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MDCXXX

Confirmation des privilèges et exemptions accordés par les rois Charles VI et Charles VII au prieuré de Saint-Philibert et aux habitants de l’île de Noirmoutier.

  • B AN JJ. 224, n° 70, fol. 11 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 261-266
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France, savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de noz chiers et bien amez frère Guillaume [p. 262] Ysoré1, prieur du monastaire de Saint Phillebert en l’église de Nermoustier, assise en nostre bas pays de Poictou sur les extrémitez de la mer, ou diocèse de Luçon, et des [p. 263] manans et habitans dudit ysle de Nermoustier, contenant que jà pieçà et dès le dixiesme jour de may l’an mil cccc. trente et ung furent obtenuz certains privilleges de feu nostre tres chier seigneur et père, que Dieu absoille, esquelz sont incorporez autres previlleges de feu nostre ayeul son père, faisans mencion des exempcions octroyées à iceulx supplians par nosdiz ayeul et père, desquelles et de la verifcacion et espedicion d’icelles la teneur s’ensuit :

Charles, par la grace de Dieu roy de France, etc. Donné à Poictiers, le dixiesme jour de may l’an de grace mil quatre [p. 264] cens trente et ung et de nostre regne le neufiesme. — Par le roy, Christophe de Harecourt, les seigneurs de Gaucourt et de Mortemar et maistre Jehan Rabateau, presens. Signé Cotereau2.

Desquelz previleges dont cy dessus est faicte mencion, iceulx supplians ont depuis joy plainement et paisiblement bien et deument et jusques naguères que les esleuz en Poictou et les collecteurs des tailles ès parroisses d’environ ladicte ysle ou aucuns d’eulx ont imposé ou se sont efforcez imposer iceulx supplians habitans ou dit ysle ou les aucuns d’eulx à nosdictes tailles et impost, combien que ès autres ysles voisines de ladicte yle de Noirmoustier, estans oudit pays de Poictou et en pareille frontière comme elle est n’ont esté aucunement contrains ausdictes tailles et subvencions. Pour laquelle cause et aussi que iceulx previlleiges n’ont encores par nous esté confirmez, iceulx supplians se sont traiz par devers nous, en nous humblement requerant que nostre plaisir soit leur confirmer lesdiz previlleiges et le contenu en iceulx, et sur ce leur impartir noz grace et provisions. Pour quoy nous, ces choses considérées et mesmement le bel et notable service acoustumé estre fait jour et nuyt oudit monastaire et aussi pour l’entretenement et garde de la dicte ysle et chastel, iceulx previlleiges et le contenu en iceulx avons louez, ratiffiez, confermez et approuvez, louons, ratiffions, confermons et approuvons de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, parces presentes, et voulons que iceulx supplians en joyssent à tousjours de point en point, selon leur forme et teneur et tout ainsi que justement et raisonnablement [p. 265] ilz en ont joy et usé par cy devant, plainement et paisiblement. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, à noz amez et feaulx les generaulx conseilliers, par nous ordonnez sur le fait et gouvernement de toutes noz finances, et aux esleuz et autres commis et depputez sur le fait de noz tailles et aides oudit pays de Poictou et à chacun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que lesdiz supplians et chacun d’eulx facent, souffrent et laissent joyr et user plainement et paisiblement de noz presens grace, confirmacion et octroy, sans pour ce les molester ou travailler, ne souffrir estre molestez, travaillez ne empeschez en aucune manière, mais tout ce que auroit esté ou seroit fait au contraire, le ramenent et mettent ou facent ramener et mettre sans delay au premier estat et deu. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné au Plessiz du Parc, ou moys de mars l’an de grace mil cccc. soixante dix huit, et de nostre règne le dix septiesme3, avant Pasques4.

Ainsi signé : Par le roy, le gouverneur du Daulphiné, [p. 266] maistre Raoul Pichon5, Jaques Louet6 et autres presens. J. Duban. — Visa. Contentor. Rolant.


1 Guillaume Ysoré, l’un des fils puînés de Jean, chevalier, seigneur de Pleumartin, se qualifiait dans un acte du 2 janvier 1469 n.s., prieur de Deuil, dépendant de l’abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers. (Arch. nat., X2a 35, à la date.) Il était, dès le 18 février 1471 n.s., à la tête du prieuré de Saint-Philibert de Noirmoutier, pour lequel il était en procès à cette date et les 18 mars, 22 avril et 25 mai de la même année. (X1a 4812, fol. 83, 112 v°, 332, 353.) Le 6 mai 1484, Macé ou Mathieu Gavigneau, notaire et secrétaire du roi, lui en disputait encore la possession. (X1a 4825, fol. 218 v°.) L’année suivante les deux compétiteurs plaidaient encore, se reprochant mutuellement des violences. (X1a 119, fol. 339.) A cette même époque, Guillaume Ysoré se prétendait aussi commandeur de Sainte-Catherine de Beauvoir-sur-Mer, prieuré conventuel de l’ordre de la Sainte Trinité pour la Rédemption des captifs, bénéfice que lui contestait Alexis Siméon, soutenu par Robert Gaguin, général des Trinitaires. Nous avons dit quelques mots de ce procès dans notre précédent volume, p. 81, note. Ysoré paraît avoir obtenu gain de cause ; du moins son adversaire fut déclaré « forclos de produire », par deux arrêts du 8 février et du 16 mars 1485 n.s. Voy. aussi d’autres actes des 4 et 26 janvier, 25 et 28 février de la même année. (X1a 1492, fol. 27 v°, 49 r° et v°, 57 v°, 70° et 89 ; X2a 45, acte du 28 février transcrit à la fin du registre.)

Le prieur de Saint-Philibert de Noirmoutier fut impliqué avec son père, ses frères et un grand nombre d’autres complices dans un procès criminel beaucoup plus grave, dont on suit les traces sur les registres du Parlement depuis le 2 mai 1485 jusqu’au 31 mars 1492 n.s., et que nous allons résumer le plus succinctement que possible. Pierre Morin, abbé de Sainte-Croix d’Angle, peu de temps avant sa mort, avait résigné l’abbaye en faveur d’Aimery Morin, son neveu, et les religieux (ou du moins la majorité) ratifiant ce choix, firent élection d’Aimery. Cependant Jean Ysoré, seigneur de Pleumartin, qui avait jeté son dévolu sur ce bénéfice, pour en faire jouir un autre de ses fils, Hervé, attaqua l’abbaye à la tête de cinq cents hommes armés et y pénétra de vive force, après avoir tué deux des serviteurs d’Aimery Morin. Une fois maître de la place, il en chassa les partisans de l’abbé régulièrement élu et y installa d’autres moines auxquels il fit procéder à l’élection de son fils. Pierre d’Amboise, évêque de Poitiers, reçut, en qualité de seigneur temporel d’Angle, la plainte de l’abbé ainsi dépossédé par la violence et commença d’instruire l’affaire, puis sur appel le sénéchal de Poitou en fut saisi, et enfin le Parlement, auquel avait été soumis par les inculpés un incident de procédure de la Cour du sénéchal, décida de la juger au fond. Les demandeurs devant la cour suprême étaient l’évêque de Poitiers, Aimery Morin, abbé élu, les religieux, prieur et couvent d’Angle et Etiennette, veuve d’Hingeret Remordeau, l’un des deux hommes tués à l’attaque de l’abbaye. Le nombre des intimes, nommément poursuivis, dépassait cinquante, dont voici les principaux : Jean Ysoré, chevalier, sr de Pleumartin, Jacques Ysoré, son fils aîné, Hervé Ysoré, se prétendant abbé d’Angle, Guillaume Ysoré, prieur de Saint-Philibert de Noirmoutier, Antoine Du Puy, seigneur d’Essarteaux, Hilairet de Bourgdevie (porteur de lettres de rémission), Jean de Lairault, Guillaume Ferron, Louis Blanchet, Pierre de Cavaleu, Jacques sgr de la Chastelinière, Aymar Chastaigner, Guillaume de Combes, Grisegonelle Frotier, fils du seigneur de Preuilly, Jean d’Argenses, sr de la Tour d’Oyré, le bâtard de Preuilly, les Besdons, Antoine de Cluys, sr d’Issoudun, Jean de Rives, etc. Ceux-ci, de leur côté par une plainte reconventionnelle, entamèrent des poursuites contre leurs adversaires. Ils prétendaient que, avant même que Pierre Morin, le précédent abbé, fût mort, Aimery avait fait occuper l’abbaye par des gens d’armes. C’était à la requête des religieux, outrés de cette façon de procéder, que le seigneur de Pleumartin y avait envoyé son fils et ses hommes, qui avaient été victimes d’excès et de voies de fait de la part des partisans de Morin, Guillaume de Saint-Martin (sur lequel cf. ci-dessus, p. 144, note), Louis de Salignac, curé d’Aventon, Jean Coigne, Antoine Morin, François Gerry, Jean Ribier et autres. Hervé Ysoré trouva moyen de compliquer encore l’affaire en intentant, de concert avec frères Helie Dubreuil, prieur du cloître, Guillaume Girard et Pierre Cacault, moines, une action spéciale contre Antoine de Graille, capitaine d’Angle pour l’évêque de Poitiers, messire Pierre Fresneau, prêtre et autres leurs complices. Un des premiers actes du Parlement, le 6 mai 1485, fut d’ordonner aux hommes d’armes qui occupaient l’abbaye d’Angle de l’évacuer immédiatement ; puis le 11 juillet, Jacques Ysoré, Antoine Du Puy, sr d’Essarteaux et les plus compromis furent décrétés de prise du corps et les autres ajournés personnellement. Robert de Guitéville, conseiller de la cour, fut commis à faire une enquête approfondie sur les faits et le greffier criminel Jean de Livre lui fut adjoint, le 7 août 1486. Il serait beaucoup trop long et peu intéressant de retracer toutes les phases d’une procédure qui dura au moins sept ans, et dont nous n’avons point trouvé la conclusion, du moins en ce qui concerne les principaux accusés. Un arrêt du 31 mars 1492 n.s. condamna quelques complices par défaut à payer 400 livres de dommages-intérêts à Aimery Morin, une amende de même somme au roi, et au bannissement et à la confiscation. (Arch. nat., X2 56, fol. 220 v° et 222 v°.) Les autres registres où il est question de ce procès sont : X2a 45, sub fine, acte du 7 mai 1485 ; X2a 48, aux 6 mai, 11 juillet et 2 septembre 1485 ; X2a 51, aux 11 mai, 7 août et 7 septembre 1486, 22 juin et 27 août 1487 ; X2a 52, 2 mai et 11 août 1485 ; X2a 54, aux 16, 19 et 29 décembre 1485, 9 janvier 1486 n.s., 29 mai et 26 juin 1486 ; X2a 57, aux 18 janvier 1487 n.s. et 8 janvier 1488 n.s., Plaidoiries, X1a 4826, fol. 221 v° et 307 v°, 16 juin et 17 septembre 1485 ; X1a 4827, fol. 54 et 87 v°, 29 décembre 1485 et 31 janvier 1486 n.s.

2 Les lettres de Charles VII du 10 mai 1431 en faveur des habitants de l’île de Noirmoutier sont imprimées dans le tome VIII des actes extraits des registres de la grande chancellerie (Arch. hist. du Poitou, t. XXIX, p. 28), et celles de Charles VI, datées de Paris, le 25 octobre 1392, qui y sont incorporées, vidimées et confirmées, dans notre tome VI (XXIV des Arch. hist. du Poitou, p. 88).

3 Sic. Le mois de mars 1478 a.s. se trouvait dans la dix-huitième année du règne de Louis XI. Il y a, par conséquent, une erreur, soit dans le millésime, qu’il faudrait corriger en 1477, si l’indication de l’année du règne est exacte, soit dans cette dernière, qui deviendrait dix-huitième au lieu de dix-septième, si le millésime 1478 doit être maintenu. Le lieu de la date ne peut pas aider à résoudre la difficulté ; car on trouve des lettres du roi données au Plessis-du-Parc en mars 1478 n.s. aussi bien qu’en mars 1479 n.s. Mais il existe une autre copie des lettres patentes de Louis XI en faveur des habitants de Noirmoutier, reproduites en vidimus dans une nouvelle confirmation donnée par Charles VIII à Gien-sur-Loire, au mois de décembre 1484. (JJ. 216, n° 79, vol. 64.) Or, dans cette seconde transcription, les éléments de la date ne sont pas contradictoires ; on y lit : « ou mois de mars l’an de grace mil cccc. soixante dix huit et de nostre règne le dix huictiesme, avant Pasques. » Aucun doute ne peut donc subsister. Les lettres de Louis XI sont bien de mars 1479 n.s.

4 Le texte de ces lettres de confirmation a été publié, d’après la même source, dans le grand recueil des Ordonnances des rois de France, in-fol., t. XVIII, p. 459, dont les éditeurs n’ont pas remarqué l’erreur évidente de l’un des éléments de la date.

5 Raoul Pichon, conseiller au Parlement de Paris. (Cf. ci-dessus, p. 185, note.)

6 Jacques Louet, conseiller du roi et général de la justice des aides à Paris, comme il s’intitule lui-même dans une quittance de pension par lui donnée le 23 mars 1483. Dans d’autres actes des 20 mars et 23 juillet 1491, 1er janvier 1494 et 26 mars 1496, il est qualifié conseiller ordinaire du roy en son grand conseil, trésorier de ses chartes et général sur le fait de sa justice des aides à Paris. (J. Vaësen, Lettres de Louis XI, t. IX, p. 268, note.)