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MDCXVIII

Rémission donnée en faveur de Jacques Bibart, Pierre Bourdault, Guillaume Berchelière et autres bacheliers ou jeunes gens à marier de la paroisse de Saint-Mars de la Reorthe, qui, à leur assemblée annuelle, le lundi de la Pentecôte, s’étant pris de querelle et en étant venus aux mains avec ceux des Épesses, avaient frappé à mort l’un d’eux nommé Jean Cotereau.

  • B AN JJ. 205, n° 27, fol. 13 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 225-228
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons [p. 226] à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jaques Bibart, Guillaume Berchelière, Pierre Bourdault et autres jeunes compaignons bachelliers et enfans de la parroisse de Saint Mars de la Reorte, ou bas pays de Poictou, de l’age de xii à xxiii ans ou environ, contenant que par les parroisses dudit bas pays de Poictou les jeunes compaignons que on appelle bachelliers à marier ont acoustumé tous les ans, à chacune feste de Penthecoustes, eulx assembler joyeusement et faire entre eulx, par election en chacune parroisse et assemblée ung roy de bachelliers, qui a la charge, gouvernement et administracion du cierge et luminaire desdiz bachelliers. En ensuivant laquelle coustume et usance lesdiz supplians de ladite parroisse de Saint Mars et aussi ceulx de la parroisse des Espoisses qui ont acoustumé eulx assembler comme dit est et s’esbatent et dancent avecques menestriers, et boivent et menjeussent ensemble chacun en sadite parroisse, le lundi landemain de la Penthecouste derrenière passée, après la première messe du matin, allèrent avec leurs menestriers et estandart qu’ilz font d’une serviette ou couvrechief, querir le may ainsi qu’il est de coustume, c’est assavoir lesdiz supplians ou boys appellé de Jarrie où ilz doivent pour devoir une espaule de mouton, et ceulx de la parroisse des Espoisses ou boys du Pié du Fou, où ils doivent deux solz tournois pour le devoir dudit may. Et d’illec s’assemblent en une place commune ou carrefour d’entre lesdites deux parroisses, qui s’appelle la place des bachelliers et y dancent tous ensemble, et après s’en vont à la grant messe. Et advient voulentiers par chacun an qu’ilz ont question et debat ensemble à qui mieulx dance. Et de fait en ceste dicte derrenière année, ainsi que lesdiz [p. 227] supplians et ceulx des Espoisses faisoient leur assemblée, comme il est acoustumé oudit carrefour et place commune, et que ceulx de ladite parroisse des Espoisses, qui estoient venuz les premiers desmarchoient jà pour eulx en retourner, ils apperceurent lesdiz supplians et retournèrent vers eulx et s’entresaluèrent. Et après lesdiz des Espoisses avec lesquelz avoit plusieurs autres gens de mestier et incongneuz, demandèrent ausdiz supplians s’ilz vouloient dancer avec eulx. Lesquelz respondirent que non, parce qu’ilz s’en vouloient aller à leur grant messe, et que leur curé les attendoit, aussi qu’ilz veoient que ceulx de ladite parroisse des Espoisses estoient en plus grant nombre que eulx et les doubtoient s’ilz venoient en quelque débat par ce qu’ilz estoient embastonnez et les avoient menassez dès devant la feste que s’ilz se rendoient en la place qu’il y en demoureroit, et en les moquant leur avoient dit qu’ilz se armassent bien par derrière. Et dirent lesdiz des Espoisses ausdiz supplians : « Si ferez ; vous dancerez », et firent sonner leurs menestriers. Et lesdiz supplians dirent de rechief qu’ilz ne danceroient point, et qu’ilz s’en vouloient aller. Et lors l’un de ceulx des Espoisses leur dit qu’ilz s’en allassent donc. Et commencèrent lesdiz supplians à eulx en aller en disant : « Adieu, adieu. » Et adonc l’un des compaignons des Espoisses frappa d’un gros baston l’un desdiz supplians tant qu’il le tumba à terre comme s’il fust mort, en criant : « Tuez, tuez », dont fut grant bruyt entre eulx. Et advint que Pierre Bourdault, l’un desdiz supplians, apperceut que ung nommé Jehan Cotereau, de ceulx des Espoisses, avoit dague dont il vouloit frapper l’un desdiz supplians, et pour resister à son entreprinse iceluy Bourdault, Jaques Bibar et Guillaume Barchelière supplians frappèrent sur luy tant qu’il cheut à terre. Et après se departirent et s’en allèrent de ladite place d’un cousté et d’autre. Et au regard dudit, Cotereau, il fut emmené audit lieu des Espoisses et le [p. 228] jeudi ensuivant, pour les coups et bastons qu’il eu, par deffault de bon gouvernement ou autrement, alla de vie à trespas. Dont lesdiz supplians ont despuis chevy à partie. A l’occasion duquel cas, lesdiz supplians qui sont tous jeunes enffans et n’eurent jamais intencion que à ladite assemblée se deubst quelque mal faire, doubtant que on voulsist contre eulx ou aucuns d’eulx procéder par rigueur de justice, se noz grace, etc. Pourquoy, etc., à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, etc. Donné à (blanc), ou moys de (blanc) l’an de grace mil cccc. soixante dix huit, et de nostre règne le dix huitiesme1.


1 L’acte qui précède ces lettres dans le registre JJ. 205 est du mois d’août 1478 et les deux suivants d’octobre et novembre de la même année.