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MDLXI

Lettres d’amortissement, en faveur de Pierre Paen, écuyer, seigneur de Chauray, d’une rente annuelle de quarante livres destinée à la dotation de deux chapelles qu’il se propose de fonder.

  • B AN JJ. 204, n° 62, fol. 39 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 36-40
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre bien amé Pierre Paen, escuyer, seigneur de Chaurray1, contenant que il a entencion de [p. 37] brief faire construire et ediffier, pour sa devocion, deux chappelles isquelles il est deliberé de fonder et ordonner certaines messes et autre service divin pour le salut et remède de l’ame de lui et de ses parens, amys et bienffaicteurs, et pour l’entretenement et continuacion dudit service divin est deliberé de donner et aulmosner à ceulx qui le feront et celebreront jusques à la somme de quarante livres de rente, tant de son heritage comme de ce qu’il pourra acquerir cy après pour ce faire. Maiz il doubte que, quant il auroit baillé et delivré ladicte rente pour la fondacion dudit divin service aux gens d’église qui le feront et continueront, noz gens, officiers et commissaires, ou autres ou temps avenir leur y voulsissent mettre et donner empeschement et les contraindre à en vuyder leurs mains, se ladicte rente n’estoit par nous admortie, comme nous a fait dire ledit exposant, en nous humblement requerant sur ce noz grace et liberalité lui estre imparties. Pour ce est il que nous, ce consideré, inclinans liberalement à la requeste à nous sur ce faicte par nostre ami et feal conseiller et maistre de noz comptes, maistre Olivier Le Roux2, lequel a espousé la fille dudit exposant, pour [p. 38] consideracion des bons, grans, notables et continuelz services qu’il nous a jà par long temps faiz et fait chacun jour en plusieurs manières, à icellui suppliant, pour ces causes et autres consideracions à ce nous mouvans, avons octroyé et octroyons qu’il puisse acquerir en nostre pays de Poictou, soit en fief, en censive ou autre part où licitement faire le pourra jusques à ladicte somme de quarante livres de rente ou revenue, ou autres heritages et possessions à la valleur, et iceulx [p. 39] rentes ou heritages jà par lui acquis ou qu’il acquerra et pourra acquerir, comme dit est, à la valleur, bailler, delivrer et donner à ceulx qui seront ordonnez à faire ledit divin service esdictes chappelles et que lesdiz gens d’eglise et leurs successeurs chappellains d’icelles chappelles les puissent tenir, posséder et en joir paisiblement et perpétuellement, comme admorties et à Dieu dediées, c’est assavoir en chacune desdictes chappelles telle somme que par ledit exposant leur sera ordonnée et departie. Et laquelle somme de quarante livres tournois de rente et [p. 40] revenue ainsi par lui acquise ou à acquerir, nous dès maintenant pour lors avons admortie et admortissons de grace especial, par ces presentes, plaine puissance et auctorité royal, sans ce que lesdiz gens d’eglise ne leursdiz successeurs èsdictes chappellenies soient tenus icelles rentes ou héritaiges mettre hors de leurs mains ne pour ce paier aucune finance ou indempnité, à nous ne aux nostres, pour quelque cause ne en quelque manière que ce soit. Et laquelle finance, quelle qu’elle soit et à quelque somme qu’elle puisse monter, nous avons audit suppliant en faveur de nostredit conseiller, son beau filz, donnée et quictée, donnons et quictons de nostre plus ample grace, par cesdictes presentes signées de nostre main. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes à noz amez et feaulxgens de noz comptes et tresoriers, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieutenans, presens et avenir, est à chacun d’eulx, si comme à lui appartendra, que ledit suppliant et lesdiz chappelains qui feront et continueront ledit divin service èsdictes chappelles et chacun d’eulx ilz facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement de noz presens grace, admortissement, don, quictance et octroy ; et s’aucun empeschement leur estoit en ce mis ou donné, au contraire, si l’ostent ou facent oster et mettre sans delay au premier estat et deu. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours nous avons fait mettre nostre scel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à la Victoire près Senlis, ou moys de octobre, l’an de grace mil cccc. soixante quinze, et de nostre règne le xve.

Ainsi signé dessoubz le reply desdictes lettres : Loys, et dessus : Par le roy, Avrillot. — Visa. Contentor. Rolant.


1 Pierre Paën ou Payen, était l’un des fils d’Itier Payen, marchand de Saint-Maixent, et de Jeanne de Launaye, frère puîné de Philippe Payen, bourgeois de cette ville, anobli par lettres patentes de Charles VII du 18 novembre 1451. (Cf. notre neuvième volume t. XXXII des Archives historiques, p. 244, où ont été réunis quelques renseignements sur cette famille notable originaire de Saint-Maixent.) Pierre Payen avait acquis, antérieurement à l’année 1455, de Jacques de Lespinatz, cessionnaire du fameux Gilles de Raiz, la seigneurie de Chauray, près Niort, dont ses descendants ont toujours porté le titre. Ses armoiries étaient d’azur à trois besants d’or. (A. Richard, Charles de Danzay, ambassadeur de France en Danemark. Poitiers, 1910, in-8°, p. 226, note.) L’an 1461, à la requête de Pierre Payen, écuyer, sr de Chauray, fut saisi l’hôtel de Faye-sur-Ardin sur Briant de Quercy, écuyer, Annette Rataut, sa femme, et Huguet Rataut, frère de celle-ci, en payement d’arrérages d’une rente de vingt écus d’or constituée audit Pierre par Jean Rataut, écuyer, seigneur de Faye, qui depuis, étant entré dans l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, à Rhodes, avait abandonné ses biens à Huguet et à Annette Rataut (A. Richard, Archives du château de la Barre, t. II, p. 299). Pierre laissa au moins un fils, Guillaume, après lui seigneur de Chauray, et une fille, Marguerite, mariée à Olivier Le Roux, comme on l’apprend quelques lignes plus loin. Guillaume, qui avait épousé Perrette Tutaud, eut aussi entre autres enfants Pierre, sr de Chauray, sénéchal de la baronnie de Saint-Maixent, en 1511, et Jeanne Payen, femme (vers 1512) de Jean Suyreau dit Quissarme, sr de Danzay, père et mère de l’ambassadeur en Danemark, personnage à peu près inconnu jusqu’ici, du moins en France, auquel M.A. Richard a consacré récemment une étude substantielle qui renouvelle complètement l’histoire de la diplomatie française dans les pays du Nord de l’Europe au xvie siècle.

2 Cet Olivier Le Roux avait effectivement rendu beaucoup de services à Louis XI avant même son avènement à la couronne. Huit jours après la mort de Charles VII, il obtint de son successeur des provisions de l’office de notaire et secrétaire du roi, par lettres données à Avesnes, le 1er août 1461 ; son nom figure en cette qualité en bas de bon nombre d’actes de la grande Chancellerie des années 1462 à 1464. Il fut aussi vicomte de Valogne, comme on le voit par une procuration passée devant son lieutenant, le 25 décembre 1483. L’année suivante, le 24 novembre, Olivier Le Roux fut reçu conseiller maître à la Chambre des comptes, en remplacement de Henri Cœur, doyen de Limoges ; il fut confirmé, par ordonnance du 24 octobre 1483, dans cet office qu’il exerça jusqu’au 30 novembre 1500. Ses armes étaient d’azur au chevron d’argent, accompagné de trois têtes de léopard d’or. (Constant d’Yanville, la Chambre des comptes, in-fol., p. 481.) Par ces fonctions, et surtout par les missions diplomatiques importantes que lui confia Louis XI, Olivier Le Roux fut un personnage marquant du règne. Le Journal de Jean de Roye, connu sous le nom de Chronique scandaleuse, dit qu’il avait été envoyé en Angleterre, au mois d’avril 1466, avec Louis Bâtard de Bourbon, comte de Roussillon, amiral de France, Jean de Popaincourt, président au Parlement, l’évêque de Langres et le sr de La Barde. Au mois de juin 1467, il y retourna, en cette même qualité d’ambassadeur, avec Antoine du Bec-Crespin, archevêque de Narbonne, l’amiral de France, le président de Popaincourt, etc. En février 1468, il était en mission à la cour de Rome, suivant des lettres de Louis XI, datées de ce mois. Le 5 octobre 1470, il était désigné par le roi, en même temps que le cardinal d’Albi et Jean d’Estouteville, sr de Torcy, pour négocier les garanties à accorder à Jean Pacheco, marquis de Vollena, grand-maître de l’ordre de Saint-Jacques, s’il venait à être compromis pour son zèle à traiter le mariage du duc de Guyenne avec la princesse de Castille. On connaît une lettre très curieuse d’Olivier Le Roux au roi, datée de Saint-Sever, le 11 avril 1471, rendant compte d’une mission de surveillance auprès du même duc de Guyenne et annonçant l’envoi de fragments des missives suspectes, déchirées en morceaux, touchant les agissements du frère de Louis XI. Le 10 mars 1472, le même personnage était encore envoyé, avec le sire de Craon et Pierre Doriole, vers le duc de Bourgogne, pour conclure la paix, et Jean de Roye signale le retour des ambassadeurs au mois de mai de cette année. En 1474, une commission lui fut adressée, ainsi qu’à Jean Bonne et à Jean de Moulins, notaire et secrétaire du roi, pour approvisionner de blé la ville de Bordeaux. Enfin une lettre de Louis XI à Alfonse, roi de Portugal, annonce à ce prince l’envoi d’Olivier Le Roux en qualité d’ambassadeur ; les instructions qui lui furent données à son départ (avril 1475) ont été publiées. Il y est qualifié conseiller et maître des comptes du roi et son notaire et secrétaire. (Vaësen, Lettres missives de Louis XI, t. III, p. 158 ; t. IV, p. 263, 355 et suiv. ; t. V, p. 318, 348, 349, 388-394.) Olivier Le Roux, entre autres possessions dans le Poitou, était seigneur de la moitié par indivis de la terre de Grissais, près Frontenay-le-Comte, dont il rendit aveu le 8 octobre 1490 et fit hommage au roi le 22 du même mois. (Arch. nat. P. 5542, cotes iiiicvi et iiiicvi.)

Son fils, Artus Le Roux, avait été reçu maître lai à sa survivance, par lettre du 26 août 1466, mais n’exerça point, sans doute parce qu’il mourut avant son père (Constant d’Yanville, op. cit., p. 610.) Jacques Le Roux, seigneur de Saint-Ouenne, qui fut l’un des protecteurs de Charles de Danzay, son parent, (A. Richard, Charles de Danzay, p. 15), autre fils (ou plutôt petit-fils) d’Olivier et de Marguerite Payen, fut pourvu d’un office de conseiller au Parlement de Paris, le 18 novembre 1500, et décéda le 2 août 1555. (Blanchard, Catalogue de tous les conseillers au Parlement, in-fol., p. 40.) De ce personnage on possède aussi, aux dates des 14 juin et 6 août 1502, un hommage et un aveu pour moitié par indivis du fief de Grissais. (Arch. nat., P 5551, cotes iiiic iiiixx viibis et ix.) Citons encore un Geoffroy Le Roux, portant les mêmes armes, reçu correcteur des comptes le 1er décembre 1580. (Constant d’Yanville, op. cit., p. 664.)

Dom Fonteneau mentionne deux personnages du même nom, au xve siècle, mais qui paraissent d’une famille différente : Hardy Le Roux, écuyer, marié, le 1er septembre 1402, à Renée de La Jaille, puis, le 6 août 1424, à Marie Odart, et Louis Le Roux, écuyer, sr de Montaigu, son fils, qui épousa, le 7 janvier 1445, Jeanne d’Aubigné, et partagea, le 5 février 1457, les successions de son beau-père et de sa belle-mère. (Voy. Rédet, Table des manuscrits de dom Fonteneau, à ces dates). Hardy Le Roux mourut en 1457 et fut enterré dans l’église de Coron, en Anjou, où étaient ses armoiries. Un nommé Gilles de La Roche ayant entrepris de les détruire, vint pour cet effet à Coron, à la tête de vingt hommes armés, Louis Le Roux, dit alors seigneur de La Roche-des-Aubiers (paroisse de Coron), s’y opposa par la force, et dans le conflit tua Gilles de La Roche. Il obtint pour ce meurtre des lettres de rémission, datées de Tours, le 5 mars 1467, n.s. (JJ. 194, n° 237, fol. 131.) Nous ne les avons pas publiées dans notre recueil, pensant que ce personnage appartenait à l’Anjou plutôt qu’au Poitou.