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MDCCXXII

Rémission obtenue par Pierre de La Nozaye, de Lesigny-sur-Creuse, coupable d’un meurtre. Soupçonnant Denis Charlot d’avoir commis un vol dans son moulin, il alla de nuit en compagnie de ses beaux-frères et de plusieurs autres perquisitionner dans la maison de celui-ci, où il en trouva aucun des objets dérobés. Mais plusieurs habitants de Pressigny étant venus au secours dudit Charlot, il y eut une mêlée dans laquelle ce dernier fut frappé mortellement par ledit de La Nozaye.

  • B AN JJ. 207, n° 142, fol. 70
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 41, p. 543-547
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, Nous [p. 544] avoir receue l’umble supplicacion de Pierre de La Nozaye, povre homme de braz, chargé de famme et enfans, demourant en la parroisse de Lésigny sur la rivière de Creuse, contenant que la nuit de mardi des foiriez de Penthecouste derrnière passée, aucuns larrons et malfaicteurs avoient prins et furtivement emporté de son molin ung quartier et demi de lart, trente cinq solz tournois, deux aulnes de drapt de bureau camelin et neuf boisseaulx de mousture appartenans à ses beauffrères, et comme le lendemain au matin on avoit dit à Jehan Chevreau le jeune que Philippon Charlot et Denis Charlot son filz avoient fait lesdiz larrecins et que le jour precedant on les avoit veuz tournoyer et visiter ledit molin et que dès piéça ilz estoient renommez d’estre larrons, icellui suppliant dist audit Jehan Chevreau puisné, que s’il se doubtoit que aucunes gens eussent fait ledit larrecin, qu’il les lui nommast et qu’il admeneroit des gens pour les sercher et feroit tant qu’il les trouverroit et rencontreroit, et puis recouvreroit les choses qu’on leur avoit prinses et emblées. A quoy ledit Chevreau puisné respondit que c’estoit bien dit et qu’il lui amenast des gens. Et incontinant icellui suppliant s’en alla audit lieu de Lésigny, et ce pendant ledit Chevreau se transporta par devers Jehan Chevreau l’ainsné, son frère, estant en ung autre molin près d’illec et lui raconta ledit larrecin ainsi fait en leurdit molin et commant ledit suppliant estoit allé querir des gens qu’il devoit amener au soir, pour faire dilligence de trouver lesdiz larrons ; lequel lui responde qu’il s’en allast devant et il se rendroit à eulx sur le soir, ce qu’il fist. Et ce soir vindrent et arrivèrent ledit suppliant, Jehan Chevreau, le plus jeune frère desdiz Chevreaux, Jehan Heliot, Jehan Odet et Jehan Debaru qui se assemblèrent audit molin et illec delibererent et conclurent ensemble que icelle nuyt ilz yroient en l’ostel dudit Phelippon Charlot estant près dudit molin, pour sercher en sa maison se lui [p. 545] ou Denis Charlot, son filz, avoient prins et emporté l’argent, lart, blé et drap dessusdiz. Et de fait allèrent lesdiz suppliant, Chevreaulx et autres dessusdiz, armez et embastonnez d’arbalestes, javelines et bracquemars pour la seureté de leurs personnes et non pas en entencion de mal faire, environ l’eure de unze heures d’icelle nuyt au rays de la lune, en la maison dudit Phelippon Charlot. Et en icelle maison entrèrent lesdiz Chevreaulx (sic) le jeune, Jehan Alyot et Jehan Odet, et lesdiz Chevreaux ayans leurs arbalestes bandées et des materaz dessus non ferrez, demourèrent dehors avecques ledit suppliant et autres leurs complices ; et serchèrent ceulx qui estoient entrez en ladicte maison s’ilz trouverroient lesdiz argent, blé, lart et drap, qui avoit esté prins ondit molin. En laquelle maison ilz ne trouverent riens de ce qu’ilz demandoient et après s’en allèrent en l’ostel dudit Denis Charlot, filz dudit Philippon, distant dudit hostel de trois traictz d’arc ou environ, pour semblablement sercher se ilz trouveroient ce qui leur avoit esté prins ondit molin ; et en icelle maison entrerent lesdiz Jehan Chevreau le plus jeune, Jehan Alyot et Jehan Odet, et lesdiz Chevreaulx et suppliant demourèrent dehors avecques leurs arbalestes bandées, chargées de matractz non ferrez. En laquelle maison ilz ne trouvèrent semblablement riens de leurs biens. Et s’en fuyt ledit Denis en l’ostel de Estienne Boisguyon distant d’illecques d’un traict d’arc ou environ, et en s’en fuyant lesdiz suppliant et Chevreaux et leurs compaignons le poursuivirent et le prindrent, et le lya par les mains d’une corde ledit Jehan Chevreau le plus jeune et le tindrent assis sur une souche de bois en une court estant près l’ostel dudit Estienne Boisguyon, afin que ledit Denis Charlot ne s’en fuyst et qu’il n’empeschast les autres de sercher sadicte maison. Et pour ce que peu après survindrent sur eulx plusieurs gens de Precigny, armez et embastonnez à l’aide et secours dudit Denis Charlot, parce que le père d’icellui [p. 546] Denis estoit allé audit lieu de Precigny crier que les brigans estoient en sa maison, ledit suppliant et sesdiz compaignons, ainsi qu’ilz visdrent venir lesdiz de Precigny sur eulx tous esmeuz leur disdrent qu’ilz estoient les Chevreaulx et leur prièrent qu’ilz ne les frappassent point et qu’ilz n’estoient illec venuz que pour querir lesdictes choses desrobées. Et pour ce que à la prière desdiz suppliant et ses compaignons ne voulloient obtemperer, mais disoient bien telles parolles ou semblables : « Frappez, frappez et tuez tout, car ilz sont tous brigans ! » iceulx suppliant, sesdiz beauffrères et leurs compaignons se misdrent en deffense à l’encontre d’eulx et s’entredonnèrent plusieurs coups et collées les ungs aux autres. Et après ce que lesdiz de Precigny eurent blecé ledit suppliant …1, et donna ung coup de bracquemart audit Denis ou corps, duquel ledit Denis, par faulte de bon gouvernement ou autrement, cinq heures après ou environ alla de vie à trespas. Pour occasion duquel cas ledit suppliant s’est absenté du païs où il n’oseroit jamais bonnement converser ne repairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est et qu’il a esté tout le temps de sa vie de bonne vie, renomée et honneste conversacion, sans jamès avoir esté actainct ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce lui impartir nosdictes grace et misericorde. Pour quoy Nous, etc., voulans, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné le fait et cas dessusdit, avecques toute peine, etc., en mettant au néant, etc. Et l’avons restitué, etc. Satisfacion, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et à tous, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. quatre vings et deux, et de nostre règne le xxiie.

[p. 547] Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Foucher. — Visa. Contentor. Texier.


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