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MDLXVII

Rémission obtenue par Guillaume Martin, marchand du bourg d’Antigny, qui craignait d’être inquiété pour n’avoir pas révélé tout de suite à la justice que son compère, Amaury Ellof, ancien facteur des Donne, père et fils, négociants de La Rochelle, ayant fait de mauvaises affaires, était venu à Réaumur fabriquer de la fausse monnaie, ledit Martin, en outre, l’ayant aidé sans le vouloir, en lui prêtant l’argent nécessaire pour acheter les matières premières.

  • B AN JJ. 195, n° 1533, fol. 369
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 65-68
D'après a.

Loys, etc. Savoir, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Guillaume Martin, marchant demourant au bourg d’Antigné en Poictou, contenant que il print jà pieça congnoissance avec ung nommé Amaurry Ellof, natif du pays d’Anjou, facteur et entremetteur des besongnes, marchandises [p. 66] et affaires de feu Pierre Donne et Martin Donne1, son filz, marchans demourans à la Rochelle, et, en exerçant lesdictes marchandises desdiz deffunctz, ledit Ellof print congnoissance avec ledit Martin, suppliant, tellement que ledit Ellof se fist compère dudit suppliant et lui nomma une sienne fille sur les fons ung an et demi a ou environ, et au moyen de ladicte affinité ledit Ellof emprunta certaine somme de deniers dudit suppliant, son compère, et jusques à la somme de xxii. escuz. Et depuis ledit Ellof s’est si piteusement gouverné qu’il a perdu grant quantité d’argent, lui estant facteur desdiz Donne. Et depuis se tira devers ledit suppliant son compère à Reaumur en Poictou, lequel il envoya querir à Antigné distant dudit lieu de Reaumur de une lieue ou environ ; et creoit ledit suppliant que ledit Ellof l’envoyast querir pour luy bailler ladicte somme qu’il lui devoit. Et incontinant que ledit suppliant fut audit lieu de Reaumur, lui demanda s’il l’avoit envoyé querir pour luy bailler ladicte somme qu’il lui devoit, et ledit Ellof lui respondit que pour lors ne le pourroit paier. Mais ledit Ellof requist et pria ledit suppliant qu’il luy fist encores ung plaisir et que à bref de temps il lui payeroit ladicte somme et aussi le plaisir qu’il lui feroit, en luy disant telles parolles ou en effect semblables : « Mon compère, il fault que vous me queriés douze livres de vieilles poelles et six livres d’estaing, pour cinq solz de bourras et pour cinq solz de litarge, car j’ay aprins une science dont je vous feray bon argent ; en lui disant oultre que, si on lui demandoit que c’estoit à faire d’icelle [p. 67] metaille qu’il dixit (sic), que c’estoit à faire ung mortier à batre espice, et lesdiz bourras et litarge pour guerir chevaulx. Ét tantost après lui envoya ledit suppliant par ung homme qui ne savoit que c’estoit lesdictes drogueries jusques audit lieu à Reaumur, et ne vit ledit suppliant ledit Amaury, son compère, qu’il ne feust cinq ou six sepmaines, que ledit Ellof l’envoya quérir à ung village par ung homme dudit village en la parroisse de Chenesoye. Et incontinant icellui suppliant parla audit Ellof, son compère, et lui demanda qu’il lui vouloit, et icellui Ellof le tira à part desdictes gens de village et lui dist telles parolles : « Vecy l’argent que vous avoye dit que feroye. » Et incontinant ledit Ellof print de l’argent en ung petit sac et luy en monstra trois ou quatre pièces dont il y en avoit une de Bretaigne et les autres du coing du Roy, bien povrement marquées. Et incontinant ledit suppliant lui respondit telles parolles : « Vous estez mauvais homme d’avoir fait cecy, car vous m’aviez dit que vous feriez bon argent et me payeriez bien, et que mauldicte soit l’eure que je vous congneu oncques, ne l’eure que je vous vis oncques. » Et lors ledit Ellof lui dist : « Je n’ai denier ne maille pour m’en aller. » Et ledit suppliant lui dist telles ou semblables parolles : « Se vous me voulez promettre que jamais vous ne ferez telles folliez, je vous presteray six francs et que vous en aliez devers vostre père, pour querir vostre remede. » Lequel Ellof promit audit suppliant que jamais n’en useroit et que ce qu’il avoit fait qu’il bruleroit. Et ledit Ellof luy dist : « J’ay advisé pour vous paier de l’argent que je vous doy. J’ay sept camellos, quatre aulnes de satin et quatre aulnes de damas, qui sont à Nantes, que j’ay engagé pour la somme de xxix escus, xxvii escus en or et les deux en monnoye », et lui dist : « Envoyez-y ung homme pour savoir s’ilz valent plus que la somme que j’ay prins. » Lequel suppliant y envoya ung homme nommé Jehan Aleaume et luy dist ledit marchant [p. 68] de Nantes que les draps de soye n’avoyent point d’arrest, mais que luy baillast son argent et qu’il n’en bailleroit riens d’avantaige. Et après ce lui dist ledit suppliant, quant son homme fut venu de Nantes : « Allez-vous-en à Montournoy, là où vous envoyeré de l’argent pour aller querir vostre remedde », et icellui suppliant, son compère, lui porta la somme de six francs et lui donna son espée et print congié de luy et luy dist : « Mon compère, gouvernez-vous bien mieulx que n’avez acoustumé, et si vous ne vous amendez, je prie Dieu que jamais ne vous puisse veoir. » Et oncques puis ledit suppliant ne le vit ne oyt parler de luy. Et doubte ledit suppliant que parce que lors il ne adverty la justice dudit cas et aussi qu’il presta l’argent audit Ellof pour achetter lesdictes drogues, ainsi et par la manière que dit est, que l’en le voulsist au temps, advenir reprendre ou apprehender de ce que dit est, en nous humblement requerant que, attendu qu’il a tousjours esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans avoir esté actaint ne convaincu d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, nous lui veuillons impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons le fait et cas dessus declaré quicté, etc., avec toute peine, etc. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, aux prevost de Paris, seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de fevrier, l’an de grace mil cccc. soixante quinze, et de nostre regne le quinzeiesme.


1 On pourrait lire tout aussi bien Douve. On voit dans l’Histoire de La Rochelle d’Amos Barbot que l’an 1479, l’élection du maire ayant donné lieu à contestation et des commissaires ayant été envoyés par le roi pour faire une enquête, en attendant leur décision, la ville fut administrée par un nommé « Guillaume de Douves, qui exerça la mairie par commission jusques au mois de septembre de cette année » (Edit. Denys d’Aussy, Arch. hist., de la Saintonge et de l’Aunis, t. XIV, p. 432). En l’absence d’autres documents, il n’y a d’ailleurs aucune conclusion à tirer de ce rapprochement.