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MDC

Rémission donnée en faveur des frères Jean de Preuilly et Colas du Breuil-Hélion, religieux de l’abbaye de La Réau, Jean et Mathias Petit et Guillaume Avril, coupables du meurtre de Mathurin Desbordes. Ce dernier voyant les gens de l’abbaye occupés à cueillir des noix en une pièce de terre, et prétendant qu’elle lui appartenait, alla chercher douze hommes armés de fourches, épées et couteaux avec lesquels il attaqua Jean de Preuilly et ses compagnons. Dans le combat, il reçut une blessure dont il mourut quinze jours plus tard.

  • B AN JJ. 203, n° 17, fol. 9 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 176-179
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de frères Jehan de Pruilly et Colas du Brueil-Hélion1, religieux de l’abbaye de la Reau, Jehan Petit, Matias Petit, Guillaume Avril, povres gens de labour, et Jehan Martin, clerc, contenant que le ixe jour de septembre derrenier passé, lesdiz supplians alèrent avec le procureur et gouverneur de ladicte abbaïe et autres gens de labour que ledit procureur mena ès terres du lieu de la Rechauvetau, [p. 177] appartenant à ladicte abbaïe pour cueillir et amasser les noiz de certaine quantité de noyers. Et quant ilz furent au lieu où estoient lesdiz noyers, ilz y trouvèrent ung nommé Mathurin des Bordes et autres qui estoient avec lui ; lesquelz ils saluèrent, et leur demanda ledit procureur gracieusement qui les avoit illec amenez en l’eritage de ladicte abbaïe. Lequel Mathurin leur respondit que c’estoit ou sien, et s’en alla ledit des Bordes sans mot dire. Et se prindrent lesdiz supplians et les autres gens que ledit procureur avoit illec amenez, à abatre, cueillir et amasser les noiz et les mettre en sacs. Et seurvint illec ung nommé Guillaume Sorault qui leur dist que ledit Mathurin aloit querir des gens pour les oultrager et qu’ilz se donnassent garde. Et ce voiant ledit procureur de ladicte abbaïe, il receut ledit Sorault pour aider à cueillir les noiz et aussi à leur donner secours, si on leur vouloit faire oultrage ; et ledit de Pruilly, l’un desdiz supplians, dist telles parolles : « Ces gens sont de mauvaiz afaire ; aions des bastons ! car ung baston porte paix. S’ils nous voient desgarniz, ilz nous oultraigeront. » Et alors ledit Macias, l’un desdiz supplians, voiant qu’il n’avoit point de baston, doubtant estre oultragé, par ce que les gens de ladicte abbaïe n’avoient que fourchez de fer et serpes longues pour nectoier et faulcher soubz les noyers pour mieulx amasser les noiz, avec ung espiot et javeline seulement, ala au molin de Sales, près d’ilec, et apporta une arbaleste. Et ce pendant vint ledit Mathurin des Bordes qui avoit une grant fourche de fer, acompaigné de Simon, Jehan et Jacquet Dommeteaux et de grand Jehan Dommeteau, Jehan Gregoire et de plusieurs autres jusques au nombre de douze ou environ, armez et embastonnez de fourchez de fer, d’espées, de grans cousteaulx et de congnées. Et impétueusement se mist ledit Mathurin à vuider les sacs où estoient lesdictes noiz, et combien que le procureur de ladicte abbaïe, pour éviter qu’il n’y eust noise ne debat, [p. 178] requist gracieusement audit Mathurin et à ceulx qui estoient avec lui qu’ilz n’eussent point de débat, en leur disant en oultre que s’ilz y pretendoient aucune chose, qu’ilz estoient contens d’en croire gens de bien et leur nomma des gens de pratique, s’ilz les en vouloient croire, dont ilz ne tindrent compte, jasoit ce qu’il leur dist encores qu’ilz estoient contens que lesdictes noiz demourassent en main tierce. Mais ce pendant qu’il disoit lesdictes parrolles, la femme dudit des Bordes osta le trait de dessus l’arbaleste que ledit Macias tenoit bandée et de rechief ledit Marcias (sic) remist ung autre trait par dessus ladicte arbaleste, mais l’un des gens dudit Mathurin et desdiz Dommeteaux se print à frapper d’un groz baston qu’il avoit sur ladicte arbaleste, tellement qu’elle se desbanda et s’en alla le trait à la volée, sans toucher à personne ; et s’il ne se fust couvert de sadicte arbaleste, il en estoit en dangier de sa personne. Et non content de ce, icellui Mathurin print aux cheveulx ledit Guillaume Avril, l’un desdiz supplians, et après vint frapper ledit Jehan Petit, aussi suppliant, d’une fourche de fer, et s’efforcèrent lesdiz Mathurin et ses complices de vouloir plus oultraiger lesdiz supplians et ceulx qui estoient avecques eulx. Et adonc, voians iceulx supplians l’oultrage que on leur faisoit, pour y résister et en eulx deffendant, lesdiz Jehan Petit, de Pruilly et du Brueil-Hélion, supplians, frappèrent sur ledit Mathurin, qui ainsi faisoit lesdiz excès et oultrages, de leurs bastons qu’ilz avoient, et entre autres frappa ledit de Pruilly d’une serpe à long manche du costé du saz2 où avoit ung crochet, sur la teste, tant que ledit Mathurin tumba à terre fort blecié, jusques à grant effusion de sang. Et depuis en fut emporté et mené audit lieu de la Rechauvetan où il fut par l’espace de quinze jours ou environ, et disoit on qu’il estoit guery et faisoit [p. 179] bonne chère. Mais aucuns le firent remuer de la maison où il estoit et le mener en une charrète a beufz jusques en un autre village près d’illec, et pour les secousses qu’il eut en ladicte charrète en alant par les montaignes et valées d’entre les deulx lieux, le sang lui esmeut tellement que, par deffault de bon gouvernement ou autrement, deux ou trois jours après il ala de vie à trespas. A l’occasion duquel cas, lesdiz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du païs et n’y oseroient jamais bonnement converser, se noz grace et provision ne leur estoient sur ce imparties, en nous humblement requérant lesdiz supplians, attendu que le cas n’est advenu de guet apensé ne propoz deliberé, mais en leur corps deffendant que en tous leurs autres affaires ilz se sont bien et honnestement gouvernez, sans jamais avoir esté actains ne convaincuz d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise leur impartir, nosdictes grace et miséricorde. Pour quoy, etc., ausdiz supplians avons quicté, remis et pardonné, etc., satisfacion faicte, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Limosin et bailly de Berry et à tous nos autres justiciers, etc., que de nostre presente grace ilz facent, seuffrent et laissent lesdiz supplians joir et user, etc. Donné à Tours, ou mois de novembre, l’an de grace mil cccc. soixante dix sept, et de nostre règne le dix septiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. Texier.


1 Dans les plaidoiries qui ont été citées ci-dessus (p. 167 note) entre Toussaint Serin, sacristain de l’abbaye de la Réau, d’une part, et Colas et Simon Grégoire, victimes du conflit relaté dans la présente rémission, ce moine est dit fils du seigneur de Combes. Ythier du Breuil-Hélion, écuyer, était alors un possesseur de ce fief, mouvant de la châtellenie de l’Isle-Jourdain, dont il rendit aveu en 1456 et le 3 octobre 1479. La nouv. édit. du Dict. des familles du Poitou, qui donne la généalogie de cette famille, dit qu’Ythier, sr de Combes, épousa, vers 1440, Ayde de Chastenet, et fut père de quatre fils, dont les deux derniers, Robert et Antoine, embrassèrent l’état ecclésiastique (t. Ier, p. 758). D’après cette désignation du registre du Parlement (X2a 42, à la date du 29 mai 1478), on semble fondé à ajouter à la liste de ses enfants le nom de Colas du Breuil-Hélion, religieux de l’abbaye de la Réau.

2 Du côté de la lamé cf. du Cange sous Saxa. [L.C.].