[p. 523]

MDCCXV

Rémission obtenue par Jean Sabourin, dit Guilloteau, Poitevin, réfugié depuis trois ans à Pomard, près Beaune en Bourgogne, condamné par contumace au bannissement et à la confiscation de ses biens par les officiers de justice de Niort, pour un meurtre par lui commis dans cette ville, en 1477, sur la personne de Pierre Aillery, auquel il était allé chercher querelle, parce qu’il avait battu son cousin, Guillaume Perier. Lesdites lettres visent aussi deux autres homicides dont il s’était rendu coupable, l’un sur un Écossais de Villeneuve-la-Comtesse, et pour lesquels il avait déjà eu des lettres de rémission.

  • B AN JJ. 209, n° 14, fol. 7
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 523-527
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, Nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Saborin, dit Guilloteau, de nostre païs de Poictou, aagé de trente ans ou environ et chargé de femme et enfans, hostellier à present demourant à Pommart près Beaulne en Bourgongne, contenant que le cinquiesme jour d’octobre l’an mil cccclxxvii, ledit suppliant estant en nostre ville de Nyort ondit païs de Poictou, où il estoit lors demourant, se transporta, environ neuf à dix heures devers le soir, en l’ostel d’un nommé Guytart Fillacier demourant audit Nyort et avoit et portoit une rapière espée en sa main, et lui arrivé ondit hostel, icellui Guytart dist audit suppliant que ung nommé Micheau Rabier, lequel auparavant avoit batu ou aidé à batre et oultrager en ladicte ville de Nyort ung nommé Guillaume Perier, cousin dudit suppliant, estoit ledit jour arrivé audit lieu de Nyort. Sur quoy icellui suppliant, désirant savoir la vérité de ladicte bateures et parce que feu Pierre Ailleri dit Cheron, que l’on disoit avoir fait ladicte batterie, avoit autresfoiz dit audit suppliant que il n’avoit point batu sondit cousin, dist icellui suppliant audit Guytart telles parolles ou semblables en substance : « Allons par l’ostel de mon frere et [p. 524] de là le menons avec nous et yrons en la maison du bourreau où devoit estre ledit Rabier, et illec saurons qui a fait ladicte bature. » Et tantost après s’en allèrent d’illec lesdiz supplians (sic) et Guytart, et tirèrent en la maison de Guyot Ayrodeau, frère dessusdit et Jehanne Sabourine, sa femme, seur dudit suppliant, hostelliers et demourans en la maison où pend l’enseigne de la Teste Noire audit lieu de Nyort, et à present demourans en l’ostellerie où pend l’enseigne de l’Escu de France. Et lors ledit suppliant pria et requist ledit Ayrodeau de aller en la compaignie de lui et dudit Guytart en la maison dudit executeur de la haulte justice, esperant qu’ilz y trouveroient et auroient ledit Rabier, afin de savoir la cause et vérité dudit debat et bature. A quoy ledit Ayroudeau, mary de la seur d’icellui suppliant, dist qu’il estoit content d’aller avec eulx, et print ung braquemart à sa sainture, qu’il avoit souvent acoustumé porter, et ung baston de bois en sa main. Et incontinant iceulx suppliant, Guytart et Ayroudeau et ung jeune compaignon, nommé Micheau, lors logié en ladicte hostellerie de la Teste Noire, duquel Micheau ledit suppliant autrement ne scet le nom, se transportèrent jusques devant le chastel de ladicte ville de Nyort où illec ilz parlèrent ensemble en disant les ungs ès autres qu’ilz ne fissent aucun oultrage à personne. Et d’illec allèrent vers l’ostel dudit executeur et eulx arrivez devant ledit hostel, premier que appeller ne faire bruit, parlèrent ensemble et entre autres choses dist ledit Ayroudeau que, comment qu’il feust et quelque chose qu’ilz feissent, qu’il n’y eust point de noise et que autrement il n’yroit point avec eulx en icellui hostel. Devant lesquelles parolles, la femme dudit executeur ouvrit la porte dudit hostel, et incontinent entrèrent lesdiz suppliant, Guytart, Ayroudeau et Micheau en ladicte maison, et ledit suppliant premier et ledit Ayroudeau second ; et illec trouvèrent ledit Rabier. Et quant ilz furent entrez, dist ledit suppliant [p. 525] à icellui Rabier telles parolles ou semblables : « Pourquoy as-tu batu mon cousin Perier ? » et en ce disant donna audit Rabier du poing sur la teste, dont il ne lui peut pas faire grant mal. Et ce voyant, ledit feu Pierre Aillery, lors estant en ladicte assemblée et maison, demanda audit suppliant pour quoy il frappoit ledit Rabier. A quoy icellui suppliant lui respondit telles parolles : « C’est doncques toy qui l’as batu ! » et ledit feu Aillery lui dist autres telles parolles ou semblables : « Et puis, se je l’avoyes ores batu, je suis bien pour l’amender. » Et adonc ledit feu Aillery aiant la main sur ung braquemart qu’il portoit, se tira devers la porte dudit hostel où estoit ledit suppliant, quequessoit derrière la femme d’un nommé maistre Denis. Et doubtant icellui suppliant que icellui Aillery le voulsist invader et cousir (sic) sus dudit braquemart, et aussi tout esmeu et courroucé des parolles qu’il lui avoit dictes et puis que ores il auroit batu son cousin, tira ledit suppliant sadicte espée et l’en frappa ung cop d’estoc en la cuisse. A cause duquel coup icellui Aillery alla tantost après de vie à trespas. Et depuis en ont lesdiz Guytart et Ayroudeau obtenu noz lettres de pardon et remission. Pour occasion duquel cas et aussi pour les meurdres et homicides par lui commis ès personnes d’un Escossoys, en son vivant demourant à Villeneufve entre Sainct Jehan d’Angely et Nyort et d’un nommé Clement, cordouannier en la ville de Bordeaulx, dont toutesvoyes ledit suppliant a obtenu de Nous lettres de pardon et remission, desquelles il a piéça requis l’enterinement par devant le seneschal du Poictou ou son lieutenant audit lieu de Nyort, s’est ledit suppliant absenté dudit païs de Poictou et s’en est allé demourer ondit païs de Bourgogne, et y a jà demouré par l’espace de trois ans ou environ, et encores fait, tant audit lieu de Pommart près Beaulne où il tient hostellerie que ailleurs. Et depuis sondit partement a continuellement suyvy les guerres et servy au fait de [p. 526] l’advitaillement de noz armées au mieulx que possible lui a esté. Duquel cas il a obtenu lettres de pardon et remission de nostre lieuxtenant ondit païs ; mais, pour ce qu’il doubte que, non obstant icelles, on le voulsist molester en corps ne en biens, sans avoir regard ausdictes lettres, et aussi que puis naguères il a esté adverty que à ces causes noz officiers ondit païs de Poictou ont contre lui procedé et fait proceder à bannissement dudit païs de Poictou et declairé ses biens confisquez, et autrement icellui suppliant n’oseroit jamais seurement converser, repairer ne demourer audit païs de Poictou ne ailleurs en nostre royaume, se le cas et homicide par lui commis en la personne dudit feu Aillery, et aussi en tant que rechief mestier seroit, ceulx des personnes desdiz feux Clement cordouannier et l’Escoçois, quictez, remis et pardonnez, et sur ce noz grace et misericorde lui en estre imparties, en Nous humblement requerant que, attendu ce que dit est et aussi les services que ledit suppliant a faiz en noz armées de Bourgongne sur le fait dudit advitaillement et austrement, et que depuis qu’il est èsdit païs de Bourgongne, il s’est tousjours bien et honnestement gouverné et conduit et a entencion doresenavant le faire et continuer, il Nous plaise lui quicter, remettre et pardonner lesdiz cas et sur ce lui impartir nosdictes grace et remede. Pour quoy Nous, etc., voulons, etc., audit suppliant, en l’onneur et reverence, etc., avons quicté, remis et pardonné les faiz et cas dessus diz, avecques toute peine, etc. ; en mettant au neant, etc. Et l’avons restitué, etc., satisfacion, etc. Et imposons, etc. Si donnons en mandement, etc., aux seneschaux de Poictou, bailliz de Dijon, d’Ostun et de Chalon, et à tous, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Paray le Monnial, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. quatre vings et ung, et de nostre regne le vingt et ungiesme.

Ainsi signé : Par le roy, le sire du Bouchaige, le doyen de Noyon, maistre Jehan de Vallée, grant (sic) procureur [p. 527] general1, et autres presens. Parent. — Visa. Contentor. Texier.


1 Sur Imbert de Batarnay, seigneur du Bouchage, voy. ci-dessus, p. 65, note 4. — Le doyen de Noyon était en 1482 Jacques de la Viefville, d’une famille noble d’Artois qui occupa cette charge de 1476 à sa mort, survenue en 1508. (Gall. Christ., t. IX, col. 1.035.) — Maître Jean de Vallée fut nommé le 23 mai 1481 « procureur et solliciteur du roi notre sire en toutes ses causes et procès meus et à mouoir tant à la court de céans que ès parlemens de Tholose et de Bordeault, ès requeste du Palaiz que ailleurs en toutes autres justices et juridiction du royaume ». La Cour n’enregistra pas ces pouvoirs exorbitants sans restrictions ; Jean de Vallée fut néanmoins reçu le 15 janvier 1482 n.s. (Aubert, Hist. du Parlement de Paris, t. I (1894), p. 145.) [L.C.]