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MDLVII

Rémission en faveur de Barthélemy Moele, fauconnier du roi, natif du pays de Liége, demeurant à Benassay, coupable du meurtre d’un nommé Guillemin, cordonnier, avec lequel il s’était querellé, puis battu, parce qu’il accusait la femme de celui-ci de lui avoir volé un écu.

  • B AN JJ. 195, n° 1509, fol. 359
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 25-27
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Berthelemy Moele, nostre faulconnier, natif du païs de Liége, aagé de trente-six ans ou environ, chargé de femme et enffans, contenant que le lundi xixe jour de ce present mois de juing, ledit suppliant qui demeure en la parroisse de Benessay à cinq lieues de Poictiers, eut volenté d’aller et de fait alla veoir une sienne fille dont sa femme estoit encores en gesine, laquelle il avoit fait mettre à nourrice audit lieu de Benessay. Et lui arrivé en l’ostel de ladicte nourrice, il trouva une nommée Matheline Guillonne, femme d’un nommé Guillemin, cordouanier, natif de la Rochelle, et après ce qu’il eut veue sadicte fille, il vit passer sa chambrière et en allant vers elle, il lui cheut ung escu d’or qu’il tenoit en sa main, lequel escu ladicte Matheline Guillonne leva. Et après ce qu’il eut parlé à sadicte chambrière pour savoir si sa femme vouloit riens, il s’en retourna, et lui retourné en ladicte maison, n’y trouva pas ladicte Matheline, et à ceste cause il s’en alla en la maison d’un nommé Forget, hostellier, où il trouva ladicte Matheline, à laquelle il demanda son escu ; laquelle lui respondit qu’elle ne l’avoit pas. Et lors ledit suppliant la print par la robbe vers l’espaulle en disant : « Paillarde, vous me rendrez mon escu, et ne partirez point hors de mes mains jusques à ce que le m’aurez rendu. » Et ladicte nourrice ce oyant vint par devers ledit suppliant en lui disant : « Laissez-la, car je sçay bien [p. 26] où est l’escu. » Et lors ledit suppliant laissa aller icelle Matheline, laquelle en soy en allant dist à haulte voix que ledit suppliant n’estoit que ung paillart et que il lui avoit baillé ledit escu en entencion d’avoir sa compaignie charnelle, en disant oultre que le matin il lui avoit à ceste fin voulu bailler une verge d’or. A laquelle ledit suppliant respondit qu’elle estoit mauvaise garse de ce dire et qu’elle avoit menty. Laquelle pour sur ce couvrir son honneur envers son mary, lui donna à entendre que ledit suppliant l’avoit requise de deshonneur, et tellement que ledit Guillemin, son mary, conceut grant haynne à l’encontre dudit suppliant, et en voulant sadicte haine mettre à effect et excecucion, le mardi xxe jour de ce present mois de juing, ainsi que ledit suppliant, lequel estoit en la maison d’un sien cousturier qui est demourant près dudit Guillemain, afin de lui faire reffaire ung pourpoint, il fut adverty par ledit cousturier que ledit Guillemin l’avoit menassé de batre. Et lors ledit suppliant print deux pierres en sa main, en disant à ladicte Matheline, femme dudit Guillemain, laquelle estoit devant son huys sur la rue : « J’ay entendu que ton mary me menasse de batre et tuer. Se je le savoie, je l’en garderoye bien et feroye bien tant que la nuyt il ne coucheroit point leans. » Et lors ledit Guillemin vint à l’entrée de son huys avec une javeline, en disant audit suppliant : « Vien ça. Vien. » Et lors ledit suppliant entra en sa court et lui gecta deux pierres, sans le assener ne frapper. Et lors ledit Guillemin entra en son hostel et ledit suppliant retourna sur la rue, disant audit Guillemin telles parolles : « Je te garderoy bien que tu ne couscheras pas aujourd’uy en ta maison, puisque tu me veulx batre et tuer. » Auquel suppliant ladicte Matheline respondit et dist telles parolles ou semblables : « Tu feras tes fièvres quartaines, coquin paillart que tu es. » Et à ceste cause ledit suppliant, soy voyant ainsi oultragé, print ung baston qu’il trouva en la rue et lui en donna deux ou [p. 27] trois coups sur la teste, tellement qu’il y eut sang. Et incontinent ledit Guillemin1 saillit hors sur la rue avec une arbaleste tendue, en disant audit suppliant : « Ribault, tu es mort. » Ce voyant ledit suppliant, doubtant que ledit Guillemin ne tirast contre lui, print une pierre en sa main et la gecta audit Guillemin, lequel dessarra lors ladicte arbaleste, pour en cuider tuer ledit suppliant. Et ce fait, ledit Guillemin gecta sadicte arbaleste, et lui, ladicte Matheline, sa femme et la mère de sadicte femme vindrent courir sus audit suppliant et l’abatirent à terre sur ung genoul, lequel suppliant fist tant qu’il se releva, et voyant que ledit Guillemin vouloit recouvrer sondit baston, doubtant qu’il ne le frappast, tira ung bracquemart qu’il avoit et s’approucha de chaulde colle dudit Guillemin et lui donna dudit bracquemart trois coups, l’un ou cousté, l’autre en l’aigne et l’autre vers les espaulles. A cause desquelx coups, après ce qu’il eut receu le sacrement de confession, par faulte de gouvernement ou autrement, tantost après ala de vie à trespas. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs, etc., humblement requerant que, attendu qu’il nous a longuement servy et que en tous ses autres faitz il s’est tousjours bien gouverné, etc., nous lui vueillons sur ce impartir nosdictes grace et misericorde. Pourquoy, etc., audit suppliant ou cas dessusdit avons quicté, etc., le fait et cas dessusdit, avec toute peine, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de juillet, l’an de grace mil cccc soixante quinze, et de nostre règne le quatorzeiesme.

Ainsi signé : Par le conseil. J. Pouffé. — Visa. Contentor. J. Picart.


1 Le texte porte par erreur au lieu de Guillemin « ledit suppliant ».