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MDCLXVI

Rémission octroyée à Jean Merle, laboureur, demeurant à Notre-Dame-de-Plaisance, coupable du meurtre de son frère puîné, Pierre Merle, qu’il avait frappé mortellement en se défendant et sans intention de le tuer. Ledit Pierre avait attaqué son aîné à coup de pierres, parce que celui-ci lui reprochait d’avoir maltraité et battu l’un de ses enfants.

  • B AN JJ. 208, n° 63, fol. 35
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 372-375
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Merle, laboureur, demourant ès faulxbourgs et parroisse de la ville de Nostre Dame de Plaisance en Poictou, aagé de quarante et cinq ans ou environ, chargé de femme, enfans et mesnaige, contenant que le vendredi vingt septiesme jour d’octobre l’an mil iiiic quatre vings, environ huit ou neuf heures devers le matin, ledit suppliant, estant en son hostel, envoya un sien filz, nommé Jehan Merle, de l’aage de quatorze [p. 373] à quinze ans ou environ, pour mener et faire pasturer ses pourceaulx aux champs, et, au regard dudit suppliant, tantost après il se parti de sondit hostel après ses bœufs pour en aller labourer aux champs ; et quand il fut ou cimetière dudit lieu de Plaisance, il oy crier sondit filz en une terre où il paissoit sesditz pourceaulx, et y avoit eu icellui suppliant en l’année presente les rabes et icelle terre labourée au droit de terraige qu’il en avoit paié à feu Pierre Merle son frère, lequel suppliant fut fort esmeu de oyr crier ainsi sondit filz qui naguères avoit esté très fort malade et n’estoit pas bien encores guery. A ceste cause, meu d’amour et affection paternelle, se transporta le plus tost qu’il peut en ladicte terre où il avoit ouy crier sondit filz, et en y allant, parce qu’il ne savoit la cause pour laquelle sondit filz crioit ainsi, à la tuicion et deffense de son corps et de sondit filz, en passant une haye, en arracha ung pal, et quand il fut arrivé en ladicte terre il apperceut sondit fils qui s’en fuyoit d’auprès ledit feu Pierre Merle, qui estoit en ladicte terre ou auprès d’icelle. Auquel sondit filz, pour ceste cause, icellui suppliant demanda tout chauldement qu’il avoit et pour ce qu’il l’avoit ainsi ouy crier, lequel lui dist que ledit feu Pierre Merle l’avoit batu d’une aiguillade du quoy il touchoit les bœufs, prins par la gorge et gecté à terre. Lequel suppliant à ceste cause dist audit feu Pierre Merle, qui estoit son frère puisné, qu’il estoit bien paillart d’avoir ainsi batu sondit filz qui ne lui demandoit riens et ne lui avoit fait aucun dommaige. Lequel feu Pierre Merle, qui estoit fort rigoreux et de petite conduite et gouvernement, dist audit suppliant qu’il n’y avoit paillart que lui, et, non contant de ce, ledit feu Pierre Merle et tout soudainement en disant lesdictes parolles, print et amassa une grosse pierre, et en s’aprouchant dudit suppliant, la lui gecta pour l’en cuider meurtrir, ce qu’il eust fait, comme il fut vraysemblable, car se ledit suppliant ne se feust [p. 374] destourné, il l’en eust actaint par la teste, et par le destour que fist audit coup ledit suppliant, icellui Pierre Merle ne le pust actaindre de ladicte pierre que par les espaulles, dont il lui donna ung si grant coup qu’il l’en cuida gecter par terre ; et qui plus est, ledit feu Pierre Merle, perseverant tousjours en sa malice de vouloir oultrager ledit suppliant de son corps, print et amassa encore deux autres grosses pierres en marchant à l’encontre dudit suppliant pour les y ruer lesdictes pierres, sans s’en vouloir depporter jaçoit ce que ung sien jeune filz, nommé Sauvestre Merle, criast et dist audit feu Pierre Merle, son père, qu’il se deportast et laissast en paix ledit suppliant, ce qu’il ne voult faire, mais le poursuivoit tousjours pour lui gecter lesdictes pierres. Ce que voyant ledit suppliant et qu’il ne voulloit cesser, doubtant que desdites pierres il le tuast, meurtrist ou occist, et pour deffendre son corps, fut meu de frapper icellui feu Pierre Merle dudit pal sur le bras afin de lui faire tumber lesdictes pierres à terre en manière qu’il ne les lui peust gecter et que icellui suppliant peust eviter à sa fureur : mais il advint que, par cas de fortune, ledit coup s’adressa sur la teste dudit feu Pierre Merle, au dessus ou environ l’oreille, dont il tumba à terre et en fut emporté en son hostel par aucuns gens qui illec survindrent. Et au regard dudit suppliant, s’en alla en sondit labouraige, non pensant avoir fait chose audit feu Pierre dont il deust encourir en aucun danger de sa personne. Et toutesvoyes le lendemain, environ souleil levant, ledit feu Pierre Merle, par faulte d’avoir esté bien pensé et gouverné ou aultrement, à l’occasion dudit coup alla de vie à trespassement. Et combien que dudit cas ainsi avenu que dit est ledit suppliant feust et soit très desplaisant et que en autres choses et ait été bien famé et renommé, sans avoir esté actainct d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, neantmoins doubtant rigueur de justice s’est absenté dudit païs, où il n’oseroit jamais converser ne [p. 375] repairer, se nostre grace et misericorde ne lui estoit impartie humblement requerant icelle. Pour ce est il que nous, etc., voulans, etc., audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné et par la teneur, etc., quictons, remettons et pardonnons le fait et cas dessus declairé, avec toute peine, etc., en mettant au neant, etc. Satisfacion, etc. ; et l’avons restitué, etc. Et sur ce imposons, etc. Si donnons en mandement, etc., au seneschal de Poitou ou à son lieutenant et à tous, etc., que de noz presens grace, etc., ilz facent, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou mois de novembre l’an de grâce mil cccc. quatre vings, et de nostre règne le vingtiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. R. du Breuil. — Visa. Contentor. Texier.