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MDLXXXII

Rémission octroyée à Etienne Maubec, de la paroisse de Maillé. Emprisonné à Maillezais pour avoir volé neuf écus d’or en l’église de Maillé, au préjudice du fabricien, Jean Maréchal, il avait été relâché après avoir restitué la somme, donné satisfaction à partie et payé les dépens, puis il s’était fait absoudre du sacrilège par l’official de Maillezais. Ayant été malgré tout repris par la justice royale dudit lieu, il avait trouvé moyen de rompre sa prison et de s’évader.

  • B AN JJ. 204, n° 183, fol. 114
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 118-120
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Estienne Maubec, povre homme, chargé de femme et enfans, de la perroisse de Maillé, contenent que, ou moys d’aoûst derrenier passé, il avoit ung procès à l’encontre d’un nommé Jehan Rousseau pour la somme de quinze solz tournoiz, lesquelz il devoit audit Rousseau. Lequel Rousseau ne [p. 119] pouvoit bonnement prouver à l’encontre dudit suppliant, sinon par ung nommé Jehan Mareschal, fabrisseur de ladicte perroisse de Maillé. Lequel Mareschal rencontra ung jour ledit suppliant et lui dit telles parolles : « Viença, tu sces bien que tu doiz à Jehan Rousseau quinze soulz, que ne les lui paiez-tu ? Si tu ne les lui payes, je te feray perdre ta cause. » A quoy ledit suppliant respondit audit Mareschal autres telles parolles : « Si tu la me faiz perdre, tu te perjureras. » A cause desquelles parolles ainsi dictes entre eulx, ledit suppliant, desplaisant d’icelles, sachant que ledit Mareschal, qui estoit, comme dit est, fabriceur de ladicte perroisse, avoit les clefz de l’eglise d’icelle, s’en alla ce jour mesmes en la maison dudit Mareschal, en laquelle il desjeuna avé plusieurs autres gens d’ilec environ, et en desjunant pensoit en lui-mesmes, pour soy venger dudit Mareschal, commant il pourroit veoir les clez de ladicte eglize et fit tant qu’il les trouva ; lesquelles il print, et, quant il en fut saisi, attendit qu’il fut nuyt, et la nuyt venue, s’en alla en ladicte esglize, et d’icelles clez ouvrit la porte et entra dedans ladicte eglize. Et quant il fut dedans, il rencontra ung couffre ouquel estoit l’a[r]gent de la fabrice de ladicte eglize, lequel il trouva façon de l’ouvrir et l’ouvrit, et en icellui coffre trouva la somme de neuf escuz d’or, lesquelz il print et empourta. Et ce fait, refferma ladicte eglise et s’en alla vers la maison dudit Mareschal, gecta lesdictes clez de ladicte eglize et s’en alla chez lui. Et le lendemain ledit suppliant rencontra l’ung de ses voysins, auquel il dit : « Le Mareschal me menassa yer de faire perdre ma cause contre Jehan Rousseau, maiz si je la pers, ce sera à ses despens, car j’ay neuf escuz d’or de lui, que j’ay prins en ung couffre dedans l’eglize, qui sont de la fabrice, lesquelz il faudra bien qu’il rende. » Lesquelles parolles oyes par sondit voysin cedit jour mesme, se tira devers ledit Mareschal et luy compta tout le cas comme ledit suppliant lui avoir [p. 120] compté. Lequel Mareschal de ce adverty, se tira par devers la justice du lieu et cellui jour mesmes le fit prendre et constituer prisonnier ès prisons de Mallezais, et illecques le fit tenir prisonnier bien l’espace de deux moys ou environ et ne saillit hors jusques à ce qu’il eust fait satisfacion de ladicte somme de neufs escuz d’or, ce qu’il fit dès le jour qu’il fut prins et paya tous les fraiz de justice, dont les officiers dudit lieu leur baillèrent leurs quitances. et puis le misdrent hors desdictes prisons. Et ce fait fut absoulz de l’official dudit lieu de Mallezays, à cause de ce qu’il avoit prins ladicte somme dedans ladicte eglize comme sacrileige. Maiz cellui jour mesmes vint ung de noz sergens dudit lieu, lequel le fit prisonnier par auctorité de justice èsdictes prisons de Maillezaiz et illec fut detenu prisonnier par l’espace d’ung moys ou environ, dedans lesquelles il mouroit de fain et de soif et y estoit durement traité, pour ce qu’il n’y avoit personne qui lui pourchassast, obstant sa pouvreté, et n’en tenoit justice compte. Par quoy voyant ce, il a trouvé façon de briser lesdictes prisons et de soy eschapper d’icelles et s’en est fouy on ne scet où. A l’occasion desquelz cas et choses dessusdictes, doubtant rigueur de justice, il ne s’ozeroit jamaiz trouver au pays ne y converser avec sa pouvre femme et enfans, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est, mesmement qu’il a satisfait à partie et a été absolz comme dit est et qu’il ne fut jamaiz actaint ne convaincu d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce nosdictes grace et misericorde lui impartir. Pourquoy, etc. Au seneschal de Poictou ou à son lieutenant et à tous autres, etc. Donné1


1 Sic. Le scribe s’est arrêté là et a omis la date et les signatures de ces lettres de rémission. Les autres actes enregistrés dans le voisinage immédiat de celui-ci étant de la fin de l’année 1476, on peut lui attribuer la date de novembre ou de décembre 1476.