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MDCCXXVII

Lettres patentes portant union au domaine de la couronne des ville et vicomté de Châtellerault, et établissement dans ladite ville d’un siège royal qui prendra le nom de Gouvernement de Châtellerault et ressortira directement au Parlement de Paris.

  • B AN JJ. 209, n° 229, fol. 125
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 558-562
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, comme puis nagueres et ung an ou environ, feu Charles d’Anjou1 en son vivant roy de Cecille, conte du Maine et de Provence et viconte de Chastellerault, nostre frère et cousin, par son testament ou ordonnance de derrenière volonté, [p. 559] nous eust fait, constitué et ordonné son heritier universal, et entre autres choses par sondit testament nous eust delaissé ledit viconté de Chastelleraud, pour icellui estre joinct et uny à la couronne de France, sans ce que il en peust jamais estre osté ne separé ; depuis lequel trespas, nous eussions differé et delayé de accepter ledit laiz d’icellui viconté, soubz umbre de certains troubles et empeschemens qui autresfoiz avoient esté mis à feu le conte du Maine, en son vivant nostre oncle et pere dudit roy de Cecille derrenier trespassé, touchant ledit viconté, jusques à present que avons esté deuement informez que iceulx empeschemens avoient esté ostez du vivant dudit feu vicomte (sic) du Maine, nostre oncle, par le moien des bons et vraiz tiltres que il avoit en icellui viconté de Chastellerault, qui ont esté trouvez après son decès, ainsi que par les gens de nostre Grant Conseil, par lesquelz avons fait veoir et visiter iceulx droiz et tiltres, nous en avons [esté] deuement acertainez. Pour ce est il que nous, ayant regard et consideracion à la voulenté de feu nostredit frère et cousin le roy de Cecille, viconte dudit viconté de Chastellerault, qui a voulu icellui viconté estre uny à la couronne de France, voulans à ceste cause icellui viconté de Chastellerault essaucer, eslever, decorer et ameliorer, et mesmement nostredite ville de Chastellerault, ou il y a très beau logis, amenable et delectable bien et honneste demoure, assise en très bonne et belle situacion de païs, environnée et circuye de beaulx et plaisans chasteaulx, places et maisons de plaisance alentour et de tous les coustez d’icelle ville, laquelle est aussi assise en grant trespas des païs de Picardie (sic), Guyenne, Bretaigne, Normendie et Lyonnois2, et près de noz villes et chateaulx de Tours, [p. 560] Poictiers, Chinon, Loches et Emboise, en quelz lieux qui sont près du milieu des extremitez de nostre royaume de toutes pars, esperons que nous et nostre très cher et très amé filz Charles, daulphin de Viennois, y ferons partie du temps noz habituacions et demourances, et à ce que icelle nostre ville et viconté de Chastellerault se puissent mieulx et en brief reffaire et augmenter ; pour ces causes et consideracions et autres à ce nous mouvans, de nostre propre mouvement, plaine puissance et auctorité royal, avons iceulx noz ville et viconté dudit Chastellerault uniz, joings et mis, unissons, joingnons et mettons, par ces presentes, a nostre demaine et à nostredicte couronne de France, sans que jamais, pour quelconque cause ou occasion que ce soit, ilz en puissent estre ostez, separez, desjoincts ne mis hors en aucune manière. Et de nostre plus ample grace, propre mouvement et auctorité royal, avons voulu, ordonné et declairé, voulons, ordonnons et declairons que en nostre dicte ville de Chastelleraud y ait doresenavant sieige royal qui se appellera le Gouvernement de Chastellerault, qui y sera tenu et exercé par nostre amé et feal conseiller et chambellan Galehault d’Aloigne3, chevalier, seigneur de la Groye, et maistre de nostre hostel, lequel, depuis que ledit viconté est venu en noz mains, nous avons fait gouverneur et cappitaine de nosdiz ville et viconté, et par ses successeurs (sic) et gouverneurs dudit lieu, ou leurs lieuxtenans. Et lequel gouverneur, present et avenir, ou son lieutenant, avec la principalle auctorité et congnoissance de nostre justice et pollice audit lieu, comme ont noz autres gouverneurs, seneschaulx et bailliz des seneschaucées et bailliaiges royaulx de nostre royaume. Et lequel siège de gouverneur de sadicte juridicion audit lieu de Chastellerault ressortira directement et sans moien [p. 561] par appel et (sans)4 en ressort en nostre court de Parlement, en laquelle nous voulons qu’il soit intitulé siège royal, comme les autres sieiges des autres gouverneurs, seneschaulx ou baillifs royaulx de nostredit royaume, et que le juge ordinaire dudit lieu de Chastellerault, qui y a acoustumé estre, ait la congnoissance seulement de l’ordinaire d’iceulx noz ville et viconté, et duquel le ressort et les appeaulx ressortiront directement par devant ledit gouverneur ou sondit lieutenant, sans ce que les appeaulx tant dudit juge qui souloient ressortir par devant le seneschal (sic) dudit chastel qui y a esté par cy devant, ne ceulx dudit gouverneur à present ou lieu dudit seneschal, ressortissent plus doresenavant, ne pas devant nostre seneschal de Poictou ; ains ressortiront ceulx dudit juge ordinaire par devant ledit gouverneur de Chastellerault ou sondit lieutenant, et ceulx dudit gouverneur directement et sans moien en nostre dicte court de Parlement, comme dit est, et tout ainsi que font ceux des autres gouverneurs (sic) seneschaucées ou bailliaiges royaulx de nostredit royaume. Et avecques ce, que iceulx habitans de nostre dicte ville de Chastellerault soient et demeurent noz subgectz sans moien, et qu’ilz joyssent de telz et semblables previlleiges et exempcions que font noz autres subgectz sans moien de nostredit royaume ; et lesquelz dès a present nous voulons estre mis, prins et tenuz en nostre protection et sauvegarde especial, toutes foiz qu’ilz le requerront, par noz lettres de sauvegarde qu’ilz pourront avoir et obtenir de nostre Chancellerie, tout ainsi que sont et ont acoustumé estre noz autres subgectz sans moien de nostredit royaume, en les ostant, eximant et separant à tousjours mais du ressort de nostredicte seneschaucée de Poictou et du sieige royal de Poictiers, et lesquelz nous avons ostez, extraictz, [p. 562] eximez et separez, ostons, extraions et separons doresenavant, de nostre dicte puissance et auctorité royal, par ces presentes. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers, les gens de nostre court de Parlement et de noz comptes à Paris, à nostre dit seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, et à leurs lieuxtenans ou commis, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartiendra et qui requis en sera, que ceste nostre presente unyon, ordonnance, declaracion et voulenté ilz facent publier et enregistrer en nosdictes court du Parlement et Chambre de nosdiz Comptes, et ailleurs ou mestier en sera, et du contenu en icelles facent et seuffrent joir et user nosdiz gouverneur, juge et autres officiers audit lieu de Chastellerault, et aussi nosdiz subgects de nosdiz ville et viconté, sans pour ce leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ou pour le temps avenir, aucun destourbier ou empeschement ; au contraire lequel, se fait, mis ou donné leur avoit esté ou estoit, ostent et mettent ou facent oster et mettre, sans delay, au premier estat et deu, non obstant opposicions ou appellacions quelzconques, et que par cy devant ladicte ville et viconté aient ressorti d’ancienneté audit Poictiers, et quelzconques ordonnances, mandemens, restrinctions ou deffenses à ce contraires. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné au Plesseys du Parc lez Tours, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. quatre vings et deux, et de nostre règne le vingt et deuxiesme.

Ainsi signé : Par le roy, A. Robert. — Visa5


1 Sur Charles II d’Anjou, v. ci-dessus (n° MDLXII). [L.C.]

2 On attendrait plutôt ici la Touraine et l’Anjou que la Picardie et le Lyonnais. Il faut sans doute entendre, comme le mot trespas le laisse supposer, que Châtellerault se trouve sur la route que suivaient habituellement beaucoup de gens, se rendant d’une des provinces en question à une autre. [L.C.]

3 Sur Galehaut d’Aloigny, voy. Arch. hist. du Poitou, t. XXXVIII, p. 289, une notice très complète. [L.C.]

4 Le mot sans est supprimé, comme l’exige le sens, dans le texte publié par les Ordonnances et par Lalanne. [L.C.]

5 Ces lettres patentes ont été enregistrées au Parlement de Paris, le 6 février 1483. (Arch. nat., X1A, 8.608, fol. 151.) Elles ont été publiées dans le Recueil des Ordonnances des Rois de France, t. XIX, p. 79, et dans l’Histoire de Châtellerault, de M. Lalanne, t. I, p. 309. [L.C.]