nostre amé et feal conseiller l’evesque de Poictiers contre ceulx qui l’avoient blecié, qui estoit causée qu’il estoit clerc et qu’on l’avoit blecié et oultragé en terre sainte. Et laquelle amonicion il fist publier en l’église parrochial de Braye et autres parroisses voisines ; ce que venu à la notice et congnoissance dudit Olivier suppliant, il se transporta par devers ledit official de Poictiers et de lui obtint lettres d’absolucion cum retencione et jusques à ce qu’il eust partie formelle contre lui. Et depuis ledit Olivier de Maussons n’en ouyt parler ; aussi n’en fist ledit Mesmeau aucune poursuite contre lui, sachant qu’il avoit tort et que ledit Olivier l’avoit blecié en corps deffendant, et jusques à ce que le derrenier jour de mars derrenier passé, ledit Mesmeau envoya ung nommé Salmon Bourgyne, homme de bras, parroissien de Saint Jehan de Souzay, aporter au curé de ladicte église parrochial de Braye dont lesdiz Olivier et Jehan de Maussons, supplians, sont parroissiens … pour icelle publier le lendemain en ladicte église. Et laquelle excomminge ou double d’icelle fut baillée audit curé, combien que ledit Olivier suppliant eust esté absolz, comme dit est. Lequel curé, ledit derrenier jour de mars bien matin, le fist assavoir audit Olivier, suppliant, et qu’il alast parler à luy. Lequel Olivier et ledit Jehan de Maussons, frères, supplians, eulx estans encores au lit où ilz avoient jeu icelle nuyt, se levèrent, alèrent audit lieu de Braye, distant de la demeure de leur père et d’eulx de demy quart de lieue ou environ, pour savoir qui estoit celui qui avoit apportée ladicte amonicion ou le double d’icelles, afin d’empescher qu’elle ne fust publiée ; et aussi avant (sic) qu’ilz alassent demander audit curé où estoit celui qui avoit apporté ledit excomminge (sic), lequel leur respondit qu’il s’en estoit alé et povoit bien estre à deux lieues de là. Et pour ce que lesdiz Olivier et Jehan de Maussons pensèrent que ledit [p. 329] Salmon mesnager portast ledit excomminge audit (sic) lieu de Faye où il y avoit grant assemblée de peuple celui jour, ils alèrent après ledit Salmon et le aconsceurent en chemin à ung quart de lieue dudit Braye ou environ. Et incontinant que ledit Jehan de Mausson fut arrivé le premier, pour ce qu’il chevauchoit devant, il se descendit de cheval et dist audit Salmon : « Demeure. » Auquel ledit Salmon respondit : « Pourquoy demoureray-je ? » En hayne de laquelle responce ledit Jehan de Mausson suppliant bailla audit Salmon ung cop du plat de son espée sur l’espaule, sans lui faire aucun mal, mais seulement pour le faire demourer, afin de recouvrer de lui ladicte excomminge afin qu’elle ne fust plus publiée, pour ce qu’il estoit près de la feste de Pasques et eviter le scandalle. Et après lequel cop de plat d’espée ainsi baillée audit Salmon, icelui Salmon s’efforça ferir ledit Jehan suppliant à tour de bras d’un gros baston qu’il avoit, mais ledit Jehan de Mausson l’empescha ou son espée au mieulx qu’il peut, et en resistant icelui Jehan, soy voyant oultragé, bailla ung cop de taille de sadicte espée sur les espaulles dudit Salmon, duquel ledit Jehan de Mausson luy coupa son baston sans le blecier autrement que sur l’espaulle. Et auquel cop ferir vint ledit Olivier de Mausson, frère aissé (sic) dudit Jehan, pour lui secourir et aider à son povoir, et dist qu’il lui convenoit bailler une taille sur le geret de la jambe, afin qu’il ne s’en fouyst pour publier ledit excomminge. Ce que oy par ledit Salmon, incontinant s’en fouyt. Et quant lesdiz Jehan et Olivier de Maussons supplians virent fouyr ledit Salmon, icelui Olivier suppliant estant tout à cheval suyvit ledit Salmon et lui donna ung cop ou deux sur les espaules du plat d’un costeau appelé penart, qu’il a accoustumé porter à sa saincture, sans lui faire aucune incision ne blesseure. Et pour ce que ledit Salmon leur disoit, en s’en alant et fuyant tant qu’il povoit pour gaigner le bois, qu’ilz ne le tenoient pas encores, [p. 330] cuidans certainement iceulx supplians qu’il le fist pour faire denoncer et publier ladicte excomminge audit lieu de Faye, ou autrefoiz il l’avoit portée pour ce faire, comme l’en dit, ledit Jehan de Mausson, poursuyvit ledit Salmon tellement qu’il le fist passer ung fossé, et en ce faisant lui bailla ung cop du plommeau de sadicte espée par l’estomac ; ce que voyant ledit Salmon se retourna et s’efforça de prendre ledit Jehan de Mausson au corps pour le cuider tomber audit fossé soubz luy, pour le oultrager et occire, mais ledit Jehan de Mausson, qui fut le plus legier, y resista, et pour eviter le peril de sa personne et à ce que ledit Salmon ne l’oultrageast et qu’il n’alast publier ladite excomminge audit lieu de Faye, luy bailla un cop du taillant de son espée au costé de l’une des jambes, au dessus de la cheville du pié, comme deux doiz ou environ. Et ce fait, lesdiz Jehan et Olivier de Maussons supplians se departirent d’illec et s’en retournerent en la maison de leur père, où ilz sont demourans. Et depuis ledit Salmon se achemina et ala près de demy traict d’arc, où illec il demoura par aucune espace de temps, et depuis fut emporté en un maison près d’illec, moillé de l’eaue dudit fossé où il estoit passé, sans avoir esté habillé ne estanché du sang, ne gouverné par cirurgiens ne barbiers, quoy que soit, à heure ne à temps, par le moien desdiz coupz ou par default dudit bon pensement, gouvernement ne autrement, peu de temps après il ala de vie à trespas. A l’occasion duquel cas, lesdiz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez de ce païs et n’y oseroient jamais retourner, demourer ne soy tenir ailleurs seurement en nostre royaume, se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, en nous humblement requerant icelle. Pour quoy, etc., au bailli de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, ou a son lieutenant et à tous, etc. Donné au Plesseys du Parc lez Tours, ou mois d’avril l’an de grace mil [p. 331] cccc. quatre vingts, et de notre règne le dix neufiesme.

Ainsi signé : Par le roy, le conte de Marle, les sires du Bouchage, de Segré3 et autres presens. Le Mareschal. — Visa. Contentor. Rolant.


1 M.E. de Fouchier, à propos du fief de la tour de Mausson, en la paroisse de Braye-sous-Faye, et des devoirs dus par les seigneurs du lieu aux barons de Mirebeau, donne une liste des membres de la famille de Mausson qui ont possédé cette seigneurie de 1198 à 1534. Olivier n’y figure pas, mais on y trouve un Jean qualifié seigneur de la Tour de Mausson, en 1454, 1459 et 1508. (La baronnie de Mirebeau du XIe au XVIIe siècle, in-8°, p. 256-258.)

2 Sic ; mots omis au registre. On voit par la suite du texte qu’il s’agit du lieu de Puygarreau : peut-être convient-il de compléter ainsi « l’ostel de [Pierre Gillier à Puygarreau] », la seigneurie appartenant alors à ce personnage, ou simplement « l’ostel [de Puygarreau] ». Pierre Gillier était seigneur de Puygarreau, comme héritier de sa tante Françoise Gillier, veuve de Jean Barbin, à laquelle celui-ci l’avait légué. Il en avait rendu hommage, le 20 octobre 1478, à Jean, bâtard d’Harcourt, seigneur de Gironde.

3 Pierre de Rohan, sire de Gyé, comte de Marle : Ymbert de Batarnay, sr du Bouchage, et Jacques d’Espinay, sr de Segré. (Cf. ci-dessus, p. 65, 78 et 111 et notes.)